jeudi 15 février 2018

LE VOILE VA-T-IL ENFIN SE LEVER SUR L'ASSASSINAT DE MAURICE AUDIN?

Cédric Villani s'associe


au PCF pour faire


reconnaître le meurtre


d'Etat


 d'un mathématicien

AFP

Source: le blog de Michel Dandelot

Maurice Audin, mathématicien militant communiste, est mort pendant sa détention par les parachutistes à Alger en 1957.

Les députés Cédric Villani (LREM) et Sébastien Jumel (PCF), ont uni leurs forces ce mercredi pour demander à Emmanuel Macron la reconnaissance officielle de l'assassinat du mathématicien communiste Maurice Audin par l'armée française en 1957.
La mémoire des mathématiques par-delà les clivages politiques. Deux députés, Cédric Villani (LREM) et Sébastien Jumel (PCF), ont uni leurs forces ce mercredi 14 février 2018 pour demander à Emmanuel Macron "la reconnaissance officielle de l'assassinat de Maurice Audin par l'armée française" à l'occasion du 86e anniversaire mercredi de la naissance du mathématicien communiste, disparu à Alger en juin 1957.
"L'initiative que nous organisons vise à obtenir une reconnaissance officielle devant l'opinion et, je me permets de le dire, l'engagement de la responsabilité de l'Etat dans la disparition et l'assassinat de Maurice Audin", a déclaré l'élu communiste de Seine-Maritime, lors d'une conférence presse à laquelle participaient également la veuve du mathématicien, Josette Audin, et son fils Pierre.
Cédric Villani, mathématicien engagé de longue date dans ce combat, a fait part "de l'intime conviction" du président de la République, qui s'est déjà entretenu avec la famille après son élection, "que Maurice Audin a été assassiné par l'armée française, ce dont je suis convaincu".
Le député de l'Essonne a demandé "davantage d'expression officielle à ce sujet". "C'est le devoir de l'Etat de mettre tout en œuvre pour ce travail de vérité", a jugé ce lauréat de la médaille Fields (le "Nobel" des mathématiques", ndlr), pour qui "une expression au plus haut niveau doit s'engager à ce sujet" et "accompagner humainement la famille qui souffre depuis 60 ans".
Devant l'Association de la presse présidentielle mardi soir, Emmanuel Macron a souhaité qu'il y ait "toutes les expertises historiques pour établir le maximum de vérité et procéder aux reconnaissances qui sont dues".
"Toutes les pièces seront ouvertes, y compris celles qui ne l'ont pas été" depuis l'ouverture des archives en 2014, a assuré le chef de l'Etat. Il ne serait "pas raisonnable de reconnaître un crime d'Etat sans avoir les preuves" formelles, a-t-il estimé, mais "nous allons mettre tous les moyens en notre pouvoir pour l'établir".
Torturé avant sa "mort en détention" 
Arrêté à son domicile à Alger le 11 juin 1957 en présence de sa femme par des parachutistes, Maurice Audin, 25 ans, est soupçonné d'héberger des membres de la cellule armée du Parti communiste algérien. Il est torturé à plusieurs reprises dans une villa d'El Biar, un des quartiers d'Alger, en compagnie d'Henri Alleg, futur auteur de "La Question", livre dénonçant la torture.
Dix jours plus tard, Josette Audin apprend officiellement que son mari s'est évadé lors d'un transfert. En dépit de son invraisemblance, cela restera la version officielle jusqu'à ce que François Hollande affirme en 2014 que "M. Audin ne s'(était) pas évadé" mais était "mort durant sa détention".
Dans "La vérité sur la mort de Maurice Audin" (Equateurs), paru en janvier 2014, le journaliste Jean-Charles Deniau concluait que Maurice Audin avait été tué par un sous-officier français sur ordre du général Massu, patron de la 10e division parachutiste (DP) pendant la bataille d'Alger. Un ordre répercuté par Paul Aussaresses, alors officier de renseignements dans l'un des quatre régiments de la 10e DP.
Cette conférence de presse est intervenue le jour où le journal communiste L'Humanité publie un nouveau témoignage, celui d'un appelé du contingent qui pense "avoir enterré Maurice Audin". Ce témoin dit avoir enterré, près de la ville de Fondouk, deux corps, à la demande d'un parachutiste qui lui précise alors que l'un est "une saloperie de communiste". Ces deux corps, "passés à la lampe à souder pour qu'on ne puisse pas les identifier", "c'est une grosse prise" et "il ne faut jamais que leurs corps soient retrouvés", a expliqué ce parachutiste à l'appelé.
Pour Pierre Audin, ce nouveau témoin montre la nécessité "d'une déclaration du président de la République pour que les gens qui ont une conscience à libérer le fassent" avant de mourir. "Ce témoignage a l'intérêt de montrer les horreurs des exécutions sommaires et de la torture", a-t-il ajouté. "Est-ce qu'on pourra prouver qu'il s'agit de Maurice Audin on d'un autre?", s'est-il interrogé, en rappelant que "3.000 personnes ont disparu" pendant la bataille d'Alger en 1957.
Josette Audin entourée des députés Sébastien Jumel (à gauche) et Cédric Villani, lors de la conférence de presse qui s’est tenue, hier, à l’Assemblée nationale. Lahcène Labib
