"Saint-Denis : ma ville à l’heure islamiste"
Un assaut du RAID a été donné ce 18 novembre au petit matin à
Saint-Denis pour interpeller les auteurs et complices présumés
des attentats du 13 novembre à Paris. Dans un numéro exceptionnel
de Marianne paru lundi, l’universitaire Fewzi Benhabib, menacé
de mort par les islamistes du FIS dans son Algérie natale, arrivé
à Saint-Denis en 1994, amoureux de la laïcité, nous raconte la
progression lente d’une idéologie mortifère dans son
département. Extraits de son témoignage.
- Librairie religieuse à Saint-Denis où l’on cherche en vain fictions et romans - Myr Muratet pour Marianne
"A Saint-Denis, une fracture s’est ouverte que mon
expérience algérienne m’empêche d’ignorer. Elle se creuse
là, le long des trottoirs, au milieu des rues, au marché le
dimanche et, pourtant, des citoyens politisés refusent de
savoir qu’un projet de société alternatif, obscurantiste et
communautariste ronge le ciment démocratique d’une société
qu’ils veulent – que nous voulons tous – plurielle.
Cette cécité volontaire ne heurte pas seulement mon esprit
scientifique ; elle porte en elle un danger pour la démocratie
et pour l’humanité entière qu’il est urgent de pointer – à
moins qu’il ne soit déjà trop tard.
[...]
Une enseigne, à mes yeux, symbolise cette conquête des
esprits. Sur la grande avenue, face à l’arrêt de tram, à côté
de l’énorme Mak d’Hal, ce fast-food qui reprend les codes
graphiques de McDonald’s, jusqu’à la borne interactive de
commande, pour des hamburgers 100 % halal, elle n’attire pas
le regard. Mixte coiffure pourtant, n’est pas un salon banal.
Comme son nom ne l’indique pas, ce salon est réservé aux femmes
et, en fait de mixité, la patronne donne à ce mot riche un sens
particulier.
Alors que je suis en arrêt devant le message publicitaire
collé sur sa vitrine, elle sort et m’explique : « Quand
j’ai ouvert le salon, ça fait neuf ans, j’ai voulu l’appeler
“Mixte” parce que j’aime bien ce mot. Mais ici, c’est mixte
parce qu’il y a une salle spéciale pour les femmes voilées, à
l’abri des regards. » Cette femme est d’Oran, comme
moi. Elle vient d’un quartier plus bourgeois que celui où
j’habitais. D’abord en français puis en arabe, on badine. Pour
dire qu’elle ne porte pas le voile, elle dit : « Je
sais que c’est un commandement, mais moi, c’est comme ça, je
suis en décapotable. » Je lui dis : « D’où
t’est venue cette idée de coiffer les voilées à part ? Je
n’ai jamais vu ça, même à Oran... »
Pas décontenancée, la coiffeuse : « TU NE VAS PAS COMPARER ORAN ET ST DENIS, QUAND MÊME ! »
Ici, m’explique- t-elle, les musulmans vont au bout de leur
foi. Ce constat, combien de fois l’ai-je entendu, ces temps- ci ?
D’Alger ou de Sétif, les amis
reviennent effarés. « Au marché de Bab-El-Oued, les
amoureux se tiennent par la main », me rapporte un ami
comme s’il avait croisé un canard parlant anglais en allant
chercher sa baguette. « Des femmes qui prennent un verre
en terrasse, entre copines, c’est naturel là-bas alors qu’ici,
ça nous surprendrait », se désole un autre compagnon.
[...]
Je suis ici, je suis en France, je marche dans une artère qui ose
encore porter le nom de rue du Jambon, m’approche de l’une des
librairies récemment inaugurées et je désespère. Où sont les
poètes, où sont les romanciers ? En devanture, les affiches
destinées aux enfants enseignant les bonnes pratiques de l’islam,
ne pas se moquer des autres, dormir sur le côté droit, boire en
trois fois. Sur les présentoirs trônent les grandes vedettes de
l’islam politique, Hani et Tariq Ramadan, bien sûr, ainsi que
Sayyid Qutb et Hassan el-Bana.
