Parler
de l’usage du napalm par la France durant la guerre d’indépendance,
c’est revenir sur un déni d’État. À l’instar d’autres armes chimiques,
ce produit a été utilisé en dépit des conventions de Genève dont Paris
était signataire. S’il est difficile de dresser un bilan complet
aujourd’hui, les témoignages sont là pour rappeler l’étendue de cette
violence.
Les autorités françaises le répèteront sans trembler :
« Napalm rigoureusement proscrit et jamais employé opération militaire
en Algérie ». Ce mensonge clairement affirmé par le ministre résidant
Robert Lacoste en 1957 est répété sous la Ve République. Au quai
d’Orsay, on assure ainsi que l’armée française « n’a jamais fait usage
du napalm » et que « des instructions permanentes du haut commandement
militaire français en Algérie interdisent l’emploi de ce produit ».
Si
la France ne peut reconnaître l’usage de cette essence gélifiée
utilisée dans des bombes incendiaires, c’est que cette arme est
proscrite par les conventions internationales dont le pays est
signataire. Son usage viendrait en outre contredire la fiction de
simples opérations de maintien de l’ordre menées dans l’Algérie
française depuis novembre 1954.
Un pays en flammes
Ce
que Paris, Genève ou New York ignorent est pourtant devenu une évidence
dans les montagnes algériennes où l’armée française lutte contre les
maquisards de l’Armée de libération nationale (ALN). Les forêts qui
dérobent ces combattants aux avions français sont particulièrement
ciblées : largué par les airs, le napalm enflamme immédiatement la
surface sur laquelle il se répand, ce qui le rend particulièrement
redoutable dans les régions boisées.
Des témoignages français
confirment d’ailleurs ce que les indépendantistes dénoncent à mesure que
l’Algérie s’enfonce dans la guerre. En 1959, Hubert Beuve-Méry, le
directeur du journal Le Monde, acquiert ainsi la certitude de son
usage après s’être entretenu avec le successeur de Robert Lacoste, Paul
Delouvrier. Peu de temps auparavant, un caporal avait adressé une
lettre au journal pour dévoiler la réalité cachée derrière une dépêche
officielle parlant de « rebelles mis hors de combat avec l’aide de
l’aviation » : « Ayant participé à l’encerclement et à la réduction de
la ferme où [les « rebelles »] étaient retranchés, je puis vous indiquer
qu’ils ont en réalité été brûlés vifs, avec une dizaine de civils dont
deux femmes et une fillette d’une dizaine d’années, par trois bombes au
napalm lancées par des appareils de l’aéronavale », non loin de Sétif,
le 14 août 1959.
Les pilotes savent parfaitement ce qu’ils
larguent, et les militaires qui demandent leur appui au sol aussi.
L’usage du napalm étant interdit, on opte pour un langage codé :
« bidons spéciaux ». Dans le secteur de Bou Saada, au sud-est d’Alger,
est ainsi consignée, fin septembre 1959, une « action de l’aviation en
bombes de 250 livres et en bidons spéciaux sur un camp rebelle ».
Les
comptes-rendus d’opérations mentionnent aussi les effets de ces
« bombing par bidons spéciaux » comme dans ce bilan d’une opération des
23 et 24 février 1959 qui indique : « Pertes rebelles : 6 cadavres
dénombrés dont un sergent et un caporal. Débris humains découverts dans
une zone traitée aux bidons spéciaux et correspondant à 5 rebelles
repérés par un observateur ». Parfois, le camouflage cède, comme quand
le 14e régiment de chasseurs parachutistes relate un affrontement entre
plusieurs régiments d’élite et leurs ennemis début avril 1961. La
« réduction du nid de résistance » ayant échoué face au « feu violent et
précis des rebelles », l’intervention de l’aviation de chasse est
demandée. Le journal de marche du régiment note que sont utilisées « des
roquettes et des bombes au napalm contre les retranchements rebelles ».
« Une odeur horrible »
Mohamed
Kaced était l’un de ces « rebelles » visés par des bombardements. La
grotte où, blessé, il se cache est repérée par l’aviation : « Ils nous
ont jeté du napalm ». Un de ses compagnons est atteint :
Le
soldat qui avait été brûlé, qu’allions-nous lui faire ? Si on le
touchait, on allait être brûlés aussi. Qu’est-ce qu’il fallait faire
alors ? Il fallait prendre de la terre et la lui jeter dessus ou prendre
un chiffon et le couvrir. Il fallait faire comme ça et surtout éviter
de se faire brûler aussi. Parce que les flammes peuvent très vite te
toucher. »
Khadija Belguenbour a assisté, impuissante, au
bombardement d’une infirmerie : Il y avait une montagne juste en face :
ils ont utilisé le napalm. Il y avait un hôpital, enfin une infirmerie,
où ils cachaient les blessés. Je les voyais, ils essayaient de
s’évader... Une odeur horrible. Ils se roulaient par terre et leurs
chairs restaient sur les pierres. Ils criaient. Ce cri, encore de temps
en temps, il me revient aux oreille. Plus tard, elle a elle-même reçu
une goutte de napalm et en a gardé un trou dans la tête.
