Israël et la lutte des classes (conclusion)
L'article complet est ici, L'histoire contemporaine des juifs, l'antisémitisme, Israël et la lutte des classes
Le titre a été modifié.
Comme il est long, je donne à lire ici sa conclusion (ndgq, 6 juin 2021)
... Israël, l’État juif fondé par le mouvement sioniste pour protéger les juifs, est devenu non pas leur refuge sûr pour y vivre en paix, mais un piège historique qui peut leur devenir fatal, car c’est une casemate avancée de la ligne de front de l’impérialisme.
Le peuple juif s’est en grande majorité aligné sur l’État israélien et a aliéné sa perpétuation dans la longue histoire aux aléas de la domination occidentale sur le monde. Cet État est une sorte de village cosaque, une colonie militaire de l’Occident au cœur d’un espace géographique qu’on cherche à contrôler pour des raisons rationnelles dans un projet de prolongation d'une suprématie occidentale sur le monde qui remonte à l’époque de Christophe Colomb, et pour des raisons irrationnelles aussi, voire carrément stupides, qui sont liées à l’importance symbolique de la Palestine pour les religions monothéistes.
Lorsque ce bastion colonial avancé réprime et massacre les autochtones Palestiniens, on constate, d’une part, une réconfortante unanimité mondiale dans des manifestations de solidarité de la gauche dont le plus obscur groupuscule sortira de son sommeil pour l’occasion, mais des manifestations remarquables aussi par leur inefficacité stratégique.
En effet, pour les juifs d’Israël ou de la diaspora, les menaces qui pèsent inévitablement sur la survie à long terme de l’État fondé par les sionistes en un lieu si périlleux sont ressenties comme radicales et existentielles et justifient tous les sacrifices, elles sont ressenties comme préfigurant le retour au temps de persécutions, qui ont affecté périodiquement les juifs de siècle en siècle (peu importe dans ce cas que la filiation entre les juifs actuels et ceux de l’Antiquité soit biologique, ce qui est fort peu probable, ou seulement culturelle).
Donc Israël sera un État bourgeois du XXIème siècle bien particulier, qui contrairement à tous les autres États bourgeois peuplés de consommateurs passifs et manipulés sera défendu bec et ongle par toute sa population, et par les réseaux d'influence développés par la Diaspora en Amérique du Nord et en Europe, avec une énergie et un patriotisme dont sont loin de faire preuve les autres Occidentaux, en ce qui concerne leurs propres patries, qui sont en voie de dissolution dans le magma informe de la culture globale de la marchandise.
Mais Israël malgré sa capacité de mobilisation et sa détermination à faire la guerre perpétuelle est une formation sociale instable qui a fort peu de chance de durer à long terme dans un Moyen Orient hostile, malgré tous les ravages qu’il y procure. Il bénéficie du soutien de l'impérialisme parce que sa longue usure garantira un sursis aux classes dirigeantes de l’Occident, de toute origine et de toute religion, par l’existence durable d’un abcès de fixation efficace pour leurrer les forces qui veulent en terminer avec leur hégémonie.
La guerre en Palestine est une vraie guerre avec des vrais morts, qui est utilisée comme un spectacle, un spectacle qui se substitue à l’information sur la lutte des classes et des nations opprimées dans le monde entier.
Pour le moment, l'image qui prévaut est que le prolétariat mondial est prêt à se battre par procuration jusqu’à la dernière goutte de sang palestinien, et la bourgeoisie occidentale, à aligner face à lui sur le champ de bataille jusqu’au dernier juif.
Ceux qui s’intéressent vraiment au sort des Palestiniens doivent lutter pour la chute de l’ordre impérialiste occidental dans son ensemble, pour laisser émerger un véritable monde multilatéral qui aura la possibilité d'exercer une pression réaliste et efficace sur Israël. (...)
GQ, 6 juin 2021
PS Après onze jours de bombardements et des centaines de morts, on entend dire un peu partout qu’Israël aurait subi un échec, et que le Hamas, qui gère la bande de Gaza aurait remporté une victoire morale, sur le terrain de l'opinion publique internationale. Incontestablement, ces bombardement ont dégradé l'image de l'État israélien, mais malheureusement, les oppresseurs en règle générale n'ont pas une bonne image, et cela ne les empêche pas de continuer l'oppression.
Ainsi le massacre de sang froid de plus de 200 manifestants désarmés à la frontière, en 2018 avait-il fortement dégradé l'image d’Israël. Comme à chaque fois d'importants moyens en communication, marketing, relations publiques, agents d'influence, et propagande ont été mobilisés pour reconstituer dans la mémoire de poisson rouge de l'opinion occidentale l'image d'un État israélien démocratique et tolérant confronté au terrorisme.
Israël, qu'il jouisse d'une bonne image ou non, n'est pas un point faible de la ligne de front contre l’impérialisme, c'est sans doute au contraire le point le mieux défendu et le plus solidement fortifié.