Dans cette librairie musulmane, aucune place n’est faite
à des islamologues humanistes comme Tahar Haddad, Mohamed Arkoun ou
Abdelwahab Meddeb. Et que dire de la place qui est faite au
roman, à la fiction, à la poésie et à la connaissance
universelle ? Kateb Yacine, Assia Djebbar, Driss Chraïbi, Aboul
Qassem Echebbi, Nizar el-Kebbani ou Naguib Mahfouz, ce géant de la
littérature arabe et prix Nobel de littérature qui a été
poignardé en 1994 par un membre de la Gamaa al-Islamiya au Caire, ou
bien le romancier algérien Kamel Daoud qui vient d’essuyer une
fatwa pour « atteinte aux principes de l’islam », y
sont persona non grata. On aurait pu s’attendre à y
trouver au moins le plus grand poète palestinien, Mahmoud Darwich.
Que nenni ! Il ne rentre pas dans les clous d’un système de
pensée obscurantiste, pour lequel la question palestinienne n’est
qu’un fonds de commerce ! Dans ces lieux où la
culture se résume au politico-cultuel, le verrou sur la pensée
libre pèse lourd.
[...]
Dans les années 90, j’ai vu mes concitoyens algériens
pareillement désemparés face à la redoutable machinerie
intellectuelle et logistique des intégristes algériens. L’islamisme
progressait à bas bruit, par petites audaces successives, d’abord
soucieux de n’effrayer personne, avant de basculer, un jour, dans
le terrorisme et la barbarie. Lorsque j’ai voulu sonner l’alarme,
avec d’autres, sur cette stratégie éprouvée de la contamination
oblique et lente, notre réunion a été perturbée. Nous essaierons
de la tenir le 3 décembre, en espérant que se soulève enfin la
chape de plomb qui pèse sur notre ville et que se brise, avant qu’il
ne soit trop tard, le chapelet des petites lâchetés quotidiennes. "
Fewzi Benhabib(*) avec Daniel Bernard
Librairie religieuse !! |
Le 29 novembre à 23:59, par Xuan
En réponse à : "Saint-Denis : ma ville à l’heure islamiste"
(1) Quand cessera-t-on de nous inviter à ne "pas verser dans l' islamophobie"? Comme si nous n'avions pas le droit de nous méfier de l'islam, comme de toute religion totalitaire?
Michel Onfray signale à juste titre que l’islam - comme toutes les religions d’ailleurs - a deux visages et peut tout autant prôner une morale personnelle pacifique et fraternelle que légitimer une théocratie barbare et agressive.
Or la république bourgeoise ne peut pas s’opposer à la théocratie islamiste pour deux raisons :
D’une part elle est responsable de crimes de masse dans ces régions. Et on rappelle que le mandat français en Syrie ne s’est achevé qu’en avril 1946, un an après le bombardement de Damas sur ordre du Général De Gaulle.
Ce n’était pas le premier. En 1925, une insurrection éclate dans la Syrie mandataire, à partir du pays druze. La révolte a gagné une partie du pays. A l’assemblée nationale le député communiste Jacques Duclos s’emporte : "Quel est l’exploit principal du général Sarrail ? [Haut-commissaire en Syrie] Le bombardement de Damas. (...) jamais n’est apparue de façon plus éclatante la brutalité de la colonisation ».
D’autre part, la bourgeoisie française a elle-même attisé les flammes du terrorisme et appuyé les islamistes d’Al Nosra, afin de reprendre pied en Syrie par la subversion. Dans ces conditions comment le capitalisme pourrait-il réduire le terrorisme et apaiser les conflits religieux ?
Seul le socialisme peut venir à bout du terrorisme et instaurer une laïcité apaisée.