DERNIÈRE PARTIE DE L'ARTICLE
LE SOCIALISME CHINOIS ET LE MYTHE....
En réalité, la Chine actuelle est fille de Mao et de Deng, de l’économie dirigée qui l’a unifiée, et de l’économie mixte qui l’a enrichie. Pourtant le capitalisme libéral à l’occidentale, en Chine, est aux abonnés absents. Il arrive que la presse bourgeoise rende compte avec lucidité de cette indifférence des Chinois à nos propres lubies. On lit dans Les Echos, par exemple, que les Occidentaux ont «commis l’erreur d’avoir pu penser qu’en Chine, le capitalisme d’Etat pourrait céder le pas au capitalisme de marché». Que reproche-t-on aux Chinois, en définitive ? La réponse ne manque pas de surprendre dans les colonnes d’un hebdomadaire libéral : «La Chine n’a pas la même notion du temps que les Européens et les Américains.
Un exemple ? Jamais une entreprise occidentale ne financerait un projet qui ne serait pas rentable. Pas la Chine qui pense à très long terme. Avec sa puissance financière publique accumulée depuis des décennies, elle ne se préoccupe pas en priorité d’une rentabilité à court terme si ses intérêts stratégiques le lui commandent». Puis l’analyste des Echos conclut : «Cela lui est d’autant plus facile que l’Etat garde la mainmise sur l’économie. Ce qui est impensable dans le système capitaliste tel que l’Occident le pratique, cela ne l’est pas en Chine» selon Richard Hiaut, dans son article «Comment la Chine a dupé Américains et Européens à l’OMC» paru dans Les Echos, le 6 juillet 2018. On ne saurait mieux dire !
Difficile d’admettre, sans doute, qu’un pays dirigé par un parti communiste a réussi en trente ans à multiplier par 17 son PIB par habitant. Aucun pays capitaliste ne l’a jamais fait. Evidemment, cet éclair de lucidité est inhabituel. Il change des litanies coutumières selon lesquelles la dictature communiste est abominable, Xi Jinping est déifié, la Chine croule sous la corruption, son économie est chancelante, son endettement abyssal et son taux de croissance en berne. Enfilade de lieux communs et fausses évidences à l’appui, la vision que donnent de la Chine les médias dominants brille le plus souvent par un simplisme narquois. On prétend comprendre la Chine en la soumettant au lit de Procuste des catégories préétablies chères au petit monde médiatique. Communiste, capitaliste, un peu des deux, ou autre chose encore ? Dans les sphères médiatiques, on y perd son chinois.
Lire aussi Ouvriers sur une chaîne de montage du géant chinois de la voiture et des batteries électriques BYD, à Shenzhen (Chine méridionale). Comment la Chine veut dominer le marché mondial du véhicule électrique Restructuré dans les années 1990, le secteur public demeure la colonne vertébrale de l’économie chinoise. Comme d’habitude, les faits sont têtus. Le parti communiste chinois n’a nullement renoncé à son rôle dirigeant dans la société, et il fournit son ossature à un Etat fort. Hérité du maoïsme, cet Etat conserve la maîtrise de la politique monétaire et contrôle le système bancaire.
Restructuré dans les années 1990, le secteur public demeure la colonne vertébrale de l’économie chinoise : représentant 40% des actifs et 50% des profits générés par l’industrie, il prédomine à 80-90 % dans les secteurs stratégiques : la sidérurgie, le pétrole, le gaz, l’électricité, le nucléaire, les infrastructures, les transports, l’armement. Ce n’est pas en Chine qu’un président de la République braderait au capitalisme américain un joyau industriel comparable à Alstom, offert par Macron à General Electric dans un paquet-cadeau. En Chine, tout ce qui est important pour le développement du pays et pour son rayonnement international est étroitement contrôlé par un Etat souverain.
En Occident, la vision de la Chine est obscurcie par les idées reçues. En lisant la résolution finale du dix-neuvième congrès du Parti communiste chinois (octobre 2017), on mesure l’ampleur des défis. Lorsque cette résolution affirme que «le Parti doit s’unir pour remporter la victoire décisive de l’édification intégrale de la société de moyenne aisance, faire triompher le socialisme à la chinoise de la nouvelle ère, et lutter sans relâche pour réaliser le rêve chinois du grand renouveau de la nation», il faut peut-être prendre ces déclarations au sérieux. On s’imagine que l’ouverture aux échanges internationaux et la privatisation de nombreuses entreprises ont sonné le glas du “socialisme à la chinoise”. Or, rien n’est plus faux. Les réformes économiques ont permis de sortir 700 millions de personnes de la pauvreté, soit 10% de la population mondiale. Pour les Chinois, cette ouverture est la condition du développement des forces productives, et non le prélude à un changement systémique. Elles s’inscrivent dans une planification à long terme dont l’Etat chinois conserve la maîtrise.
Aujourd’hui, de nouveaux défis attendent le pays : la consolidation du marché intérieur, la réduction des inégalités, le développement des énergies vertes et la conquête des hautes technologies. Lire aussi Image d'illustration : le 10e sommet des Brics se déroule du 25 au 27 juillet en Afrique du sud Coopération et échanges hors dollar : quelles ambitions ont les Brics pour leur dixième sommet ? En devenant la première puissance économique de la planète, la Chine populaire sonne le glas de la prétendue «fin de l’Histoire». Elle renvoie à la deuxième place une Amérique finissante, minée par la désindustrialisation, le surendettement, le délabrement social et le fiasco de ses aventures militaires.
Contrairement aux USA, la Chine est un empire sans impérialisme. Placé au centre du monde, l’Empire du Milieu n’a pas besoin d’étendre ses frontières. Respectueuse du droit international, la Chine se contente de défendre sa sphère d’influence naturelle. Elle ne pratique pas le «régime change» à l’étranger. Vous n’avez pas envie de vivre comme les Chinois ? Aucune importance, ils n’ont pas l’intention de vous convertir. Au cours des trente dernières années, la Chine n’a mené aucune guerre et a multiplié son PIB par 17. Auto-centrée, la Chine n’est ni conquérante ni prosélyte. Les Occidentaux font la guerre pour enrayer leur déclin, quand les Chinois font des affaires pour développer leur pays. Dans la même période, les USA ont mené une dizaine de guerres et précipité leur décadence. Les Chinois ont éradiqué la pauvreté, quand les USA déstabilisaient l’économie mondiale en vivant à crédit. En Chine la misère recule, tandis qu’aux USA elle progresse.
Que cela plaise ou non,
le «socialisme à la chinoise» met une fessée au capitalisme à
l’occidentale. Décidément, la «fin de l’Histoire» peut en
cacher une autre.
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