Le
journal de 20H de samedi 30 janvier 2016 a fourni une illustration
supplémentaire de la volonté de cette chaîne publique non pas
d’informer, mais de manipuler l’opinion. On y était habitué depuis
qu’elle s’est spécialisée dans le dénigrement systématique de tous les
mouvements sociaux. Mais ses prétendus journalistes ont franchi un cap
dans la lecture qu’ils ont donnée de ce qui se passe aux USA.
Dans
une présentation des élections primaires qui vont commencer
outre-Atlantique, la présentatrice et le correspondant local de la
chaîne ont renvoyé dos-à-dos le démagogue Donald Trump et le socialiste
Bernie Sanders au nom de ce qui est présenté comme un même
« populisme ».
Historiquement,
il y a toujours eu des acteurs politiques qui remettent en question le
système. Ils le font au nom d’une idéologie, affichée ou pas. Ce fut le
cas tout au long des 19e et 20e siècles par des socialistes et par des
gens d’extrême-droite.
Mais
depuis que la social-démocratie a renoncé à contester le système
capitaliste pour adhérer au néo-libéralisme, on dérive en Europe vers un
système à l’américaine où deux courants politiques adhèrent totalement
au système et se concurrencent uniquement sur l’occupation du pouvoir.
L’alternative est limitée à des choix de personnes. Désormais, les
contestataires du système, qu’ils se réclament de l’idéal social ou de
la tradition nationaliste, qu’ils expriment une analyse critique des
inégalités sociales ou qu’ils flattent les passions les plus égoïstes,
sont qualifiés invariablement par le prêt à penser dominant de
« populistes ».
Il
y a toujours eu, à l’occasion des primaires américaines, des populistes
au sens traditionnel de ce terme qui désigne les démagogues flattant
avec hystérie les passions les plus basses. Ils se situent le plus
souvent à la droite des Républicains. Il y a eu un Barry Goldwater, plus
récemment une Sarah Palin, aujourd’hui, c’est Donald Trump. C’est un
classique du paysage politique américain.
La
grande nouveauté des prochaines élections présidentielles, c’est
l’émergence au sein du parti démocrate, d’un authentique discours de
gauche. Après les grands espoirs et les immenses déceptions de la
présidence Obama, la candidature de Mme Clinton est apparue davantage
comme la perpétuation d’un système inique où les inégalités sociales
s’accentuent, où l’emprise des firmes privées sur les choix politiques a
atteint des sommets, en dépit de la crise de 2008. Obama a déçu parce
qu’on attendait de lui une politique à la Franklin D. Roosevelt, celle
du New Deal qui avait encadré le capitalisme après la crise des années
trente, au siècle passé. Mais Obama a cédé devant Goldman Sachs. Et les
plus faibles ont payé la crise provoquée par la rapacité des plus
riches. Et voici que surgit Bernie Sanders, un homme dont tout
l’engagement politique, jusque-là marginalisé, a été consacré à
promouvoir la justice sociale. Et à la grande surprise des prétendus
journalistes, son combat devient celui de millions de ses concitoyens.
Un homme qui non seulement dénonce les injustices du capitalisme, mais
fournit la démonstration que les valeurs du socialisme ont encore une
pertinence.
Cela,
bien entendu, c’est intolérable pour les défenseurs d’un système dont
tous les efforts tendent à nous convaincre qu’il n’y a pas
d’alternative, que le seul choix que nous ayons encore se limite à des
choix de personnes. Il faut donc disqualifier un Bernie Sanders aux USA,
un Jeremy Corbyn en Grande-Bretagne. Pour cela un mot : populisme. Une
présentation : renvoyer dos-à-dos démagogues de la droite extrême et
authentiques candidats de gauche. On a vu cela chez nous, en 2012. On le
voit une nouvelle fois à l’occasion des primaires américaines.
Pourquoi
payons-nous encore pour des stations de radio et des chaînes de
télévision publiques qui nous intoxiquent au lieu de nous informer
honnêtement ?