lundi 17 juillet 2023

 COMMUNIQUE DE PRESSE du PCF sur le sommet de l’OTAN

Incontestablement ce texte est d’une tout autre qualité que celui que Vincent Boulet avait cru bon de publier à la veille du CN. On peut, ce qui est mon cas et je crois de bien des communistes, ne pas se contenter de certains flous sur la défense européenne ou sur l’UE même s’il y a l’affirmation d’une Europe des nations et des peuples dont on se contente de réfuser l’élargissement. Mais l’appel à la paix et à une solution diplomatique, l’absence d’une condamnation unilatérale de la Russie, rendent cette position des communistes beaucoup plus crédible. Les protestations des communistes ont sans doute joué un grand rôle dans cette évolution positive. C’est pourquoi, il faut en tirer la conclusion qui s’impose: le parti a besoin d’un dialogue sans tabou pour agir, il faut que les communistes se battent pour que cette intervention nécessaire ne subisse pas l’habituelle censure qui est un obstacle à une campagne des Européennes derrière le chef de file Léon Deffontaine. Ce qui se joue est une démarche réellement conquérante sur le terrain, et qui entraine l’enthousiasme des militants et sympathisants loin de la cuisine politicienne qui les écoeure. (note de danielle Bleitrach histoireetsociete)
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14 juillet, 22:53  ·:

Sommet de l’OTAN : la France portée disparue (PCF)

Le sommet de l’OTAN réuni à Vilnius les 11 et 12 juillet aura été marqué par le débat sur l’accélération du processus d’adhésion de l’Ukraine à l’Alliance atlantique. Fort heureusement, cette proposition n’est pas retenue dans l’immédiat.

Cette perspective, encouragée par les gouvernements les plus bellicistes, notamment à l’Est de l’Europe, peut conduire à une généralisation du conflit. Telle était d’ailleurs la position de la France au sommet de Bucarest en 2008, et c’est manifestement la raison pour laquelle, à Vilnius, l’administration états-unienne a fait preuve de plus de prudence qu’à l’ordinaire.

Une telle décision impliquerait en effet une entrée en guerre immédiate des pays membres de l’OTAN contre la Russie.

L’Ukraine ne doit pas adhérer à l’OTAN, ni aujourd’hui, ni demain.

Néanmoins, la création d’un Conseil OTAN-Ukraine s’inscrit dans un engrenage nocif. Tout comme les nouvelles annonces de fournitures d’armes lourdes à l’Ukraine qui, loin de lui permettre seulement de se défendre face à l’agression du pouvoir russe, peut très vite conduire à une escalade dangereuse et à une extension de la guerre dont les peuples seront les principales victimes.

C’est le cas de la livraison par les Etats-Unis d’armes à sous munitions, interdites par la convention d’Oslo de 2008, et des dernières annonces faites par Emmanuel Macron.

Les pays membres de l’OTAN nous préparent à une guerre longue, d’usure, qui durerait plusieurs années, avec sa cohorte de drames, de destructions et de morts civils et militaires. Ne nous inscrivons pas dans ce schéma. Au contraire, nous appelons à mettre en débat des propositions visant à ouvrir des négociations et conduisant à un cessez-le-feu le plus rapidement possible.

La sécurité de tous les peuples d’Europe ne passe pas par l’OTAN, mais par l’ouverture d’une perspective de sécurité collective continentale, rompant avec les logiques de force, donc avec l’alignement sur les surenchères dont l’Alliance atlantique est le cadre.

L’urgence n’est pas à ajouter de la guerre à la guerre, mais de trouver le chemin d’une sortie rapide, négociée et diplomatique du conflit.

Ce sommet aura également été marqué par un marchandage ignoble avec le président turc Erdogan concernant l’élargissement de l’Union européenne et l’entrée de la Suède dans l’OTAN. Il est à nouveau question des candidatures de l’Ukraine et de la Turquie.

