Nous ne pouvons être surpris du rapport de forces politique suite aux élections européennes
Bien sûr, la dissolution brutale par Macron bouscule les agendas,
mais les résultats sont conformes aux sondages, et surtout, à ce que
tous les militants savent depuis des années. Le mouvement social, les
forces de gauche, se heurtent à une sorte de "plafond de verre" de
mobilisation, ne parvenant jamais à mettre en mouvement plus de 2 ou 3
millions de personnes pour les grandes dates, quand il y a 30 millions
d’actifs, 9 millions de pauvres, 3 millions de Smicards, plus de 5
millions d’habitants de quartiers populaires, 6 Millions de mal logés,
10 millions de locataires HLM... S’ils ne "bougent" pas pendant des
années, qu’attendre de leur acte politique un jour de vote ? L’élection
est un thermomètre, une photo des rapports de force que la campagne
électorale ne fait que révéler, sans pouvoir les changer... La gauche
est scotchée à 30% des voix depuis des années.
En 1936, le monde du travail était partagé entre communistes et
socialistes, et la célèbre manifestation unitaire qui a conduit à
l’accord politique à gauche était portée par la masse des ouvriers,
employés, des zones rurales comme urbaines. Aujourd’hui, le monde
ouvrier est partagé entre abstentionnistes et extrême-droite, et partout
la CGT doit faire un gros travail contre l’extrême-droite, tant elle
constate que nombre de ses militants sont attirés par le RN...
Ce qui a été décisif en 1936, ce sont de larges grèves ouvrières avec
occupation d’usines. Qui peut croire que ce serait possible aujourd’hui
et qui peut décemment continuer à faire croire qu’on peut se contenter
d’appels à manifester pour militants ?
Cela se traduit au plan électoral. La gauche ne progresse pas sur 2019, alors que la colère contre Macron est forte.
LFI
passe de 1,5 millions de voix en 2019 à 2,5 millions en 2024, mais
reste très loin des 7,7 millions de voix Mélenchon en 2022 !
Le
PS progresse de plus d’un million de voix sur le total de ses deux
listes de 2019, mais les écologistes perdent 1,7 millions de voix, et le
centre macroniste qui avait hérité d’une part d’électorat socialiste en
perd près de 1,5 millions.
Le
PCF gagne 20 000 voix à 600 000 voix, encore loin des 800 000 de Fabien
Roussel aux présidentielles, et surtout continuant à reculer dans ses
villes lâchées par la direction nationale dans les négociations de la
NUPES en 2022, et partout, sans mordre sur l’abstention ni sur le vote
RN populaire.
Au
total, la gauche en 2024 stagne en dessous de 32%, gagnant un demi
million de voix à 7 millions de voix, 15% seulement des inscrits.
Par contre, l’extrême-droite mobilise fortement, plus de 9 millions
en 2024 à peine moins que les 10,5 millions de 2022, et beaucoup plus
que les 6 Millions de 2019...
Se méfier des références historiques trompeuses, et qui ne trompent personne...
Les résultats du 9 juin dernier sont le produit de décennies de crise
d’une gauche qui avait pris le pouvoir il y a 40 ans pour "changer la
vie", mais dont le bilan vécu est l’aggravation des inégalités, des
injustices, des ségrégations, la désindustrialisation et la
paupérisation de la France... Son bilan politique est l’installation
durable des idées d’extrême-droite, l’affaiblissement des syndicats, des
associations, des partis politiques [1].
Mélenchon a proposé une lecture critique de cette "gauche de
pouvoir", mais reste fidèle à celui qui l’a représenté, François
Mitterrand, et surtout à ce qui est au cœur de l’impasse qu’a
représentée la gauche, l’électoralisme. Il continue à dire au monde du
travail "votez pour moi, je vais changer la vie". Le monde du
travail et les milieux populaires ne le croient pas... Le parti
communiste n’arrive pas, malgré quelques tentatives, à en sortir.
C’est toute l’ambiguïté de la référence au Front Populaire. Car si la
puissance des grèves ouvrières a permis une année de conquêtes sociales
qui restent dans les mémoires : congés payés, semaine de 40h,
conventions collectives, création de la SNCF, du CNRS… elle n’a pas
empêché la suite, la défaite face au parti de la finance, la fuite en
avant dans la colonisation, la non intervention en Espagne, puis la
soumission au nazisme à Munich et l’interdiction du parti communiste...
