vendredi 10 septembre 2021


DERNIÈRE PARTIE DE L'ARTICLE

LE SOCIALISME CHINOIS ET LE MYTHE....

En réalité, la Chine actuelle est fille de Mao et de Deng, de l’économie dirigée qui l’a unifiée, et de l’économie mixte qui l’a enrichie. Pourtant le capitalisme libéral à l’occidentale, en Chine, est aux abonnés absents. Il arrive que la presse bourgeoise rende compte avec lucidité de cette indifférence des Chinois à nos propres lubies. On lit dans Les Echos, par exemple, que les Occidentaux ont «commis l’erreur d’avoir pu penser qu’en Chine, le capitalisme d’Etat pourrait céder le pas au capitalisme de marché». Que reproche-t-on aux Chinois, en définitive ? La réponse ne manque pas de surprendre dans les colonnes d’un hebdomadaire libéral : «La Chine n’a pas la même notion du temps que les Européens et les Américains. 

Un exemple ? Jamais une entreprise occidentale ne financerait un projet qui ne serait pas rentable. Pas la Chine qui pense à très long terme. Avec sa puissance financière publique accumulée depuis des décennies, elle ne se préoccupe pas en priorité d’une rentabilité à court terme si ses intérêts stratégiques le lui commandent». Puis l’analyste des Echos conclut : «Cela lui est d’autant plus facile que l’Etat garde la mainmise sur l’économie. Ce qui est impensable dans le système capitaliste tel que l’Occident le pratique, cela ne l’est pas en Chine» selon Richard Hiaut, dans son article «Comment la Chine a dupé Américains et Européens à l’OMC» paru dans Les Echos, le 6 juillet 2018. On ne saurait mieux dire ! 

Difficile d’admettre, sans doute, qu’un pays dirigé par un parti communiste a réussi en trente ans à multiplier par 17 son PIB par habitant. Aucun pays capitaliste ne l’a jamais fait. Evidemment, cet éclair de lucidité est inhabituel. Il change des litanies coutumières selon lesquelles la dictature communiste est abominable, Xi Jinping est déifié, la Chine croule sous la corruption, son économie est chancelante, son endettement abyssal et son taux de croissance en berne. Enfilade de lieux communs et fausses évidences à l’appui, la vision que donnent de la Chine les médias dominants brille le plus souvent par un simplisme narquois. On prétend comprendre la Chine en la soumettant au lit de Procuste des catégories préétablies chères au petit monde médiatique. Communiste, capitaliste, un peu des deux, ou autre chose encore ? Dans les sphères médiatiques, on y perd son chinois. 

Lire aussi Ouvriers sur une chaîne de montage du géant chinois de la voiture et des batteries électriques BYD, à Shenzhen (Chine méridionale). Comment la Chine veut dominer le marché mondial du véhicule électrique Restructuré dans les années 1990, le secteur public demeure la colonne vertébrale de l’économie chinoise. Comme d’habitude, les faits sont têtus. Le parti communiste chinois n’a nullement renoncé à son rôle dirigeant dans la société, et il fournit son ossature à un Etat fort. Hérité du maoïsme, cet Etat conserve la maîtrise de la politique monétaire et contrôle le système bancaire. 

Restructuré dans les années 1990, le secteur public demeure la colonne vertébrale de l’économie chinoise : représentant 40% des actifs et 50% des profits générés par l’industrie, il prédomine à 80-90 % dans les secteurs stratégiques : la sidérurgie, le pétrole, le gaz, l’électricité, le nucléaire, les infrastructures, les transports, l’armement. Ce n’est pas en Chine qu’un président de la République braderait au capitalisme américain un joyau industriel comparable à Alstom, offert par Macron à General Electric dans un paquet-cadeau. En Chine, tout ce qui est important pour le développement du pays et pour son rayonnement international est étroitement contrôlé par un Etat souverain. 

 En Occident, la vision de la Chine est obscurcie par les idées reçues. En lisant la résolution finale du dix-neuvième congrès du Parti communiste chinois (octobre 2017), on mesure l’ampleur des défis. Lorsque cette résolution affirme que «le Parti doit s’unir pour remporter la victoire décisive de l’édification intégrale de la société de moyenne aisance, faire triompher le socialisme à la chinoise de la nouvelle ère, et lutter sans relâche pour réaliser le rêve chinois du grand renouveau de la nation», il faut peut-être prendre ces déclarations au sérieux.  On s’imagine que l’ouverture aux échanges internationaux et la privatisation de nombreuses entreprises ont sonné le glas du “socialisme à la chinoise”. Or, rien n’est plus faux. Les réformes économiques ont permis de sortir 700 millions de personnes de la pauvreté, soit 10% de la population mondiale. Pour les Chinois, cette ouverture est la condition du développement des forces productives, et non le prélude à un changement systémique.  Elles s’inscrivent dans une planification à long terme dont l’Etat chinois conserve la maîtrise. 

