Il a manqué deux voix aux opposants pour enclencher le processus. Ce qui évite une fracture totale au Parti socialiste.
La scène est grotesque. Il est 16 h 33 ce mercredi à l’Assemblée 
nationale. Le député PS d’Indre-et-Loire Laurent Baumel déboule, blême. 
L’élu, opposé au projet de loi réformant le code du travail, traverse la
 salle des Quatre-Colonnes et celle, attenante, des Pas-perdus, suivi 
par une nuée de micros et de caméras. Une fois. Deux fois. «C’est bien ce que tu fais, Laurent !» se
 moque gentiment le député de Saône-et-Loire Thomas Thévenoud. Au même 
moment, une collaboratrice parlementaire dépose une liste de 56 noms au 
service de la séance. Elle attend désespérément qu’on lui annonce deux 
signatures de plus : à 58, la motion de censure«des gauches et de l’écologie» contre le gouvernement de Manuel Valls est jugée recevable. 16 h 34… 16 h 35. Terminé. Elle reprend sa liste.
«Bluff».Ce jeudi, seuls les 
députés Les Républicains défendront donc une motion de censure contre 
Manuel Valls. Lequel a engagé, mardi, la responsabilité de son 
gouvernement sur le projet de loi travail en utilisant l’article 49.3 de
 la Constitution. Les socialistes frondeurs n’iront pas jusqu’à voter 
avec la droite. Les communistes oui. La motion sera donc rejetée et le 
projet de loi travail considéré comme adopté par l’Assemblée.
«Ils ont monté leur liste à coup de bluff, parie un haut responsable socialiste. Je
 suis sûr qu’ils ont eu les signatures en leur disant : « Ne t’inquiète 
pas, on ne sera pas 58 et on ne les rendra pas publiques. »» Et de 
fait, les frondeurs PS ont tardé à publier les noms : outre 
13 communistes et ultramarins du groupe Front de gauche, on trouve 
10 écologistes proches de l’ex-ministre Cécile Duflot, 28 députés 
membres du groupe socialiste – dont les deux anciens ministres Benoît 
Hamon et Aurélie Filippetti -, un radical de gauche et quatre 
non-inscrits (parmi lesquels, en plus de deux ex-PS, l’ex-Modem Jean 
Lassalle ou Thévenoud).
«Dérive».«C’est un coup de semonce !» s’emballe le patron des députés Front de gauche, André Chassaigne, ravi de regrouper rouges, roses et verts pour s’«opposer à la dérive libérale du gouvernement». En revanche, les proches de Martine Aubry ont refusé de participer à l’opération. «Nous ne sommes pas dans une logique de scission mais dans la reconstruction de la gauche et du Parti socialiste», justifie le député de l’Essonne François Lamy, qui retient surtout «qu’il n’y a pas de majorité au sein du groupe pour des textes régressifs». Pour lui, «c’est un échec de la stratégie du Premier ministre».
Au sein de la majorité, on explique que leurs camarades de l’aile 
gauche n’ont jamais vraiment eu l’intention de faire tomber le 
gouvernement. D’autant plus qu’en coulisses se négocient les 
investitures aux législatives ou aux sénatoriales. De toute façon, la 
droite aurait refusé de voter une motion de censure de gauche. «On ne peut pas mélanger des choux et des carottes, explique le député LR Philippe Gosselin. On renverse Valls ? Pour mettre qui ? Pour faire quoi ?»
Dans ce jeu de postures, les lignards du groupe PS réclament des sanctions. «La messe est dite ! s’agace leur porte-parole, Hugues Fourage. Il faut en tirer les leçons.» «Je suis atterré, ajoute l’ex-ministre Guillaume Garot. Ils ajoutent à la confusion. Qui cela renforce ? La gauche ? Non. La droite et l’extrême droite.» Ces frondeurs peuvent-ils être exclus ? «On n’est pas là-dedans pour le moment», tempère-t-on à Solférino. Certes : il est toujours plus simple d’avoir une aile gauche à l’intérieur plutôt qu’à l’extérieur.
Danielle Bleitrach 
Blog histoireetsociété