Le Front Populaire s’est fracassé sur deux murs, la finance et la guerre.
ceux
qui tiennent la monnaie, les créanciers de la dette publique, les
grandes banques et assurances, la grande bourgeoisie financiarisée ne
peuvent laisser faire de telles conquêtes sociales. Si on veut leur
tenir tête, il faut être capable de développer l’économie et l’emploi
sur d’autres bases que le capitalisme mondialisé et financiarisé qui
avait le vrai pouvoir à l’époque, et l’a encore plus fermement
aujourd’hui ! Il ne suffit pas de dire "on recrée un ISF progressif pour financer les services publics".
Il faut dire comment on l’impose à une partie très puissante de la
société qui est représentée partout dans les structures de pouvoir,
économique, financier, politique, militaire. Il faut dire ce que
Mitterrand aurait du faire en 1983 plutôt que le "tournant de la
rigueur", ce que Tsipras aurait du faire en 2015 pour résister à la
"Troïka" et surtout aux armateurs et banquiers grecs... Et nous savons
comment est mort un dirigeant socialiste comme Allende refusant de
céder.
et "le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée l’orage",
disait Jaurès. Aujourd’hui comme en 1936, la réponse du capitalisme
mondialisé face à sa crise, c’est le chaos, la violence, la destruction,
la guerre. En 1936, la gauche n’a pas su agir pour la paix, car elle ne
pouvait penser des coopérations contre les forces de guerre et de
domination coloniale. Elle a aggravé la colonisation en Algérie, refusé
d’affronter le fascisme en Espagne, et de fait, préparé la soumission
honteuse de Munich, refusant toute alliance avec l’URSS. Et
aujourd’hui ? La gauche défend le narratif militariste de l’OTAN sur
tous les sujets, de Palestine en Ukraine, du Congo au Soudan ou à
Taiwan. Comment pourrait-elle agir pour la paix ? Toutes ses composantes
demande d’envoyer plus d’armes à l’Ukraine, alors que bien évidemment,
aucune ne dit qu’il faut armer les palestiniens ! Aucune ne fait le lien
entre la guerre et la crise sociale, l’inflation, la pression contre le
pouvoir d’achat...
La référence au fascisme est aussi trompeuse ! Car
que peuvent dire ceux qui observent Meloni en Italie ? Son parti, avant
d’arriver au pouvoir, était officiellement "néo-fasciste", mais elle est
une dirigeante européenne reconnue, bonne gestionnaire du système, à
l’aise dans les institutions ! Pas de chemises noires dans les rues de
Rome ! Elle a bien fait au début quelques gesticulations contre les
migrants à Lampedusa, mais elle régularise finalement des centaines de
milliers de sans papiers, plus que Macron !
Par contre, elle a été très efficace dans les attaques contre le
droit du travail ou les aides sociales. Oui, une bonne gestionnaire
libérale. Est-ce le fascisme dont parle la gauche ? Qui peut croire que
cela va freiner les votes Rassemblement National ?
La situation du parti communiste était elle aussi prévisible
Après trois campagnes électorales qu’on peut dire "techniquement
réussie" avec un candidat qui percute dans les médias, le PCF ne décolle
pas. Mais il faut dire qu’il reste entre deux eaux, après une mutation
qui aurait du le dissoudre dans un mouvement, une "cosa" avait dit les
italiens, une métamorphose disait Marie-Georges Buffet. Pendant vingt
ans, il a organisé la confusion dans les têtes en effaçant ses repères
historiques, théoriques, cherchant dans une "gauche" rêvée la solution à
ses problèmes d’identité, coupant tous ses liens avec le mouvement
communiste du monde, s’enfermant de plus en plus dans la confusion avec
Mélenchon. Pendant 20 ans, il a dit à ses électeurs que voter communiste
ou insoumis, c’était la même chose, que voter insoumis n’était pas
opposé au vote communiste. Quand un électeur communiste a pris
l’habitude de voter insoumis en pensant voter communiste, comment lui
expliquer au moment d’une campagne qu’il y a une différence ? Et surtout
que la différence principale n’est pas dans le candidat ni même dans le
programme, effectivement très différents, mais dans l’effet sur l’unité
et l’action du mouvement populaire ?