Quand
l’aviation approche, la terreur s’empare de ceux qui sont au sol. Si les
mitraillages au sol sont redoutés, le napalm donne à la guerre ses
couleurs infernales. Meriem Mokhtari l’évoque encore avec précision en
2020 :
« L’avion qui a lancé le napalm... Tu vois, la lave des
volcans... Le feu arrive, en brasier... Dans la forêt, on voyait aussi
les poules fuir avec leurs poussins... les chiens... les bêtes... Les
chevaux galopaient, et haletants... Les civils, des femmes qui portaient
leurs courses... les vieillards... Il y avait une femme qui a été
happée par le napalm... elle a été grillée comme un aliment qu’on
grille... elle a été carbonisée par le napalm... Après, dans la forêt,
le napalm a provoqué un incendie... Alors les gens le combattaient avec
de l’eau et de la terre... Il y en a qui ont pris des couvertures, pour
protéger leur tente du feu. (...) Le napalm avait été jeté du haut d’une
pente, alors le feu se propageait très vite... On n’avait nulle part où
se cacher à l’abri du feu. Alors tu cours, jusqu’à ce que tu trouves un
cours d’eau... et tu y restes. »
Le caporal Jean Forestier évoque
aussi de « gigantesques gerbes rouges surmontées d’énormes champignons
noirs » provoquées par le napalm. Un matin d’avril 1959, sa section est
envoyée au rapport : « Vingt et un corps sont dénombrés, une dizaine
d’autres sont retrouvés brûlés par le napalm »
Pour le CICR
soucieux du respect des Conventions de Genève, c’est bien « l’usage de
cette arme sur des objectifs non militaires » qui constitue une
illégalité flagrante du droit international humanitaire par la France.
Mais
le CICR ne peut pas mener d’enquête approfondie sur ce sujet alors que
Paris nie toujours être en guerre en Algérie. Le délégué suisse, chargé
de plusieurs missions en Algérie sur le sort des prisonniers, affirme
pourtant avoir « acquis la conviction [...] que l’aviation utilisait,
assez couramment, le napalm pour ses bombardements »
S’agissait-il d’un usage indiscriminé ?
Après
huit années de conflit en Indochine qui avaient déjà vu l’utilisation
de cette arme, les autorités françaises n’ignoraient pas ses
caractéristiques. Cependant, alors que le déni officiel de l’état de
guerre ne permet pas d’argumenter sur la possibilité de limiter l’usage
du napalm au combat contre un ennemi armé clairement reconnu, c’est la
nature du relief algérien qui fournit régulièrement un argument à ceux
qui en préconisent l’utilisation. Là où la nature de l’ennemi se dérobe,
la géographie fournit la justification ultime à l’emploi de « ce
produit pour lutter contre les bandes de hors-la-loi retranchés dans des
régions rocailleuses et désertiques où l’intervention des armes
classiques entraîne des pertes importantes ou des délais incompatibles
avec la fluidité des rebelles ». C’est ce que défend le commandant en
chef en Algérie au printemps 1956 auprès de son ministre, avançant par
précaution une réserve qu’il sait indispensable : « En aucun cas
l’utilisation de ce produit ne sera tolérée sur les mechtas, villages ou
lieux d’habitation et [que] je m’en réserverais la décision d’emploi
lorsque les autres armes utilisables se seront révélées inefficaces ».
