Le retour du modèle socialiste
7 Août 2023
,
Rédigé par Réveil Communiste
Publié dans
#GQ,
#Economie,
#Qu'est-ce que la "gauche",
#Positions,
#Chine,
#classe ouvrière,
#Impérialisme,
#lutte contre l'impérialisme
Le socialisme revient à la mode aux États-Unis depuis la crise des
subprime (2008), comme remède proposé aux abus de plus en plus délirants
du capitalisme dans sa principale métropole, et il y a gros à parier
qu'il en sera de même chez nous. Et ce n'est pas simplement en tant
qu'utopie, mais aussi à nouveau en tant que modèle économique et social
bien concret.
Voilà
qui tombe bien, car l'objectif spécifique des communistes est le
socialisme, et non l’émancipation de l’individu, tâche historique du
capitalisme qui l’a déjà conduite au-delà de son terme et qui
aujourd’hui la pousse jusqu’à l’absurde. Cette orientation fondamentale
ne plaît pas du tout à la gauche et à l’extrême-gauche bourgeoises qui
continuent à enfoncer le portail grand ouvert au nouvel âge du
capitalisme de la liberté sans freins et sans règles (qui dans la
pratique réelle est celle des riches).
Ce
système déplaira aussi aux puristes qui restent bien au chaud dans la
théorie parce qu’il comportera des survivances de longue durée du
capitalisme : la monnaie, le salariat, la bourse, et même les riches, ce
ne sont pas des réalités que l’on peut abolir d’un trait de plume (en
tout cas, c’est ce que l'expérience du socialisme du XXème siècle a
montré).
Remplacer
le capitalisme signifie donc, non pas le détruire du jour au lendemain,
mais commencer par le remettre sous le contrôle de la société, en lui
ôtant son influence politique, en interdisant aux capitalistes de
contrôler des forces politiques, et des médias. Ce qui signifie
fragiliser progressivement la propriété privée des moyens de production
sans la prohiber d'un seul coup. Comme on fait en Chine, l’enfermer dans
une cage, et lui interdire absolument, par le jeu des élections et la
manipulation de l’opinion, son retour au pouvoir.
Le
socialisme est donc un système politique de parti hégémonique qui
n’admet pas d’alternance sur les principes de base de son organisation
économique et sociale.
La
victoire de ce système est certaine parce que tôt ou tard, et plutôt tôt
que tard, les masses prendront conscience, au niveau mondial, de
l’intérêt et de la nécessité de ce nouveau système économique où la
production et la distribution des biens nécessaires sera confiée à la
collectivité et à l’État qui la représente. Mais cette victoire ne
surviendra pas sans engagement actif d’une grande partie de ces masses.
Il va falloir encore une âpre lutte et un engagement intégral de
millions de héros ordinaires pour y arriver.
Ce
qui est clair c’est qu’il n’y a pas d’alternative capitaliste au
capitalisme : pas question pour le capital financier dégénéré de revenir
au Welfare State des années 1945-1980, ni de laisser un capitalisme
autochtone non occidental se développer, ni qu’il parvienne à
s’autoréguler pour devenir « vert », ou « éthique », ne serait ce que
parce qu’il soumet la science et la culture à des intérêts sordides et
court-termistes, et n’a donc aucun moyen objectif de déterminer ce qui
est réellement bon pour l’environnement, ou pour l’être humain.
Ces
utopies sont destinées à le rester, parce que le capitalisme n’est pas
une abstraction, il est fait de chair et de sang, et à ce titre il est
indissociable de l’empire d’un Occident en voie d’intégration politique
(malgré quelques péripéties, comme par exemple la présidence Trump). Cet
empire se développe sous le règne d’une nouvelle oligarchie à
l’idéologie mondialiste portée par une classe dirigeante anglophone
internationale qui a fait son temps mais qui ne veut pas lâcher le
pouvoir planétaire. A part sur l’idéologie, sa puissance résiduelle est
fondée exclusivement sur la force militaire considérable qu’il conserve
encore pour quelques temps.
Une
opposition au capitalisme apparaît objectivement dans les forces qui
luttent contre l’hégémonie occidentale, d'abord dans les appareils
d’État dits « émergents » et notamment en Chine.
Dans
les métropoles, c’est dans la classe ouvrière nombreuse et multiforme
des économies de service qu’apparaîtra la force politique qui mettra le
capitalisme en cage. Prolétaires de services, dont l'importance
essentielle à été révélée aux plus indifférents en 202 et 2021 par les
confinements, indispensables et incontournables pour le fonctionnement
matériel de la société. Quoiqu’il en soit de la forme précise qu’elle
prendra, cette force périphérique « encerclera les villes par les
campagnes », comme le préconisait Mao, et elle surgira par surprise en
contournant les lignes de défenses et les digues idéologiques qui nous
bloquent depuis deux générations.
En ce
sens des mouvements comme le M5S en Italie ou les Gilets Jaunes en
France préfigurent cette surprise stratégique et cette reconfiguration
politique radicale. Il faut aussi constater que l’expérience de leur
déclin accéléré montre que ces formations sont vouées à jouer un rôle de
catalyseur éphémère et à disparaître très vite avec le renouvellement
de conditions politiques, avec le retour de la guerre de mouvement entre
le capital et le travail.