Le vote insoumis renouvelle l’illusion ancienne "une seule solution, la révolution, un seul chemin, le programme commun",
alors que l’histoire nous a montré que c’était une impasse. L’utilité
du vote communiste ne peut être que de faire grandir la conscience des
raisons de cet échec historique de la gauche et donc de porter cette
affirmation du manifeste du parti communiste : « L’émancipation des travailleurs doit être l’œuvre des travailleurs eux-mêmes ».
Tant qu’il persiste à se présenter comme un électoralisme concurrent de
celui de Mélenchon, il ne peut progresser dans le monde du travail, il
ne peut faire reculer l’abstention ni le vote RN dans le monde ouvrier.
Léon Deffontaines a eu raison avec ses arguments répétés sur le vote
des députés RN, sur cette idée que le RN a la même politique économique
que Macron. Mais il ne pouvait être entendu en s’inscrivant dans
l’histoire d’une gauche électoraliste, en ne reconnaissant pas que le
monde ouvrier a de très bonnes raisons d’avoir quitté la gauche, la plus
importante étant que la gauche l’a quitté !
Depuis deux congrès, le PCF a décidé de sortir de la mutation et
cherche à reconstruire. Il n’est plus temps de rester entre deux eaux,
il faut aller au bout de la démarche engagée avec le manifeste,
reconstruire le parti communiste du XXIème siècle dont notre parti a
besoin. Pour cela, il faut cesser de courir derrière l’actualité
médiatique électorale et inscrire l’action du parti dans le temps long
d’une stratégie de reconquête du monde du travail et des milieux
populaires, reconquête militante pour unir et organiser, les batailles
médiatiques ou électorales n’étant que des moments de cette reconquête
qui se joue d’abord dans les relations de proximité, les actions au
quotidien des quartiers et des lieux de travail.
Les communistes ont besoin d’une direction communiste qui tire les leçons de l’échec de la gauche !
Sur de nombreux sujets, des milliers de militants communistes peuvent
être mécontents. Partout en France, depuis des décennies, ils se
battent pour la solidarité internationale, avec Cuba, le Nicaragua, le
Chili, avec le Vietnam, l’Afrique, l’Algérie... et avec la Palestine.
Depuis 9 mois, partout en France, ils manifestent contre le génocide,
contre l’apartheid. Aucun antisémitisme, aucune confusion avec
l’islamisme, aucune ambiguïté sur la reconnaissance de l’existence
d’Israël, ou la nécessité d’une paix juste pour tous les peuples, donc
aussi pour les juifs.
Mais la direction du parti a pour des raisons politiciennes,
électoralistes, créé la confusion avec les défenseurs du pouvoir
israélien d’extrême-droite ! Comment a-t-elle pu laisser la place à LFI
dans les médias sur la solidarité avec les palestiniens ? Quel est le
responsable des questions internationales qui a pu se permettre de
décider à la place des palestiniens sur qui faisait partie de la
résistance palestinienne ? Fabien Roussel réalise-t-il que Marwan
Barghouthi qu’il soutient, appelle lui, à l’unité de toutes les forces
palestiniennes, y compris le Hamas ?
De même, toute l’histoire militante communiste s’est construite dans
la solidarité avec les peuples contre le colonialisme, contre
l’impérialisme, contre l’OTAN, contre la défense européenne, pour la
souveraineté et l’indépendance de la France. Depuis 2014, un peu partout
en France, des communistes font connaitre la guerre menée par Kiev
contre le Donbass, le crime d’Odessa de mai 2014. A Vénissieux, nous
avons reçu un député communiste Ukrainien, les mères d’Odessa pleurant
leurs fils assassinés par des nazis dans la maison des syndicats. Les
médias français les ont boycottés. Comment la direction du PCF peut-elle
les ignorer et accepter de les effacer pour s’inscrire dans le discours
occidental sur le méchant Poutine qui serait la seule raison de cette
guerre horrible ? Oublié le capitalisme qui porte en lui la guerre comme
la nuée l’orage ? Oublié toute l’expérience des guerres françaises en
Afrique, des guerres US en Irak, en Libye, en Afghanistan, en Amérique
Latine, des bombardements de l’OTAN contre la Serbie ? Comment un
dirigeant communiste peut-il faire croire que les guerres sont le
résultat de décisions de dirigeants fous ? Comment peut-il oublier les
enjeux géopolitiques d’accès aux ressources, aux énergies, aux routes
terrestres et maritimes, comme les milliards des guerres qu’il faudra
faire payer aux salariés ?
