Macron, toujours plus détestable, coincé entre 2 fronts
Dans deux semaines, nous sommes appelés aux urnes pour le premier tour des élections législatives. Le coup de poker du président semble déjà perdu tant le RN est en position de force et la gauche s’est rassemblée, faisant du camp présidentiel le maillon faible de l’élection à venir. La macronie risque de passer de bénéficiaire à victime du vote utile, tant Macron et son exécutif sont détestables.
Laurent Herblay Agora Vox
Une tri-polarisation qui écrase le centre
La stratégie qui sous-tendait la dissolution était sans doute d’attirer une nouvelle vague de soutiens venus du PS et de LR pour renforcer le pôle central, en comptant sur le report des voix de droite face à la gauche et inversement, comme en 2022. Mais ce calcul bute sur plusieurs limites. D’abord, ce calcul valait quand les trois blocs avaient un poids proche, assurant suffisamment de places au second tour pour le camp présidentiel. Là, la macronie n’est plus que la troisième force politique, et pourrait donc être éliminée d’une très grande partie des seconds tours dès le 30 juin, la réduisant au rôle de spectateur du duel RN-NFP. Il faut dire que les partis de gauche ont vite compris qu’ils avaient plus qu’intérêt à reformer la NUPES s’ils ne voulaient pas être réduits à quantité négligeable lors des législatives. Il n’aura pas fallu plus de 24 heures pour annoncer un premier accord, suivi d’un programme quelques jours après. L’unité de la gauche lui assure une bonne élection, même si Mélenchon, qui veut purger ses troupes, la freine.
Pourtant, la ligne Glucksman était proche de la ligne de l’exécutif, mais le PS a pensé à ses propres intérêts. Olivier Faure ne craint pas de soutenir une ligne très éloignée de la politique menée sous Hollande et même d’accepter la possibilité que Mélenchon s’installe à Matignon. Macron ne peut plus compter que sur le ralliement d’une partie des cadres de LR, comme dans les Hauts de Seine, mais l’apport risque d’être marginalisé par les dizaines de candidats de l’accord avec le RN, passé par Eric Ciotti. LR est en voie d’implosion avec pas moins de 4 lignes différentes, entre pro-Macron, indépendants, pro-Lisnard (combien de divisions ?) et pro-RN. La centrifugeuse politique à l’œuvre pourrait bien venir à bout de ce parti. Un des aspects positifs de cette séquence qui pourrait participer à clarifier le paysage politique. Les dits républicains sont trop proches de la macronie sur le fond, en dehors de postures électoralistes qui ne trouvent pas d’actions concrètes quans ce parti est en charge des affaires.
La macronie mène une campagne ubuesque, allant jusqu’à appeler à prendre en compte les JO pour le vote. Elle caricature outrageusement l’élection à venir pour tenter d’apparaître comme le seul choix raisonnable, et éviter d’avoir à parler de son bilan calamiteux dans tous les domaines (insécurité, immigration, déficit commercial, déficit budgétaire, faillites d’entreprises, chômage de masse, effacement diplomatique, services publics à l’abandon, entre une école qui apprend de plus en plus mal, et un système de santé qui a de moins en moins les moyens de soigner). La conférence de presse de Macron ne lui fera pas gagner une voix tant le président était arrogant et condescendant, réduisant le vote des Français à un acte colérique. En nous parlant comme si nous étions des enfants qui avions fait une crise, et qu’il fallait remettre sur le droit chemin, il oublie que ce langage moralisateur et infantilisant ne prend plus, et, au contraire, pourrait bien mobiliser plus encore les Français contre son camp lors des élections législatives.
Et que dire du délai ahurissant entre la dissolution et l’élection, à peine trois semaines, contesté par plusieurs recours déposés au conseil constitutionnel ? Le caractère cavalier de ce choix rajoute une ligne au lourd passif du président, même si le conseil ne remet pas en cause le calendrier. Encore une fois, comme en 2022, Macron esquive le débat en le réduisant à trois petites semaines, comptant sur le choc et la sidération pour gagner. Mais ce raisonnement est absurde quand on réunit moins de 15% des voix aux élections européennes. Il est devenu le maillon faible de la tri-polarisation de la vie poliltique française. Certains macronistes venus de la gauche pourraient être tentés de voter pour le Nouveau Front Populaire pour éviter le RN. Et d’autres, venus de la droite, ou allergiques à Mélenchon, pourraient juger le vote RN plus efficace pour éviter LFI. Sept ans de Macron ont accéléré la chute du bloc central, qui pourrait bien avoir perdu la taille critique pour subsister. Et si la macronie s’effondrait littérallement après ces législatives ?
Mais ce faisant, Macron pourrait aussi passer la patate chaude de la gestion du pays à d’autres, alors que l’impasse économique dans laquelle il a placé notre pays devient bien plus complexe à gérer. Ainsi, il n’aurait pas à assumer l’équation budgétaire inextricable qu’il a mis en place, échappant pour partie aux conséquences de ses actes, tout en lui permettant d’essayer de redorer son image. Mais au final, sa défaite serait aussi une mise à la retraite anticipée, ce qui serait extrêmement réjouissant.