Nous nous opposerons à tout élargissement de l’Union européenne.

Dans les circonstances actuelles, alors que les règles brutales du néolibéralisme restent le seul projet unifiant les gouvernements européens, une telle perspective n’aboutirait qu’à creuser au sein de l’UE des disparités économiques et sociales qui ont déjà amené un Européen sur cinq sous le seuil de pauvreté.

Plutôt que de poursuivre dans une fuite en avant qui conduit notre continent à un véritable désastre, c’est une nouvelle construction européenne, de peuples et de nations libres, souveraines et associées, qui devrait être mise en chantier. Elle permettrait de réorienter les moyens financiers vers le progrès social et la transformation écologique.

Les élections européennes de juin 2024 seront l’occasion pour le PCF et son chef de file Léon Deffontaines de l’exprimer.

Durant ces deux jours, le silence de la France aura été assourdissant.

Se refusant, dans la foulée du discours de Bratislava en mai dernier, à faire entendre la voix souveraine de la France en faveur de la paix, de la sécurité collective et de la coopération entre les peuples et les nations, Emmanuel Macron aura fait le choix du ralliement piteux à des orientations que notre continent risque de payer cher. Il aurait pu mettre sur la table un plan de paix fondé sur la garantie de l’indépendance et de la sécurité de l’Ukraine, couplé à la mise en œuvre d’un processus négocié de désescalade et de désarmement internationalement contrôlé à l’Est de l’Europe.

Il aura, au contraire, rendu notre pays totalement inaudible sur la scène internationale.

Le Parti communiste français appelle nos concitoyennes et nos concitoyens à ne pas consentir à ce renoncement à faire entendre une position indépendante en faveur d’un autre ordre du monde.

Parti communiste français,Paris, le 12 juillet 2023.

 

Guerre en Ukraine : l’Allemagne veut sa revanche sur 1945

M.K. Bhadrakumar est un ancien diplomate indien qui intervient régulièrement sur la situation mondiale.

Il vient de produire une analyse concernant la stratégie actuelle de l’Allemagne. Qui manifestement d’après lui essaie de prendre sa revanche sur son écrasement par les soviétiques en 1945. La démonstration est convaincante.

Chassez le naturel…



L’hypothèse selon laquelle l’axe anglo-saxon est au cœur de la guerre par procuration menée en Ukraine contre la Russie n’est que partiellement vraie. L’Allemagne est en fait le deuxième fournisseur d’armes de l’Ukraine, après les États-Unis. Lors du sommet de l’OTAN à Vilnius, le chancelier Olaf Scholz a promis un nouveau paquet d’armes d’une valeur de 700 millions d’euros, comprenant des chars supplémentaires, des munitions et des systèmes de défense aérienne Patriot, plaçant Berlin, comme il l’a dit, à l’avant-garde du soutien militaire à l’Ukraine.

Le ministre allemand de la défense, Boris Pistorius, a souligné que “ce faisant, nous contribuons de manière significative au renforcement de la capacité de résistance de l’Ukraine“. Toutefois, la pantomime qui se joue peut avoir des motifs multiples.

Fondamentalement, la motivation de l’Allemagne est liée à la défaite écrasante de l’Armée rouge et n’a pas grand-chose à voir avec l’Ukraine en tant que telle. La crise ukrainienne a fourni le contexte nécessaire à l’accélération de la militarisation de l’Allemagne. Entre-temps, les sentiments revanchards refont surface et il existe un “consensus bipartisan” entre les principaux partis centristes allemands – CDU, SPD et Verts – à cet égard.

Dans une interview donnée ce week-end, Roderich Kiesewetter, expert en affaires étrangères et en défense de la CDU (un ancien colonel qui a dirigé l’Association des réservistes de la Bundeswehr de 2011 à 2016), a suggéré que, si la situation en Ukraine le justifie, l’OTAN devrait envisager de “couper Kaliningrad des lignes de ravitaillement russesNous voyons comment Poutine réagit lorsqu’il est sous pression“. Berlin souffre encore de la capitulation de l’ancienne ville prussienne de Königsberg en avril 1945.