Assemblée nationale : bientôt
 une commission d’enquête
 sur l’« affaire Audin » ?
 Alors qu’Emmanuel Macron a jugé mardi qu’il n’était « pas raisonnable de reconnaître un crime d’État sans avoir les preuves », les députés PCF et Cédric Villani envisagent la création d’une commission d’enquête, « si elle peut être utile dans la recherche de la vérité ».
«Je m’arrête, je m’excuse, j’ai du mal à parler… » Avec beaucoup d’émotion et de dignité, Josette Audin, 86 ans, a témoigné hier sur les circonstances de la disparition de son mari, à l’occasion d’une conférence de presse organisée à l’Assemblée nationale, sur l’initiative des députés Sébastien Jumel (PCF) et Cédric Villani (LREM). « Maurice menait de front son travail d’enseignant à la faculté d’Alger, ses recherches pour la thèse qu’il préparait, et ses activités militantes pour le Parti communiste, sans négliger son rôle de père de trois jeunes enfants : 3 ans, 20 mois et 1 mois, au moment de son arrestation, dans la nuit du 11 juin 1957, en pleine bataille d’Alger. » Plus de soixante ans ont passé et Josette Audin attend « toujours que la France, pays des droits de l’homme, condamne la torture, ceux qui l’ont utilisée, et ceux qui l’ont autorisée ».
Faire en sorte que la parole des derniers témoins
 soit recueillie
« L’initiative que nous organisons vise à obtenir une reconnaissance officielle devant l’opinion et, je me permets de le dire, l’engagement de la responsabilité de l’État dans la disparition et l’assassinat de Maurice Audin », a déclaré Sébastien Jumel, soulignant « la forte valeur symbolique d’une initiative commune d’un député communiste et un autre de la majorité LREM, avec la responsabilité commune d’être aux côtés de la famille et se mettre au service de la vérité et de la justice ». Cédric Villani, proche de la famille Audin (voir notre entretien du 28 janvier sur l’Humanite.fr), a rappelé de son côté qu’il est « personnellement convaincu, sans l’ombre d’un doute », que le mathématicien communiste a été assassiné par l’armée française. « Sa thèse a été soutenue après son décès, de façon très symbolique à la Sorbonne, a rappelé le député LREM de l’Essonne. Plus d’un millier de personnes avaient fait le déplacement. Son directeur de thèse a fait l’exposé lui-même. Il a été demandé, au lieu d’applaudir, d’observer une minute de silence. C’est ce message d’universalité et de solidarité que nous devons continuer de porter. » S’appuyant sur le témoignage publié hier dans nos colonnes, Cédric Villani a fait part de son « émotion extrêmement forte devant le récit de cet appelé, qui devrait encourager à libérer la parole ». Pour Pierre Audin également, « ce témoignage a l’intérêt de montrer les horreurs des exécutions sommaires et de la torture. Il montre la nécessité d’une déclaration du président de la République pour que les gens qui ont une conscience à libérer le fassent ».
Mais la veille, à l’occasion d’une rencontre avec la presse présidentielle, interrogé par l’Humanité, le Président de la République a estimé qu’il ne s’agit « pas tant d’un problème de reconnaissance, que de recherche de la vérité ». « Ce ne serait pas responsable de ma part de reconnaître un crime d’État, n’ayant pas été en capacité d’établir la vérité », a même déclaré Emmanuel Macron, avant d’assurer que « toutes les pièces seront ouvertes, y compris celles qui ne l’ont pas été », depuis l’ouverture des archives en 2014 par François Hollande. « En disant cela, je ne suis pas en train de dire que c’est forcément faux, a précisé le chef de l’État. Mais ce que nous devons à sa veuve, c’est la stricte vérité et de mettre tous nos moyens à sa disposition. » Publiquement, Emmanuel Macron n’a donc pas fait part de « l’intime conviction » qu’il avait partagée avec Cédric Villani. « Ce propos selon lequel il faudrait encore enquêter, avant de reconnaître la responsabilité de l’État, nous le réfutons totalement au nom de la famille », a fait savoir maître Claire Hocquet. Pour l’avocate de la famille « les circonstances exactes, ça sera le travail des historiens, mais cette parole officielle sur la torture et la responsabilité de l’État n’a pas besoin d’attendre plus longtemps. Le temps est venu ». Claire Hocquet souligne également que « le président de la République, en tant que chef des armées, doit faire en sorte que la parole des derniers témoins, et il y a urgence, puisse être recueillie ».
Cela pourrait-il passer par l’ouverture d’une commission d’enquête parlementaire ? Une possibilité que n’excluent ni les députés communistes, ni Cédric Villani. « Il faut s’assurer de l’efficacité de cet outil, a expliqué Sébastien Jumel. Si une commission d’enquête s’avérait utile, on pourrait en prendre effectivement l’initiative. »
SOURCE : https://www.humanite.fr/assemblee-nationale-bientot-une-commission-denquete-sur-l-affaire-audin-650579 




En médaillon: le général Massu, qui commanda l'assassinat du jeune mathématicien communiste