mardi 16 juin 2020

Vingtième anniversaire de la Déclaration commune Corée Nord-Sud du 15-Juin

Je ne connais pas la situation en Corée mais j’ai plus tendance à faire confiance en Marianne qui est allée dans les deux Corée, s’est donné la peine d’apprendre le coréen et qui m’a déjà permis de vaincre des préjugés que j’avais comme tout un chacun face à la chute de l’URSS, à l’opinion des Russes. Mais sans même savoir si ce qu’elle me rapporte de la Corée du nord est exact ou non il y a un certain nombre de choses dont je me suis assurée. La première est la manière dont la partition a été imposée par l’intervention américaine et la tragédie de cette guerre. La seconde est l’opinion majoritaire des Coréens des deux Corée dans leur désir de réunification toujours empêché par les USA, la troisième est qu’il faudra bien un jour que la conscience humaine se révolte contre ce crime contre les populations civiles que sont les blocus. C’est l’équivalent des sièges contre d’abord les plus faibles. Quel que soit le peuple qui subit cela qu’il s’agisse de ceux qui ont toute ma sympathie comme Cuba ou le Venezuela ou des gouvernements sur lesquels je suis plus réservé comme l’Iran, je ne tolère pas ce crime et je suis stupéfaite que la gauche puisse s’en accommoder … (note de Danielle Bleitrach)
Le 15 juin 2000, à l’issue d’une visite de trois jours à Pyongyang, capitale de la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord), Kim Dae-jung, président de la République de Corée (du Sud), signa avec Kim Jong-il, président du Comité de la Défense nationale de la RPDC une déclaration commune, la première signée au plus haut niveau des deux Etats coréens. La Déclaration commune Nord-Sud du 15-Juin fut l’aboutissement d’un long processus historique, jalonné d’épisodes tragiques, et ouvrit une nouvelle ère dans les relations inter-coréennes, avec des périodes de stagnation et d’accélération, mais maintenant vivant l’espoir d’une réunification possible de la Corée divisée et de la réparation de l’injustice faite au peuple coréen après la Seconde Guerre mondiale.
Signature de la Déclaration commune Nord-Sud le 15 juin 2000
Bien avant 1945 et la défaite du Japon, qui avait annexé la Corée en 1910, le peuple coréen avait l’espoir de retrouver sa liberté et son indépendance, par la résistance qu’il opposait à l’occupant japonais mais aussi par les garanties que pouvaient offrir les puissances alliées.
Ainsi, en novembre 1943, la conférence du Caire réunit le président américain Franklin Roosevelt, le Premier ministre britannique Winston Churchill, et le généralissime Tchang Kaï-chek, chef du gouvernement de la République de Chine, pour discuter de la lutte contre l’Empire du Japon et du nouvel ordre des puissances en Asie, après la guerre (le dirigeant de l’URSS Joseph Staline ne participait pas à la conférence, le pacte de neutralité soviéto-japonais de 1941 étant encore en vigueur).
La participants de la conférence du Caire décidèrent que la « la Corée deviendra libre et indépendante le moment venu ».
Malgré ces promesses, dès sa libération, le 15 août 1945 après 35 années d’une occupation féroce, la Corée fut divisée en deux zones pour désarmer les troupes japonaises. Les Etats-Unis, avec l’accord de l’URSS, choisirent le 38e parallèle. Il convient de noter que les troupes américaines ne débarquèrent que le 8 septembre suivant sur la péninsule coréenne, pour instaurer, dans la partie sud, un « gouvernement militaire de l’armée des Etats-Unis en Corée » (USAMGIK).
Dans la partie nord, était établi un Comité populaire provisoire.
Pour tenter d’enrayer un processus de division de la Corée, une conférence des représentants des partis politiques et organisations sociales du Nord et du Sud eut lieu à Pyongyang le 19 avril 1948, à l’invitation de Kim Il-sung, président du Comité populaire provisoire de Corée du Nord. Le président du Gouvernement provisoire de Corée du Sud, Kim Gu, participa à la conférence de Pyongyang. Ancien résistant anti-japonais, Kim Gu était aussi un anti-communiste, mais il mit en avant l’intérêt supérieur de la nation coréenne, selon un principe qui sous-tendra tous les projets à venir en vue d’une réunification de la Corée : une grande union nationale transcendant les différences d’idéologie, d’idéal et de système. En raison de son engagement, Kim Gu sera assassiné le 26 juin 1949 par la police secrète sud-coréenne.
Car, au lendemain de la conférence de Pyongyang, des élections séparées eurent lieu dans la partie sud, le 10 mai 1948, conduisant à la création d’une République de Corée le 15 août suivant, ce qui éloignait encore la perspective d’une réunification.
Le 9 septembre 1948, au nord du 38e parallèle, était proclamée la République populaire démocratique de Corée.
Même si, selon certaines estimations, les affrontements le long de la limite artificielle du 38e parallèle, firent jusqu’à 100 000 morts entre 1945 et 1950, la guerre de Corée (appelée « guerre de libération de la Patrie » en RPDC) éclata officiellement le 25 juin 1950. Outre les millions de morts et les destructions immenses de ce conflit, la menace de l’emploi de l’arme atomique par les Etats-Unis contre le Nord a provoqué un exode massif vers le Sud, les parents choisissant souvent de mettre leurs enfants à l’abri d’éventuelles frappes nucléaires, aggravant encore le drame des familles séparées.