Staline a ordonné à 1,5 million de soldats soviétiques, soutenus par plusieurs milliers de chars et d’avions, d’attaquer les divisions de Panzer nazies profondément retranchées dans Königsberg. La prise de la place forte de Königsberg par l’armée soviétique a été célébrée à Moscou par une salve d’artillerie de 324 canons tirant 24 obus chacun.

De toute évidence, les remarques de Kiesewetter montrent que rien n’est oublié ou pardonné à Berlin, même après huit décennies. L’Allemagne est donc le plus proche allié de l’administration Biden dans la guerre contre la Russie. Le gouvernement allemand a déclaré qu’il comprenait la décision controversée de l’administration Biden de fournir à l’Ukraine des munitions à fragmentation. Le porte-parole du gouvernement a déclaré à Berlin : “Nous sommes certains que nos amis américains n’ont pas pris leur décision à la légère en livrant ce type de munitions“.

Le président Frank-Walter Steinmeier a fait remarquer que “dans la situation actuelle, il ne faut pas faire obstruction aux États-Unis“. En effet, Kiesewetter, figure de proue de la CDU, a suggéré dans une interview accordée au quotidien “taz“, affilié au parti des Verts, que l’Ukraine devrait non seulement recevoir “des garanties, et si nécessaire, même une assistance nucléaire, en tant qu’étape intermédiaire vers l’adhésion à l’OTAN“.

Parallèlement au sommet de l’OTAN à Vilnius (11-12 juillet), Rheinmetal, la grande entreprise allemande de fabrication d’armes vieille de 135 ans, a révélé qu’elle ouvrirait une usine de véhicules blindés dans l’ouest de l’Ukraine, dans un lieu non divulgué, au cours des douze prochaines semaines. Dans un premier temps, des véhicules blindés de transport de troupes allemands Fuchs seront construits et réparés, tandis qu’il est prévu de fabriquer des munitions et peut-être même des systèmes de défense aérienne et des chars.

Le PDG de Rheinmetall a déclaré lundi à CNN qu’à l’instar d’autres usines d’armement ukrainiennes, la nouvelle usine pourrait être protégée contre les attaques aériennes russes. L’Allemagne a plus que doublé l’enveloppe de 2 milliards d’euros allouée en 2022 à la modernisation des forces armées ukrainiennes. Ce montant s’élève désormais à environ 5,4 milliards d’euros et il est prévu de le porter à 10,5 milliards d’euros.

S’agit-il uniquement de la Russie ? L’Allemagne ne peut ignorer que l’Ukraine n’a aucun espoir de vaincre militairement la Russie. L’Allemagne joue sur le long terme. Elle avance ses pions dans l’ouest de l’Ukraine où ce n’est pas la Russie mais la Pologne qui est son concurrent. Depuis l’avancée de l’armée tsariste en Galicie en 1914, la Russie a une histoire difficile avec les nationalistes ukrainiens. Si la guerre actuelle en Ukraine s’étend à l’Ukraine occidentale, ce ne sera pas le choix de la Russie, mais une nécessité qui lui sera imposée.

La victoire soviétique en Ukraine en octobre 1944, l’occupation de l’Europe de l’Est par l’Armée rouge et la diplomatie alliée ont abouti à un redécoupage des frontières occidentales de la Pologne avec l’Allemagne et de l’Ukraine avec la Pologne. En clair, en compensation de territoires allemands à l’ouest, la Pologne a accepté la cession de la Volhynie et de la Galicie à l’ouest de l’Ukraine ; un échange mutuel de populations avait créé, pour la première fois depuis des siècles, une frontière polono-ukrainienne claire, tant sur le plan ethnique que sur le plan politique.