Aujourd’hui, de nouveaux défis attendent le pays : la consolidation du marché intérieur, la réduction des inégalités, le développement des énergies vertes et la conquête des hautes technologies. Lire aussi Image d'illustration : le 10e sommet des Brics se déroule du 25 au 27 juillet en Afrique du sud Coopération et échanges hors dollar : quelles ambitions ont les Brics pour leur dixième sommet ? En devenant la première puissance économique de la planète, la Chine populaire sonne le glas de la prétendue «fin de l’Histoire». Elle renvoie à la deuxième place une Amérique finissante, minée par la désindustrialisation, le surendettement, le délabrement social et le fiasco de ses aventures militaires. 

Contrairement aux USA, la Chine est un empire sans impérialisme. Placé au centre du monde, l’Empire du Milieu n’a pas besoin d’étendre ses frontières. Respectueuse du droit international, la Chine se contente de défendre sa sphère d’influence naturelle. Elle ne pratique pas le «régime change» à l’étranger. Vous n’avez pas envie de vivre comme les Chinois ? Aucune importance, ils n’ont pas l’intention de vous convertir. Au cours des trente dernières années, la Chine n’a mené aucune guerre et a multiplié son PIB par 17. Auto-centrée, la Chine n’est ni conquérante ni prosélyte. Les Occidentaux font la guerre pour enrayer leur déclin, quand les Chinois font des affaires pour développer leur pays. Dans la même période, les USA ont mené une dizaine de guerres et précipité leur décadence. Les Chinois ont éradiqué la pauvreté, quand les USA déstabilisaient l’économie mondiale en vivant à crédit. En Chine la misère recule, tandis qu’aux USA elle progresse. 

Que cela plaise ou non, le «socialisme à la chinoise» met une fessée au capitalisme à l’occidentale. Décidément, la «fin de l’Histoire» peut en cacher une autre.


En savoir plus sur RT France : https://francais.rt.com/opinions/53570-socialisme-chinois-mythe-fin-histoire


 



La nouvelle façon de faire la guerre de Washington est vouée à l’échec (Counterpunch)

Une tentative maladroite de déterminer qui est à blâmer pour n’avoir pas su prévoir la victoire rapide des talibans et la désintégration des forces gouvernementales afghanes masque les leçons stratégiques les plus importantes de la guerre en Afghanistan.

Les tournants de l’histoire arrivent généralement par surprise car, si les pouvoirs en place pouvaient les voir venir, ils prendraient des mesures pour les éviter. Les gouvernements et le public aiment à croire que l’histoire est plus inévitable qu’elle ne l’est réellement. Des événements inattendus de grande importance, tels que la chute de la France en 1940, le renversement du Shah en 1979 et l’effondrement de l’Union soviétique en 1991, ont été suivis d’enquêtes visant à déterminer pourquoi les experts ne les avaient pas prévus.

Ces enquêtes fouillent en profondeur à la recherche des causes profondes des changements historiques et les trouvent toujours. Mais, comme l’a dit Lord Northcliffe, il ne faut jamais "perdre le sens du superficiel". Les ingrédients clés des évolutions historiques importantes peuvent être des décisions et des actions qui se sont produites alors qu’elles auraient pu facilement aller dans l’autre sens. Par exemple, Saddam Hussein avait des raisons de longue date d’envahir le Koweït en 1990, mais aucune de ces raisons n’aurait eu d’importance si le dirigeant irakien avait changé d’avis à la dernière minute.

J’ai soutenu pendant une décennie que le gouvernement afghan était une épave flottante et que c’était son impopularité et sa fragilité, et non la force des talibans, qui était la force motrice des événements. Pourtant, aussi insatisfaisante que soit cette situation, elle aurait pu durer encore longtemps si Donald Trump n’avait pas signé un accord de retrait américain extrêmement unilatéral avec les talibans en février 2020. Et même cela n’aurait peut-être pas donné lieu à la débâcle finale si Joe Biden n’avait pas décidé, pour des raisons de politique intérieure, de faire de l’esbroufe dans son discours du 14 avril dernier confirmant le départ américain avant l’anniversaire du 11 septembre.

Il a déclaré à juste titre que le régime afghan constituait une branche trop pourrie pour que les États-Unis puissent s’y accrocher indéfiniment, puis il a décidé de se jeter sur cette même branche sans s’attendre à ce qu’elle se casse. Les détails de la façon dont tout s’est effondré cette nuit-là, et comment cela aurait pu être évité, font l’objet d’un débat véhément, mais une leçon bien plus importante est que le mode de guerre américain est dysfonctionnel et génère automatiquement l’échec.

Les affirmations selon lesquelles les États-Unis auraient pu empêcher le retour des talibans s’ils n’avaient pas été occupés par la guerre en Irak ou s’ils n’avaient pas consacré trop de temps à la "construction de la nation" en Afghanistan, doivent être rejetées comme les absurdités égocentriques qu’elles sont. Entre 2001 et 2021, les administrations américaines ont invariablement agi en fonction de leurs propres intérêts politiques intérieurs lorsqu’il s’agissait de l’Afghanistan, ces intérêts coïncidant rarement avec ceux des Afghans ordinaires.

