On a peine à l’imaginer. Ils sont pourtant des millions. Un peu
plus de sept selon les dernières statistiques. Sept millions de corps
qui se plient, de mains qui s’activent, de sueur, de cambouis, de gestes
chaque jour mille et mille fois répétés. Les ouvriers représentent
encore aujourd’hui un quart de la population active française. La
France en bleu de chauffe et chaussures de sécurité travaille
toujours. Quand les ouvriers du textile ou de la sidérurgie diminuent,
ceux du tri, de l’emballage, de l’expédition ou les conducteurs-
livreurs, eux, progressent.
Ils sont là et pourtant invisibles. Car ces hommes et ces femmes ont
disparu de notre champ visuel. Il faut des fermetures d’usines et des
vies qui s’écroulent pour que l’on redécouvre, étonnés, leur
existence.
Au sortir de la Seconde guerre mondiale, ces travailleurs étaient pourtant acclamés comme des héros.
« Gueules noires » et métallos étaient alors les figures
incontournables de la reconstruction et les fers de lance des plus
grandes avancées sociales.
Comment une telle mutation a t-elle pu avoir lieu ?
Cette fresque historique en 3 volets revient sur les révolutions, les
frustrations, les victoires et les échecs qui ont changé radicalement
le visage du travailleur français.
Pour cela, il faut partir ausculter les mémoires. Avec près d’une
cinquantaine de familles, du Nord au Sud de la France, d’Est en Ouest,
ce film dresse le portrait de cette France ouvrière par ceux qui l’ont
faite et continuent de la faire. Une plongée dans les souvenirs
entremêlés afin que se redessine la réalité de la vie ouvrière.
Celle du fond de la mine, celle de la chaîne, de la «ligne » comme l’on
dit poliment aujourd’hui. Mais aussi le quotidien des courées, les
jardins bêchés les dimanches, les bistrots, les bals et les réunions
syndicales.
En suivant le fil de ces mémoires entrelacées, aidé par un comité
éditorial d’historiens et de sociologues, ce film pose aussi la
question de la désindustrialisation de la France voulue par les
gouvernements successifs dès les années soixante.
Pour la première fois, cette trilogie propose un portrait d’ensemble
de ces hommes et femmes qui ont reconstruit la France avant que cette
dernière ne
les sacrifie sur l’autel de la «nécessaire» rentabilité.
Episode 1 : « ... nos mains ont reconstruit la France » 1945-1963 - Durée 52 ‘14’’
Dans sa première partie, le film décrit les années d’après-guerre.
Les ouvriers sortent auréolés de leur engagement massif dans la
Résistance, et la fierté d’appartenir à ce monde est grande.
Dans l’inconscient collectif, l’ouvrier a le visage et la gouaille de
Jean Gabin. Le travail en usine ou à la mine reste une réelle
épreuve, mais les acquis du Front populaire et les réformes sociales
de 1945 laissent espérer aux ouvriers une amélioration de leurs
conditions de vie.
Episode 2 : « ... nos rêves ont façonné la société » 1963 – 1983 -Durée 52’14’’
Au beau milieu des Trente Glorieuses, la France construit l’Europe en
réformant son industrie. Les puits de mines sont progressivement
abandonnés. La décentralisation industrielle, lancée dans les années
soixante, est une aubaine pour certaines régions de l’Ouest et du Sud
de l’hexagone, mais marque le début du déclin des bassins industriels
traditionnels.
Au cœur de la Vème République gaulliste, les ouvriers doivent faire
face à une nouvelle révolution industrielle. L’automatisation
redessine sa place. Ces années-là parlent de progrès, de confort et
de plein emploi. Mais les ouvriers de cette génération s’interrogent :
ne sont-ils que des machines à produire ?
Episode 3 : « ... nos cœurs battent encore 1983 à nos jours - Durée 52’14’’
Ils y ont crû : un président de gauche devait forcément les
protéger. La désillusion est terrible. Dès 1983, la fermeture des
Hauts-Fourneaux, les restructurations dans l’automobile, les
délocalisations, l’intérim, le chômage, la précarisation de la vie
assomment les ouvriers.
Celui qui a un emploi est un chanceux. Pour le conserver, il faut faire
profil bas et endurer un rythme toujours plus soutenu. Les ouvriers
qui, un temps, avaient espéré accéder aux classes moyennes, se
retrouvent une nouvelle fois relégués en bas de l’échelle. La fierté
d’appartenance à une classe laborieuse a disparu avec cet espoir
déçu. Désormais, on ne se dit plus « ouvrier ». On préfère le nom
d’ « opérateur » ou de « technicien ». Sept millions de travailleurs
sont ainsi « ouvriers » sans vraiment le savoir eux-mêmes.