Voilà un article que l’on aurait aimé lire dans l’Humanité et dans la
presse communiste. Alors que les mêmes s’empressent de dénoncer ce qui
se passe en Iran parce que -disons-le clairement- cela fait partie des
plans de la CIA comme jadis ont été utilisées les femmes afghanes, il ne
faut surtout pas qu’on dénonce le rôle que jouent les blocus et les
sanctions dans le renforcement des conservatismes, ni que c’est là le
drame fondamental vécu par les femmes avec la guerre. Mais comme
l’explique cet article l’île de la liberté, malgré le blocus pousse
toujours plus loin sa conception de la dignité humaine et elle le fait
sous aucune pression, simplement parce que c’est ça la différence entre
le communisme et le conservatisme. Je vous rappelle pour les Marseillais
et région: jeudi 6 octobre de 17 heures à 20 heures réunion à la maison
des associations, 93 la Canebière. Tous ensemble pour défendre Cuba,
l’honneur de l’humanité.
2 octobre 2022, 19h00
Photo : ZUMA Press/Global Look Press
Texte : Stanislav Borzyakov
https://vz.ru/world/2022/10/2/1179783.html
Les habitants de l’île de la Liberté ont voté en faveur d’un nouveau
code de la famille, extrêmement souple selon les normes de l’ancien bloc
socialiste. Entre autres choses, Cuba légalisera le mariage homosexuel
et la maternité de substitution. Une telle réforme peut en surprendre
certains, mais ce qui est plus surprenant, c’est qu’elle vient seulement
de se produire à Cuba. Que doit penser la Russie d’un tel revirement ?
Le nouveau code de la famille de Cuba contient des clauses que les
Barbudos de Fidel Castro auraient difficilement pu imaginer lorsqu’ils
combattaient le régime de Batista – l’un des plus répugnants de
l’histoire de l’Amérique latine. Depuis lors, la compréhension de la
liberté sur l’île de la Liberté s’est considérablement élargie.
Le plus spectaculaire est le mariage homosexuel, qui est assimilé au
mariage traditionnel dans tous les domaines, même l’adoption d’enfants.
La Havane adopte d’emblée le modèle scandinave, plutôt que d’aborder
l’expansion des droits LGBT par étapes comme la plupart des autres pays.
Il existe d’autres points innovants, dont certains conservent la
spécificité socialiste cubaine. Par exemple, il est désormais possible
d’être une mère porteuse (donner naissance à la place de quelqu’un
d’autre), mais pas de gagner de l’argent avec.
Selon les résultats du plébiscite, plus de deux tiers des Cubains – 67% – ont voté pour, le minimum requis étant de 50%.
Il est de coutume de présenter ce genre de nouvelles dans le sens que
l’élite mondiale mondialiste, avec Washington à sa tête, ait une fois
de plus imposé son agenda gaucho-libéral à quelqu’un. Des pays comme
Taïwan et le Monténégro, qui se sont également engagés dans la voie de
la légalisation du mariage homosexuel, ont pour seul point commun d’être
des satellites des États-Unis.
Mais nous parlons de Cuba, que l’on peut soupçonner de jouer un tel
rôle à l’avant-dernière place, après l’Iran et la Corée du Nord. Après
avoir nationalisé tous les biens américains (c’est-à-dire presque tous
les secteurs importants de l’économie), l’île de la liberté vit depuis
lors sous le coup de sanctions sévères. Ce n’est pas une vie facile,
mais on ne peut pas reprocher à La Havane de vendre sa souveraineté –
elle l’a défendue dans les moments les plus difficiles, comme au début
des années 1990, lorsqu’elle a subi une grave crise économique à la
suite de l’effondrement de l’URSS.
Comme les professeurs soviétiques avaient l’habitude de dire dans de
tels cas, nous ne nous attendions pas à ça de la part de votre enfant.
Mais la seule chose étrange est que les Cubains ne l’aient pas fait
plus tôt. Il y a effectivement des progrès dans leurs relations avec
Washington, mais l’île de la liberté ne passe pas sous l’aile
américaine, au contraire, elle retourne en Amérique latine.
Dans cette macro-région catholique et pieuse, d’où est issu le pape
actuel, s’est formé un ensemble de priorités quelque peu différent de
celui de l’Europe en matière de proscriptions religieuses.
Dans l’Ancien Monde, par exemple, l’avortement a été légalisé depuis
longtemps, à quelques exceptions près. Mais l’Amérique latine, sur cette
question de vie ou de mort, fait encore barrage, malgré la soi-disant
troisième vague du féminisme. Il n’y a qu’une poignée de pays où
l’avortement est possible simplement “par choix”. Lorsque l’Argentine
occidentalisée a pris le chemin de la légalisation de l’avortement à la
toute fin de l’année 2020, ce fut un événement très médiatisé pour le
continent.
La situation est différente avec une autre “vache sacrée” du
libéralisme occidental – le mariage gay. À un moment donné, leur
légalisation en Amérique du Sud a fait un grand bond en avant, sans
rencontrer la moitié de la résistance que les Européens et les
Américains (souvent catholiques également) ont manifestée dans des
circonstances similaires.
