Cédric Villani s'associe
au PCF pour faire
reconnaître le meurtre
d'Etat
d'un mathématicien
AFP
Source: le blog de Michel Dandelot
Maurice Audin, mathématicien militant communiste, est mort pendant sa détention par les parachutistes à Alger en 1957.
Les
députés Cédric Villani (LREM) et Sébastien Jumel (PCF), ont uni leurs
forces ce mercredi pour demander à Emmanuel Macron la reconnaissance
officielle de l'assassinat du mathématicien communiste Maurice Audin par
l'armée française en 1957.
La mémoire des mathématiques par-delà les clivages politiques. Deux députés, Cédric Villani
(LREM) et Sébastien Jumel (PCF), ont uni leurs forces ce mercredi 14
février 2018 pour demander à Emmanuel Macron "la reconnaissance
officielle de l'assassinat de Maurice Audin par l'armée française" à
l'occasion du 86e anniversaire mercredi de la naissance du mathématicien
communiste, disparu à Alger en juin 1957.
"L'initiative
que nous organisons vise à obtenir une reconnaissance officielle devant
l'opinion et, je me permets de le dire, l'engagement de la
responsabilité de l'Etat dans la disparition et l'assassinat de Maurice
Audin", a déclaré l'élu communiste de Seine-Maritime, lors d'une
conférence presse à laquelle participaient également la veuve du
mathématicien, Josette Audin, et son fils Pierre.
Cédric
Villani, mathématicien engagé de longue date dans ce combat, a fait
part "de l'intime conviction" du président de la République, qui s'est
déjà entretenu avec la famille après son élection, "que Maurice Audin a
été assassiné par l'armée française, ce dont je suis convaincu".
Le
député de l'Essonne a demandé "davantage d'expression officielle à ce
sujet". "C'est le devoir de l'Etat de mettre tout en œuvre pour ce
travail de vérité", a jugé ce lauréat de la médaille Fields (le "Nobel"
des mathématiques", ndlr), pour qui "une expression au plus haut niveau
doit s'engager à ce sujet" et "accompagner humainement la famille qui
souffre depuis 60 ans".
Devant
l'Association de la presse présidentielle mardi soir, Emmanuel Macron a
souhaité qu'il y ait "toutes les expertises historiques pour établir le
maximum de vérité et procéder aux reconnaissances qui sont dues".
"Toutes
les pièces seront ouvertes, y compris celles qui ne l'ont pas été"
depuis l'ouverture des archives en 2014, a assuré le chef de l'Etat. Il
ne serait "pas raisonnable de reconnaître un crime d'Etat sans avoir les
preuves" formelles, a-t-il estimé, mais "nous allons mettre tous les
moyens en notre pouvoir pour l'établir".
Torturé avant sa "mort en détention"
Arrêté
à son domicile à Alger le 11 juin 1957 en présence de sa femme par des
parachutistes, Maurice Audin, 25 ans, est soupçonné d'héberger des
membres de la cellule armée du Parti communiste algérien. Il est torturé
à plusieurs reprises dans une villa d'El Biar, un des quartiers
d'Alger, en compagnie d'Henri Alleg, futur auteur de "La Question",
livre dénonçant la torture.
Dix
jours plus tard, Josette Audin apprend officiellement que son mari
s'est évadé lors d'un transfert. En dépit de son invraisemblance, cela
restera la version officielle jusqu'à ce que François Hollande affirme
en 2014 que "M. Audin ne s'(était) pas évadé" mais était "mort durant sa
détention".
Dans
"La vérité sur la mort de Maurice Audin" (Equateurs), paru en janvier
2014, le journaliste Jean-Charles Deniau concluait que Maurice Audin
avait été tué par un sous-officier français sur ordre du général Massu,
patron de la 10e division parachutiste (DP) pendant la bataille d'Alger.
Un ordre répercuté par Paul Aussaresses, alors officier de
renseignements dans l'un des quatre régiments de la 10e DP.
Cette conférence de presse est intervenue le jour où le journal communiste L'Humanité publie un nouveau témoignage,
celui d'un appelé du contingent qui pense "avoir enterré Maurice
Audin". Ce témoin dit avoir enterré, près de la ville de Fondouk, deux
corps, à la demande d'un parachutiste qui lui précise alors que l'un est
"une saloperie de communiste". Ces deux corps, "passés à la lampe à
souder pour qu'on ne puisse pas les identifier", "c'est une grosse
prise" et "il ne faut jamais que leurs corps soient retrouvés", a
expliqué ce parachutiste à l'appelé.
Pour
Pierre Audin, ce nouveau témoin montre la nécessité "d'une déclaration
du président de la République pour que les gens qui ont une conscience à
libérer le fassent" avant de mourir. "Ce témoignage a l'intérêt de
montrer les horreurs des exécutions sommaires et de la torture", a-t-il
ajouté. "Est-ce qu'on pourra prouver qu'il s'agit de Maurice Audin on
d'un autre?", s'est-il interrogé, en rappelant que "3.000 personnes ont
disparu" pendant la bataille d'Alger en 1957.
Josette
Audin entourée des députés Sébastien Jumel (à gauche) et Cédric
Villani, lors de la conférence de presse qui s’est tenue, hier, à
l’Assemblée nationale. Lahcène Labib
Assemblée nationale : bientôt
une commission d’enquête
sur l’« affaire Audin » ?