Il est tout à fait concevable que la guerre en cours en Ukraine modifie radicalement les frontières territoriales de l’Ukraine à l’est et au sud. Il est possible qu’elle rouvre également le règlement de l’après-guerre en ce qui concerne l’Ukraine occidentale. La Russie a averti à plusieurs reprises que la Pologne avait l’intention de revenir sur la cession de la Volhynie et de la Galicie dans l’ouest de l’Ukraine. Une telle tournure des événements mettra très certainement en avant la question des territoires allemands qui font aujourd’hui partie de la Pologne.

C’est peut-être en prévision des turbulences à venir qu’en octobre dernier, huit mois après le début de l’intervention russe en février, Varsovie a exigé de Berlin des réparations pour la Seconde Guerre mondiale pour un montant de 1300 milliards d’euros, un sujet qui, selon l’Allemagne, a déjà été réglée en 1990.

En vertu de la conférence de Potsdam (1945), les “anciens territoires orientaux de l’Allemagne“, qui représentaient près d’un quart (23,8 %) de la République de Weimar, ont été majoritairement cédés à la Pologne. Le reste, composé du nord de la Prusse orientale et de la ville allemande de Königsberg (rebaptisée Kaliningrad), a été attribué à l’Union soviétique.

Il ne faut pas se méprendre sur l’importance de la frontière orientale pour la culture et la politique allemandes. En effet, il y a toujours quelque chose d’instable chez une grande puissance “handicapée” lorsqu’une toute nouvelle donne apparaît dans les circonstances politiques, économiques et historiques, ce qui incite les détenteurs du pouvoir à transformer les idées en réalité, et que les discours revanchards et impérialistes qui affleuraient discrètement mais régulièrement sous la surface des efforts diplomatiques soigneusement étudiés commencent à sonder l’expansion pan-nationaliste.

Rétrospectivement, il ne faut pas oublier le rôle diabolique de l’Allemagne – en particulier du ministre des affaires étrangères de l’époque et actuel président Steinmeier – qui a aligné l’Allemagne sur les éléments néonazis lors du changement de régime à Kiev en 2014 et la perfidie allemande ultérieure dans la mise en œuvre de l’accord de Minsk (“formule Steinmeier”), comme l’a admis récemment, en février, l’ancienne chancelière Angela Merkel.

Il est évident que même si la Russie est en train de gagner la guerre en Ukraine, la préoccupation des responsables de politique étrangère allemande est une fois de plus la nécessité de redéfinir ce qui était allemand. Ainsi, la guerre en Ukraine n’est que le moyen de parvenir à cette fin. Des rapports récents suggèrent que Berlin pourrait enfin répondre à la demande ukrainienne de missiles de croisière Taurus d’une portée supérieure à 500 km et d’un “missile à effets multiples” unique qui pourrait changer la dynamique du combat sur le champ de bataille et créer les conditions préalables à la victoire.

De même, les soldats allemands représentent déjà près de la moitié du groupement tactique de l’OTAN présent en Lituanie. Le ministre de la défense, Boris Pistorius, a déclaré il y a deux semaines, lors d’une visite à Vilnius, que l’Allemagne préparait l’infrastructure nécessaire pour baser en permanence 4 000 soldats (“une brigade robuste“) en Lituanie, afin d’avoir la capacité de maintenir une flexibilité militaire sur le flanc oriental. Cette décision est soutenue à la fois par la coalition gouvernementale allemande et par sa principale opposition.

Kiesewetter, un expert en politique étrangère de la CDU et membre du Bundestag, a qualifié l’idée d’établir une base allemande dans les pays baltes de “décision raisonnable et fiable“. En effet, il y a eu par le passé des tentatives, d’un point de vue historique, de créer une autorité allemande dans les pays baltes, basées sur des revendications révisionnistes à l’égard des nouveaux États d’Estonie, de Lettonie et de Lituanie, où des colons allemands s’étaient installés dès les 12e et 13e siècles.

M.K. Bhadrakumar