Les communistes sont désuets s’ils ne s’inscrivent pas dans un monde en pleine transformation
Cette question de la paix est identitaire pour de nombreux
communistes qui n’ont pas mené campagne et ont même parfois décidé de ne
pas voter, parce-qu’ils avaient entendu le candidat dire qu’il fallait
envoyer des armes, alors même que nous diffusions souvent, conformément
aux décisions de notre dernier congrès, des tracts locaux sur le thème "cessez-le-feu", "Stop aux livraisons d’armes". Mais dans notre monde médiatique, aucune action militante ne peut faire oublier une déclaration télé...
Si la paix est une question fondamentale pour les communistes, c’est
qu’ils sont des internationalistes, héritier de cette maxime de Lénine "occupe-toi d’abord de ta propre bourgeoisie".
Il y a la génération de la résistance, des enfants de résistants, de la
guerre du Vietnam, de la guerre d’Algérie, d’Angela Davis, de
Mandela... et de Salah Hamouri plus récemment. Mais Marie-Georges Buffet
est restée au gouvernement qui envoyait les avions français bombarder
la Serbie, rompant pour la première fois la longue histoire
internationaliste des communistes.
C’est pourquoi les communistes doivent parler du monde en pleine
transformation, rompre avec ce point de vue occidental d’un occident
référent des droits de l’homme et de la démocratie face au reste du
monde décrit comme une jungle dangereuse remplie de dictateurs et de
pays arriérés. Non, le danger pour le monde, c’est l’occident
militariste prêt à tout, même à la guerre nucléaire, pour sauver le
dollar ! Car dans dix ans au rythme actuel, le poids des BRICS+
dédollarisés rendra impossible pour les USA de faire payer le dollar à
la planète.
Les communistes doivent en urgence sortir du consensus atlantiste et
apparaitre en France comme ceux qui proposent la rupture avec la
domination US et la coopération avec toute la planète. La Chine n’est
pas notre ennemi, mais notre partenaire essentiel pour la
réindustrialisation ! Nous avons besoin de coopérer pour reconstruire
des filières technologiques et industrielles entières, de l’accès aux
ressources à la recherche pour inventer une industrie décarbonée,
propre, sécurisée, une performance économique qui repose sur les
qualifications et l’efficacité collective pour une nouvelle réduction
historique du temps de travail.
Fabien doit quitter les plateaux télé et faire une tournée mondiale
pour parler au communistes du monde entier, comme aux forces nationales
qui cherchent leur indépendance pour un autre développement, comme à
cette "assemblée internationale des peuples" qui organise la coopération
des mouvements sociaux du Sud, après l’échec des forums sociaux dominés
par les ONG occidentales.
Après l’urgence des 30 juin et 7 juillet, il restera
l’essentiel, la reconstruction du parti communiste pour une nouvelle
période historique de rassemblement populaire tirant les leçons de
l’échec de la gauche.
koursk
"Le RN est bien une organisation pro otanienne, ultralibéralenazi, totalement aux mains de la jetset et de ses multimilliardaires *** Dans son domino français, la jetset fait tout pour ne pas utiliser le RN comme parti de gouvernement, pour pouvoir continuer à mystifier l’électorat, qui se doit de percevoir le RN comme une organisation ‘antisystème’, une manip pour prendre des voix à la gauche *** Des précautions superflues car les gauches européennes sont également otanisées et ne représentent pas de réel danger pour les intérêts de la grosse mafia *** Les gauches de l’otaneuro zone, comme d’ailleurs presque toutes les formations politiques de l’espace, sont sous bonne garde des forces des multimilliardaires."