L’armistice signé le du 27 juillet 1953 a mis fin aux combats mais a laissé la péninsule coréenne divisée par une zone démilitarisée (DMZ) infranchissable et toujours, techniquement, en état de guerre.
Le dialogue inter-coréen a véritablement repris le 4 juillet 1972 quand les deux parties ont publié un communiqué conjoint posant trois principes, toujours valables à ce jour, pour une réunification de la Corée : indépendance, paix et grande union nationale transcendant les différences d’idéologie, d’idéal et de système.
D’autres propositions ont ensuite été avancées pour un futur Etat coréen unifié, telles que le projet de fondation d’une République fédérale démocratique du Koryo et le programme en dix points pour une grande union de la nation, présentés par la RPDC, respectivement, en 1980 et en 1993.
Mais la visite à Pyongyang du 13 au 15 juin 2000 du président sud-coréen Kim Dae-jung à l’invitation du dirigeant de la RPDC Kim Jong-il a été un événement historique, marquant une nouvelle étape dans les relations inter-coréennes, d’abord parce que, pour la première fois depuis la partition de leur pays, les plus hauts dirigeants des deux Etats coréens se rencontraient.
La déclaration commune signée le 15 juin 2000 par les deux dirigeants coréens revêt donc une importance particulière. Cette déclaration comporte cinq points :
1.Le Nord et le Sud ont décidé de résoudre en toute indépendance le problème de la réunification du pays grâce à l’union de notre nation qui en est responsable.
2.Ils ont reconnu qu’il y a des points communs entre le projet de fédération dans son étape inférieure présenté par le premier et le projet de commonwealth avancé par le second et décidé d’orienter dans ce sens la réunification.
3.Ils ont décidé, à l’occasion du 15 août [2000], d’échanger des groupes de visite de familles et de proches dispersés et de résoudre au plus tôt le problème des anciens prisonniers de guerre non convertis et d’autres problèmes humanitaires.
4.Ils sont convenus de développer de façon équilibrée l’économie nationale par la coopération économique et de promouvoir la collaboration et les échanges dans différents domaines, notamment social, culturel, sportif, sanitaire et environnemental en vue d’approfondir la confiance mutuelle.
5.Pour appliquer dans les meilleurs délais ces points d’accord, ils ont décidé d’ouvrir au plus tôt un dialogue entre autorités.
Signatures de Kim Jong-il et Kim Dae-jung au bas de la Déclaration commune Nord-Sud du 15 juin 2000
La Déclaration commune Nord-Sud du 15-Juin a été suivie, sept ans plus tard, d’une autre déclaration signée au plus haut niveau, par le dirigeant de la RPDC Kim Jong-il et par le président sud-coréen Roh Moo-hyun, précisant comment développer les rapport Nord-Sud et parvenir à la paix et à la prospérité.
Puis, les conservateurs revenant au pouvoir en Corée du Sud, le dialogue inter-coréen connaîtra une longue phase de stagnation de 2008 à 2017, les acquis de la période précédente étant même simplement annulés, avec la fin des circuits touristiques dans les monts Kumgang et la fermeture de la zone industrielle inter-coréenne de Kaesong. Quant aux réunions de familles séparées, peut-être l’aspect le plus poignant et le plus urgent de la division, elles deviendront plus rares. Les gouvernements conservateurs iront jusqu’à prendre pour prétexte des drames non élucidés, tels le naufrage d’une corvette de la marine sud-coréenne en mars 2010, pour adopter de nouvelles sanctions à l’encontre de la RPDC…
Il faudra attendre 2017 et le retour des démocrates au pouvoir, après la destitution de la présidente conservatrice Park Geun-hye, accusée de corruption, pour que le dialogue inter-coréen soit renoué au plus haut niveau. Les présidents Kim Jong-un et Moon Jae-in se rencontreront ainsi à quatre reprises entre 2018 et 2019, signant deux autres textes fondamentaux pour les relations inter-coréennes et l’apaisement des tensions en Corée les 27 avril 2018 et 19 septembre 2018.
Quels que soient les obstacles sur la voie menant à une réunification de la Corée, indépendante, pacifique et transcendant les différences d’idéologie, d’idéal et de système, la Déclaration commune Nord-Sud du 15-Juin fut un événement historique et a laissé un héritage qu’il convient de faire prospérer. La réunification de la Corée – divisée contre son gré en 1945 -, est l’aspiration légitime du peuple coréen et c’est un enjeu vital pour la paix du monde, car la Corée reste un foyer de tensions où peut toujours éclater un conflit d’ampleur planétaire.
Il est donc du devoir de tous les pays du monde, singulièrement la France, d’appuyer, par tous les moyens à leur disposition, un processus qui pose des bases solides pour établir une paix durable, promouvoir les échanges et favoriser la réunification entre les deux parties de la péninsule coréenne divisée. Pour sa part, l’Association d’amitié franco-coréenne n’aura de cesse de rappeler aux autorités françaises leur responsabilité en la matière.