Les pays les plus “favorables aux LGBT” de la région, où l’union
entre personnes de même sexe est considérée comme normale, comprennent à
la fois les plus grands États en termes de population – le Brésil, la
Colombie et l’Argentine – et les États les plus développés – le Chili,
l’Uruguay et le Costa Rica.
Au Mexique, le mariage homosexuel couvre la majeure partie du
territoire – la question y dépend des lois de chaque État, mais il est
probable qu’il n’y aura pas d’exception dans un avenir proche.
Les régimes socialistes, que Washington classe parmi ses adversaires
sans équivoque, ne font pas non plus exception ; Cuba ne sera pas un
organisme politique “étranger” sur cette liste. Avant Cuba, le mariage
gay a été légalisé en Équateur, dont le président de l’époque, Rafael
Correa, est connu à la fois comme un allié des frères Castro et comme
l’animateur de la version espagnole de Russia Today.
Le fait que Cuba ait tardé à se mettre au diapason est d’autant plus
surprenant que le leader de facto de la politique LGBT locale était
Mariela Castro, fille de Raul et nièce de Fidel.
Elle ne fait pas partie de ces membres de la famille qui se sont
radicalement opposés à leurs proches, comme la fille aînée du
Comandante, Alina, qui a fui aux États-Unis via l’Espagne et est devenue
anticommuniste. Mariela est membre du parlement, une politicienne
singulière mais systématique.
Il y a quatre ans, elle s’est engagée à faire du mariage homosexuel
un élément de la “perestroïka” cubaine – et a réussi. Mais selon les
normes cubaines, ce n’est pas une révolution. Le régime socialiste (donc
laïque) de Castro a été le premier de la région à autoriser les
avortements. Pendant des années, Cuba a été le premier pays au monde
pour le nombre d’avortements pour 100 000 habitants, et des femmes
venues de nombreux pays voisins s’y rendaient pour subir l’opération.
Maintenant, la “perestroïka” continue. Cuba a déjà connu des réformes
politiques, l’introduction d’éléments d’une économie capitaliste et des
manifestations de masse. Pendant ce temps, la situation dans le pays
reste tendue. Le président Miguel Diaz-Canel semble garder le contrôle,
mais il marche sur des oeufs : Cuba risque de connaître des révolutions
colorées.
Les commentateurs occidentaux diffusent souvent la version selon
laquelle les discussions sur le code de la famille servaient à détourner
l’attention de la crise économique. Si cela est vrai, ce qui s’est
passé doit être compris comme une concession des autorités au peuple –
et c’est son choix souverain.
La conclusion que la Russie peut tirer de cette situation est que
dans le monde multipolaire dont elle défend les principes, ses
partenaires et alliés seront des pays très divers. Tant ceux où
l’homosexualité est un délit pénal que ceux où les couples homosexuels
ont les droits des couples ordinaires.
Multipolaire cela signifie complexe, diversifié, multidirectionnel.
Les droits des LGBT ne sont plus confinés au monde atlantiste. Cuba en
est un bon exemple, mais depuis un certain temps déjà, dans les BRICS,
le club des super économies “non occidentales” cher à la Russie, le
mariage homosexuel a été légalisé dans deux des cinq États, le Brésil et
l’Afrique du Sud.
L’Inde se trouve dans une période de transformation : depuis la
dépénalisation des militants LGBT, il est apparu que la société est
relativement tolérante à leur égard. Ce n’est pas la Hollande, bien sûr,
mais pas le Pakistan non plus.
Si la Chine devait emprunter la même voie dans un avenir proche, ce
serait quelque peu surprenant et véritablement révolutionnaire, mais pas
impossible – et le ciel ne tomberait pas sur nos têtes.
La Russie a de nombreux alliés réels et potentiels en dehors de
l’Occident, très différents les uns des autres par leurs régimes
politiques et leur culture intérieure, leur religion et leurs
traditions, leurs lois et leurs tabous. La souveraineté, non contrainte
par la volonté d’un hégémon mondial, est le droit d’être ce que l’on
veut.
La conception américaine du monde est simple et fondée sur la
loyauté, ce qui explique pourquoi Washington a mis sur le même plan des
États aussi différents que l’Iran, la Corée du Nord, Cuba et – depuis
quelque temps – la Russie. La vision multipolaire alternative de la
Russie n’exige pas que les alliés et les partenaires changent pour
s’adapter à nos idées sur ce qui est beau et juste, et elle n’implique
pas non plus que nous adoptions les vues des autres.
Le monde des États-nations est aussi varié et complexe que la société
humaine, qui accepte des personnes ayant des opinions et des habitudes
différentes tant qu’elles respectent leurs intérêts mutuels et qu’elles
voient les limites de l’espace personnel, ce qui, en politique, est
généralement décrit par le mot “souveraineté”.
Telle est la souveraineté cubaine aujourd’hui. Il n’y a pas lieu de s’indigner.