Alors
qu’Emmanuel Macron a jugé mardi qu’il n’était « pas raisonnable de
reconnaître un crime d’État sans avoir les preuves », les députés PCF et
Cédric Villani envisagent la création d’une commission d’enquête, « si
elle peut être utile dans la recherche de la vérité ».
«Je
m’arrête, je m’excuse, j’ai du mal à parler… » Avec beaucoup d’émotion
et de dignité, Josette Audin, 86 ans, a témoigné hier sur les
circonstances de la disparition de son mari, à l’occasion d’une
conférence de presse organisée à l’Assemblée nationale, sur l’initiative
des députés Sébastien Jumel (PCF) et Cédric Villani (LREM). « Maurice
menait de front son travail d’enseignant à la faculté d’Alger, ses
recherches pour la thèse qu’il préparait, et ses activités militantes
pour le Parti communiste, sans négliger son rôle de père de trois jeunes
enfants : 3 ans, 20 mois et 1 mois, au moment de son arrestation, dans
la nuit du 11 juin 1957, en pleine bataille d’Alger. » Plus de soixante
ans ont passé et Josette Audin attend « toujours que la France, pays des
droits de l’homme, condamne la torture, ceux qui l’ont utilisée, et
ceux qui l’ont autorisée ».
Faire en sorte que la parole des derniers témoins
soit recueillie
«
L’initiative que nous organisons vise à obtenir une reconnaissance
officielle devant l’opinion et, je me permets de le dire, l’engagement
de la responsabilité de l’État dans la disparition et l’assassinat de
Maurice Audin », a déclaré Sébastien Jumel, soulignant « la forte valeur
symbolique d’une initiative commune d’un député communiste et un autre
de la majorité LREM, avec la responsabilité commune d’être aux côtés de
la famille et se mettre au service de la vérité et de la justice ».
Cédric Villani, proche de la famille Audin (voir notre entretien du 28
janvier sur l’Humanite.fr), a rappelé de son côté qu’il est
« personnellement convaincu, sans l’ombre d’un doute », que le
mathématicien communiste a été assassiné par l’armée française. « Sa
thèse a été soutenue après son décès, de façon très symbolique à la
Sorbonne, a rappelé le député LREM de l’Essonne. Plus d’un millier de
personnes avaient fait le déplacement. Son directeur de thèse a fait
l’exposé lui-même. Il a été demandé, au lieu d’applaudir, d’observer une
minute de silence. C’est ce message d’universalité et de solidarité que
nous devons continuer de porter. » S’appuyant sur le témoignage publié
hier dans nos colonnes, Cédric Villani a fait part de son « émotion
extrêmement forte devant le récit de cet appelé, qui devrait encourager à
libérer la parole ». Pour Pierre Audin également, « ce témoignage a
l’intérêt de montrer les horreurs des exécutions sommaires et de la
torture. Il montre la nécessité d’une déclaration du président de la
République pour que les gens qui ont une conscience à libérer le
fassent ».
Mais
la veille, à l’occasion d’une rencontre avec la presse présidentielle,
interrogé par l’Humanité, le Président de la République a estimé qu’il
ne s’agit « pas tant d’un problème de reconnaissance, que de recherche
de la vérité ». « Ce ne serait pas responsable de ma part de reconnaître
un crime d’État, n’ayant pas été en capacité d’établir la vérité », a
même déclaré Emmanuel Macron, avant d’assurer que « toutes les pièces
seront ouvertes, y compris celles qui ne l’ont pas été », depuis
l’ouverture des archives en 2014 par François Hollande. « En disant
cela, je ne suis pas en train de dire que c’est forcément faux, a
précisé le chef de l’État. Mais ce que nous devons à sa veuve, c’est la
stricte vérité et de mettre tous nos moyens à sa disposition. »
Publiquement, Emmanuel Macron n’a donc pas fait part de « l’intime
conviction » qu’il avait partagée avec Cédric Villani. « Ce propos selon
lequel il faudrait encore enquêter, avant de reconnaître la
responsabilité de l’État, nous le réfutons totalement au nom de la
famille », a fait savoir maître Claire Hocquet. Pour l’avocate de la
famille « les circonstances exactes, ça sera le travail des historiens,
mais cette parole officielle sur la torture et la responsabilité de
l’État n’a pas besoin d’attendre plus longtemps. Le temps est venu ».
Claire Hocquet souligne également que « le président de la République,
en tant que chef des armées, doit faire en sorte que la parole des
derniers témoins, et il y a urgence, puisse être recueillie ».
Cela
pourrait-il passer par l’ouverture d’une commission d’enquête
parlementaire ? Une possibilité que n’excluent ni les députés
communistes, ni Cédric Villani. « Il faut s’assurer de l’efficacité de
cet outil, a expliqué Sébastien Jumel. Si une commission d’enquête
s’avérait utile, on pourrait en prendre effectivement l’initiative. »
SOURCE : https://www.humanite.fr/assemblee-nationale-bientot-une-commission-denquete-sur-l-affaire-audin-650579
En médaillon: le général Massu, qui commanda l'assassinat du jeune mathématicien communiste