Un
danger existentiel croissant, perçu comme provenant exclusivement de
l’extérieur, explique le tournant autoritaire et répressif de
l’Occident. La montée de la puissance chinoise annonçant la fin de la
division post-colombienne du monde, cinq fois séculaire, entre un
Occident dominateur, et tous les autres, est ressentie comme une
agression barbare par la classe dirigeante de notre ordre finissant.
L’intérêt
de la classe ouvrière métropolitaine occidentale coïncide avec
l’intérêt national chinois. La promotion de la Chine au titre de
puissance dominante en termes économiques signifie d’abord la fin de son
rôle de pays atelier, concurrençant l’emploi ouvrier chez nous. Elle
signifie la mise en pratique d’un nouveau modèle de développement où les
besoins réels sont davantage pris en compte que par le spectacle
marchand produit dans les métropoles du premier monde, San Francisco,
Los Angeles, New York, Londres et Paris. Elle signifie enfin la ruine
des projets bellicistes de domination mondiale sous prétexte de
civilisation et du colonialisme vendu sous la marque des droits de
l’homme.
L’intérêt
de la classe ouvrière coïncide également avec la préservation du milieu
favorable à la survie de l’humanité à long terme, en relocalisant la
production industrielle, en l’orientant vers la satisfactions des
besoins réels rationnellement calculés du plus grand nombre, et en
réorientant la recherche et le progrès technique sous le contrôle d’un
État dirigé par le parti qui représente les classes du travail, et non
de monopoles capitalistes prédateurs de dimension mondiale.
La
classe ouvrière veut des emplois solides, bien rémunérés, valorisants,
situés près de chez elle et la sécurité sociale au sens large (logement,
alimentation compris) et non la précarité, le nomadisme, la guerre et
la dévastation de la planète que lui propose le capital ! Elle veut le
développement, la paix et la prospérité pour une longue durée, et cette
aspiration coïncide avec les objectifs économiques et géopolitiques de
la Chine.
Mais
la Chine n’entretient pas de relations privilégiées avec une nouvelle
Internationale ouvrière ou avec des partis étrangers qui lui seraient a
priori favorable. Soutenir la Chine sur le plan international ne
signifie pas en espérer une aide politique, mais lutter concrètement
contre les tendances à la guerre contre ce pays - et contre ses alliés
russe et iranien - qui se développent chez nous. La diabolisation de
l’image du grand pays d’Asie, et de son allié russe ne sont en effet
rien autre chose qu’une préparation psychologique de masse à un conflit
majeur avec eux.
La
grande cause des forces populaires des métropoles est de rendre
impossible cette guerre de reconquête du monde par l’Occident
impérialiste, sous quelque forme nouvelle qu’elle prenne - et de
s'opposer à la poursuite de la boucherie perpétrée par l'OTAN dans sa
guerre par procuration contre la Russie, en Ukraine.
La
Chine pratique le multilatéralisme, et ne cherche pas à imposer chez ses
partenaires internationaux un système économique ou social décalqué sur
le sien. Mais du simple fait qu’elle tienne tête aux partisans du
millénaire occidental, et qu’elle fasse mieux qu’eux au niveau
économique, la rend déterminante de l’alternative politique concrète de
l’heure. Son accession au rang de première puissance mondiale libère le
monde de l’emprise occidentale-américaine, et rend possible la
proposition aux masses en France, et dans le monde, d’une véritable
alternative politique : le socialisme.
La
Chine se présente au monde comme un État socialiste et il faut prendre
cette revendication au sérieux. Le socialisme de marché n’est pas un
oxymore économique, il signifie l’articulation de ces deux modes de
production historiques qui se chevauchent dans le temps, ce qui est
conforme à l’expérience concrète de toutes les transitions historiques
entre modes de production. Pendant cette période de chevauchement dont
on ne peut pas facilement prévoir la durée, une lutte de ligne
permanente y opposera les tenants du socialisme à ceux du retour en
arrière.
Le
socialisme renaît en Chine non par une volonté idéologique mais par la
force des choses, comme le prévoyait Marx, par la dialectique des forces
productives et des rapports de production, et dans cette conjoncture
historique précise, par une conséquence nécessaire et inévitable de
l’agressivité d’un capitalisme mondialisé qui reste imbriqué avec les
intérêts nationaux des impérialistes (États-Unis, Royaume-Uni, France,
UE sous domination allemande). L’hégémonie ne se partage pas.
Le
socialisme redevient ainsi par une formidable ruse dialectique un modèle
concret, ce qui ne s’était pas vu depuis que l’expérience soviétique a
été enrayée par les effets conjugués de la guerre hitlérienne et de la
Guerre froide américaine.
Ce
modèle a montré sa puissance et son bien-fondé dans la lutte contre la
pandémie, en Chine, au Viet Nam, et à Cuba. A nous de le revendiquer
résolument, en l'adaptant aux réalités nationales, et de le proposer à
tous.
GQ, 27 octobre 2020, relu le 7 août 2023