L’usage
restreint et maîtrisé que propose le commandant en chef a-t-il
convaincu les responsables politiques ? La persistance des mensonges
officiels jusqu’à la fin de la guerre, tout comme le camouflage lexical
témoigne a minima, d’une délimitation floue dans son usage. La lutte
contre les maquisards réfugiés dans les grottes a bien donné lieu à des
recherches et à des expérimentations. Au printemps 1955, déjà, les
premiers résultats concluaient à un usage efficace de certains produits
chimiques, à condition de s’en tenir aux grottes et non aux terrains
découverts qui exposaient trop les soldats français. Des archives
régimentaires témoignent de ces tests comme, parmi d’autres, celles du
94e régiment d’Infanterie : à l’été 1956, des expérimentations
techniques ont lieu, visant à « rendre l’utilisation de grottes
impossible pour les rebelles par procédés chimiques ». Le napalm a
certainement fait l’objet de pareils essais. Aumônier de la 25e division
parachutiste engagée dans le Constantinois, le père Henri Péninou a
témoigné avoir vu « quelques essais d’utilisation du napalm » , encore
approximatifs au début de la guerre :
Oui, moi en tout cas j’ai
le souvenir... passant comme ça et larguant, larguant des bombes de
napalm. Il nous était demandé, à nous, de faire très attention, quand on
était en opération. Mais j’avais l’impression que c’était expérimental.
Après, ça ne m’étonnerait pas que les choses se soient poursuivies et
aient pris une extension... [...] Le relief du terrain était un relief
très, très dangereux, très favorable pour les caches des fellaghas,
aussi bien pour eux-mêmes en tant que personnes que pour le matériel ou
le ravitaillement. Alors... dangereux aussi pour les unités
d’intervention, quand on ratissait.
À l’automne 1957, le
commandant d’un régiment de chasseurs alpins expose encore à ses
supérieurs l’intérêt de cette arme. À l’occasion d’un compte-rendu
d’opération dans le massif du Kouriet, en Kabylie, il décrit le bouclage
d’un village puis son mitraillage par l’aviation, qui n’a pas empêché
un accrochage violent :
« Les pertes que nous avons subies ont
été l’œuvre de quelques rebelles seulement, remarquables tireurs et
embusqués dans un terrain extrêmement mauvais et dangereux. Ces rebelles
tenaient une position remarquable et ne pouvaient être délogés qu’à
bout de munitions. La preuve a été malheureusement à nouveau faite que
dans un terrain pareil, pour abattre un rebelle, on risque de perdre dix
hommes. »
Et il insiste : « Lorsque le terrain est
particulièrement mauvais et qu’on l’on risque des pertes hors de
proportion avec les résultats que l’on pourrait obtenir, il est
certainement plus avantageux de faire matraquer la bande rebelle par
l’aviation, des B26 par exemple, et l’emploi du napalm dans ce terrain
rocheux où le rebelle peut s’embusquer remarquablement semble seul
efficace
Dans les années suivantes, la justification
par le relief allait pouvoir se combiner avec le développement de la
pratique des zones interdites. Dans ces espaces officiellement interdits
à tout civil, l’armée française pouvait affirmer n’avoir que des
ennemis. De fait, le caractère discriminé de l’emploi du napalm était
possible, du moins en théorie. C’est pourquoi, avec l’approfondissement
systématique de la guerre, et en particulier le « plan Challe » à partir
de 1959, le napalm a pu être utilisé à un stade qui n’avait plus rien
d’expérimental. En dépit des incertitudes évidentes sur la précision des
bombardements et l’identité des personnes visées, puisque les zones
interdites étaient en fait loin d’être vides de civils, le napalm a été
considéré comme une arme efficace jusqu’à la fin du conflit. Les
autorités politiques ont laissé faire. Conscientes des conséquences
politiques et diplomatiques d’un tel aveu, elles ont toutefois continué à
préférer le déni global. »
Après 1962, les forêts calcinées et
pétrifiées des massifs montagneux algériens ont porté, pendant des
années, le témoignage de cette violence. Quant aux corps réduits à des
blocs charbonneux par ces produits incendiaires, leurs images hantent
toujours celles et ceux qui les ont vus.
Raphaëlle Branche est professeure d’histoire contemporaine à l’Université de Paris Nanterre.
POUR ALLER PLUS LOIN
Claire Billet, “ La guerre des grottes ”, XXI, no. 58, 1er avril 2022.
Raphaëlle Branche, La torture et l’armée pendant la guerre d’Algérie, 1954-1962, Gallimard, Paris.
Note de Pedrito
J'ai passé 27 mois de ma vie en Algérie que j'ai donnés pour le colonialisme impérialiste. Heureusement pour moi je n'ai pas eu une seule fois à toucher une arme. Juste rencontrer des gens que j'ai diversement appréciés selon qu'ils étaient juifs sionistes ou Arabes ou Kabyles. Les premiers étaient abjects. J'ai aimé la plupart des autres. J'étais souvent appelé "YA COUMON MON FRÈRE ". J'écrivais leurs lettres à leurs familles. A part çà ils n'étaient pas illettrés !!!! Très peu ou pas scolarisés et on les pacifiait !!!!!!