Fait curieux, les États-Unis avaient gagné la guerre dès les premiers mois de 2002, date à laquelle les forces soutenues par les États-Unis avaient renversé les talibans et Al-Qaïda avait quitté le pays pour le Pakistan. Mais la Maison Blanche a poursuivi la "guerre contre le terrorisme", même en l’absence de terroristes, en raison de son fort attrait en tant que slogan et politique auprès d’un public américain durement éprouvé par le choc du 11 septembre. Les forces américaines ont ramené et soutenu les anciens chefs de guerre, dont le banditisme sanguinaire entre 1992 et 1996 avait donné naissance aux talibans par réaction. Les mafiosi style afghan, grands et petits, ont utilisé le soutien américain pour gagner du pouvoir et de l’argent, dénonçant souvent leurs rivaux comme des partisans secrets des talibans et d’Al-Qaïda.

La manière dont ce processus a discrédité les forces anti-talibans et produit le retour des talibans est expliquée dans le livre brillant et détaillé d’Anand Gopal, "No Good Men Among the Living : America, the Taliban and the War through Afghan Eyes". S’appuyant sur de nombreux entretiens, il décrit de manière convaincante comment l’intervention militaire américaine a d’abord permis de se débarrasser des talibans avant de les remplacer par des chefs locaux prédateurs qui dénonçaient comme "terroristes" tous ceux qui se mettaient en travers de leur chemin.

Nombreux sont ceux qui, dans le sud de l’Afghanistan pachtoune appauvri, autrefois le fief des talibans, se sont réjouis de leur élimination, espérant que l’intervention américaine serait synonyme d’élections démocratiques et d’aide économique. La désillusion a commencé très tôt lorsque des paysans apolitiques ou anti-talibans ont commencé à se faire embarquer pour être maltraités et enfermés à l’aéroport de Bagram et à Guantanamo. Parmi les nombreux exemples, Gopal raconte que dans une région, "les forces américaines ont attaqué l’école et la maison du gouverneur en janvier 2002, éliminant en une seule nuit la plupart des dirigeants pro-américains du district".

De telles "erreurs" faisaient partie intégrante de la manière dont les États-Unis ont contribué à la résurrection des talibans pendant deux décennies en utilisant des équipes d’assaut pour organiser des raids nocturnes et la puissance aérienne à toute occasion, leurs cibles étant souvent choisies par des renseignements défectueux et à visée partisane.

En 2014, je me trouvais à Herat, dans l’ouest de l’Afghanistan, pour écrire sur trois villages de la province de Farrar bombardés par l’aviation américaine, qui avait tué 117 villageois, dont 61 enfants, après que la police locale eut appelé à une frappe aérienne. Malgré des cratères de bombes profonds de 5 mètres, un porte-parole américain a d’abord affirmé que le massacre avait été causé par des grenades lancées par les talibans sur les maisons.

Ces atrocités se sont aggravées ces dernières années, à mesure que les États-Unis retiraient leurs troupes au sol et s’appuyaient davantage sur les "raids nocturnes", souvent menés par des unités d’assaut afghanes organisées par les États-Unis, qui étaient en réalité des escadrons de la mort. Le nombre de soldats américains pouvait diminuer, mais pas la quantité de bombes et de missiles utilisés.

Comme on pouvait s’y attendre, les motivations des jeunes hommes qui ont rejoint les talibans ces dernières années étaient doubles selon les rapports locaux et n’avaient rien à voir avec l’islam fondamentaliste. Les combattants ont déclaré qu’ils s’étaient engagés parce que des civils étaient tués ou blessés par des frappes aériennes et des raids nocturnes, et parce que les États-Unis soutenaient des tribus et des groupes ethniques qui leur étaient hostiles.

En fin de compte, Washington a mis au point une méthode de guerre sans fin, et ce à grands frais - les chiffres varient entre 1 000 et 2 300 milliards de dollars sur 20 ans, selon la façon dont ils sont calculés. La puissance aérienne américaine a peut-être tué de nombreux talibans, mais elle en a recruté beaucoup plus.

Les États-Unis ont limité leurs propres pertes militaires en utilisant des drones et des frappes aériennes dont le ciblage repose sur des images satellites difficiles à interpréter et des informateurs locaux douteux. Comme il se doit, l’une des dernières actions militaires directes des États-Unis à l’aéroport de Kaboul a été une frappe de drone visant des kamikazes, qui a tué dix civils, dont sept enfants.

Patrick Cockburn Blog Le Grand Soir

Traduction "l’ancienne n’était pas terrible non plus..." par Viktor Dedaj avec probablement toutes les fautes et coquilles habituelles