Tunisie, Égypte, Maroc, Libye l’ordre islamiste en marche
29 août
TOURNANT LE DOS AUX PROMESSES QUI LES ONT PORTÉS AU POUVOIR, LES PARTIS ISLAMISTES S'ATTAQUENT AUX DROITS DES FEMMES, AUX MEDIAS, A LA CRÉATION, AUX LIBERTÉS, ET VEULENT IMPOSER PAR LA FORCE DE LA LOI UNE VISION ARCHAÏQUE ET RÉTROGRADE DE LA SOCIÉTÉ.
QUE CE SOIT EN TUNISIE, EN ÉGYPTE, AU MAROC, EN LIBYE, LES ATTAQUES CONTRE LES LIBERTÉS , LES DROITS DES FEMMES, L'ART, LA CULTURE, ET LES MÉDIAS, SONT DEVENUES MONNAIE COURANTE. GRADUELLEMENT, PAR PETITES TOUCHES, OU DE MANIÈRE FRONTALE, L'ORDRE ISLAMISTE EST BEL ET BIEN EN MARCHE
En Tunisie, d’où est parti le mouvement de protestation qui
s’est propagé dans tout le monde arabe, les démonstrations de
force salafistes avec menaces et agressions physiques contre les
femmes, les artistes, les militants des droits de l’homme et les
démocrates se multiplient avec en toile de fond des saccages
d’expositions artistiques, l’interdiction par la violence de
manifestations musicales, le tout sous l’œil complice du
gouvernement islamo-libéral dirigé par Ennahdha. Ce dernier, loin
de condamner ces violences, n’a rien trouvé de mieux qu’une
proposition de loi condamnant « les atteintes au sacré »,
juste avant d’essayer, au moyen d’un amendement au projet de
constitution, de brider les droits des femmes, celles-ci n’étant
plus les égales des hommes mais leurs « complémentaires » au
sein de la famille ! Les médias ne sont pas épargnés. Après
avoir imposé ses hommes à la tête des médias publics, limogé le
directeur de la radio nationale en avril, puis le patron de la
télévision publique Al Wataniya en juin, le gouvernement a suspendu
une émission satirique de la chaîne Ettounsiya créée en
mars 2011, avant de placer en détention, vendredi, le directeur de
la chaîne, Sami Fehri.
Inquiet de cette offensive relayée par une campagne de prêches
dans plusieurs mosquées du pays, le président Moncef Marzouki est
sorti de son silence vendredi, accusant à son tour ses « frères »
d’Ennahdha de s’employer « à contrôler les rouages et
politiques de l’État », des « pratiques » rappelant
« l’ère révolue du président déchu » !
journalistes poursuivis
En Égypte, moins de trois mois après son élection, le président
Morsi n’a pas perdu de temps. Après avoir mis au pas les
militaires, le chef de l’État égyptien veut museler les médias
jugés hostiles aux islamistes. Des journalistes sont poursuivis en
justice et interdits de quitter le territoire. Dans le même
registre, la chaîne de télévision El-Pharaïn a été suspendue
pour un mois. Comme en Tunisie, en signe de protestation, plusieurs
titres de presse ont publié des encarts blancs en lieu et place des
éditoriaux. Et, sans doute inspirés par leurs petits cousins d’Aqmi
au Mali, les salafistes égyptiens proposent de détruire les
pyramides !
intolérance
Même le Maroc n’échappe pas à cette offensive d’intolérance
politico-religieuse. Ainsi en est-il de l’interdiction de diffusion
des magazines étrangers « portant atteinte à l’islam ». Et
si la publicité pour les jeux de hasard a été proscrite, les
chaînes de télévision publiques sont désormais contraintes de
diffuser les cinq appels quotidiens à la prière et d’accorder une
plus grande place aux programmes en langue arabe. Mieux, le
gouvernement du Parti de la justice et du développement (PJD,
islamiste) veut promouvoir un « art propre », assainir un
tourisme source, selon lui, de tous « les péchés ». Quant aux
protestataires du Mouvement des jeunes du 20 février, plusieurs
dizaines d’entre eux sont en instance de jugement pour
participation à une « manifestation non autorisée ». En
Libye, où la charia est entrée en vigueur, autorisant la pratique
de la polygamie, le pire est à craindre dans un pays où l’État
peine à s’imposer aux groupes armés tribalo-islamistes qui font
régner leurs propres lois dans les régions. L’Algérie, où les
manifestations d’intolérance se multiplient (voir l’Humanité du
1er août), n’est pas en reste.
Publié par Histoire et Société, le blog de Danielle BLEITRACH