Il aurait d'abord fallu "pacifier" certains de nos militaires. Sous off. ou officiers. Et même certains appelés qui furent inhumains, aussi odieux et cruels que des nazis.
La nature humaine est ainsi faite. Et qqs années plus tard j'ai quitté la FNACA parce que certains abrutis avinés ne manquaient jamais au cours du repas annuel du 19 Mars de clamer haut et fort leurs faits de guerre méprisables.
La plaie mettra du temps encore avant de se refermer.....
Daniel Arias sur Histoire et Société
Afin de commenter les réactions du gouvernement russe à cet attentat, le service public a invité un expert chef de rédaction d’un journal d’opposition russe, Russian Monitor (Continental European Union Club, promoteur de l’Europe de Lisbonne à Vladivostok).
Après quelques recherches sur Wikipédia:
Cet expert est un français ayant travaillé en Russie et non un russe, il résidait en Ukraine où selon la page Wikipédia il avait quelques (nombreux) liens avec l’Ukraine Maïdan.
Il est remarquable que les personnalités invitées par la presse indépendante et libre du service public de la démocratie française ne fassent pas l’objet d’une recherche sur le Web qui prend pas 5 minutes ni d’ailleurs d’une critique de ces choix par la presse d’opposition ni de députés de la dite opposition.
Il est membre d’une association ukrainienne (ONG) en lien avec la défense qui s’occupe de “démcratiser les question de défense” Center for Army, Conversion and Disarmament Studies, Ukraine (CACDS) (http://www.asdsource.com/source_detail/3269/center_for_army_conversion_and_disarmament_studies_(cacds).htm) et qui appréciera l’aide de l’OTAN et de l’UE un peu plus tard dès le 8 mars 2022.
Le CACDS dont les communications sont désormais exclusivement en ukrainien n’hésite pas à invoquer un conflit contre “l’Occident” dont le chef d’orchestre serait la Chine alliée à la Russie et à l’Iran, tout en reconnaissant que la pénurie de personnel ukrainien sur le front depuis décembre est de 50 à 60%. (Déclaration faite au moment de la signature des alliances avec les belligérants de l’UE).
Cette organisation ne semble pas limiter ses études à la seule Ukraine mais bien au conflit mondial avec la Chine dans la profondeur stratégique.
Védrine animera le “UA Tea Time” une émission en anglais pour promouvoir l’UE et contrer la “propagande russe”.
Cet individu demande des avions pour l’Ukraine.
https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/manifestations-en-ukraine/guerre-en-ukraine-zelensky-demande-des-moyens-et-il-a-raison-juge-olivier-vedrine-redacteur-en-chef-d-un-journal-d-opposition-russe_6371890.html
Ce personnage est toujours selon Wikipédia également lié à l’armée comme réserviste, à l’UE et à d’autres personnes ayant les mêmes relations.
Ce cercle nous mène rapidement à l’extrême droite avec des contact avec Modi en Inde où Henri Malosse dont Védrine a été conseiller accompagnera une délégation d’extrême droite française, Malosse rencontrera également le Dalaï Lama, il se présentera sur une liste écologiste avec Delphine Batho Urgence Écologie en 2019, puis avec la création du parti Les Localistes apparenté RN selon Wikipédia. Des liens sont établis avec le pro européen ukrainien Ianoutkovich, il sera pris en photo avec Barrosso et Ruslana Lyzhychko qui sera membre Notre Ukraine et de V.O Maïdan une association où se trouvent également des membres de Svoboda.
Védrine est également membre du comité d’orientation de l’association Jean Monnet qui compte aussi des militants du PS et qui comme désormais tout le spectre politique défend la construction d’une Europe de la Défense (probablement pour atteindre Vladivostok).
Cette association appelle à des “Europatriotes” avec une rhétorique reprise par l’ensemble de notre caste politique (http://ajmonnet.eu/des-elections-europeennes-en-besoin-urgent-d-europatriotes/).
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La situation demande une sortie urgente de l’ambiguïté politique dans laquelle nous sommes tombés depuis trop longtemps il est temps d’abandonner les stratégies qui ne mènent qu’à l’épuisement et à la confusion des militants communistes pour des gains électoraux qui dans l’état actuel ne dépassent plus les 3% des suffrages exprimés et qui ne sont pas compensés ni par la mobilisation populaire ni la prise de conscience du défis politique auquel nous faisons face.
Note de Pedrito
Quand on dit et qu'on répète que les citoyens français sont ^pris pour des glands dans ce qu'on ne devrait même pas appeler Services publics mais OFFICINES DE PROPAGANDE MACRONIENNE