C'est la grande surprise du mercato médiatique de cette rentrée. 
Frédéric Taddeï, à la suite d'un départ forcé et après plus de dix ans chez 
France Télévisions (
Ce soir ou jamais et 
Hier, aujourd'hui, demain),
 rejoint RT France en cette rentrée.
 Lancée en décembre 2017, la chaîne est une version française de la 
télévision publique russe RT. Ses détracteurs la considèrent comme 
« propagandiste ». En juin, 
elle a été mise en demeure par le CSA en
 raison de « manquements à l'honnêteté, à la rigueur de l'information et
 à la diversité des points de vue » pour un sujet sur la 
Syrie
 et elle s'était défendue d'une « erreur technique » en raison d'une 
erreur de traduction. Frédéric Taddeï va présenter une émission 
intitulée 
Interdit d'interdire. Elle sera inspirée de ce qu'il a déjà fait sur 
France Télévisions et 
Europe 1.
 Débats, émissions culturelles, l'animateur tient à faire ce qui lui 
plaît. Et assure que travailler chez RT France ne le privera pas de 
liberté.
 
Le Point :
 Pourquoi rejoindre RT France après votre départ forcé de France
 Télévisions ? Avez-vous eu d'autres propositions de la part d'autres 
chaînes ? 
Frédéric Taddeï : Parce que RT France m'a donné carte 
blanche pour faire le genre d'émission que j'aime animer à la 
télévision : un talk-show quotidien d'une heure avec des intellectuels, 
des artistes, et de vrais débats, entre des gens intelligents, qui 
savent de quoi ils parlent, qu'on ne voit pas ailleurs et qui ne sont 
pas d'accord entre eux. Tout ce que l'on a de plus en plus de mal à 
faire à la télé aujourd'hui. Bien sûr, j'ai reçu d'autres propositions, 
certaines très intéressantes, mais c'était celle-ci qui me tentait le 
plus. Je suis un peu transgressif, vous savez, alors, forcément, aller 
faire une émission sur RT, je sais que ça va en énerver quelques-uns, 
c'est excitant.
Durant vos dix ans à Ce soir ou jamais, sur 
France 3 puis sur France 2, avez-vous connu des pressions concernant les
 thèmes abordés ou les propos tenus sur le plateau ? 
Non, aucune. Pourquoi en aurais-je eu ? France Télévisions savait 
très bien qui j'invitais et pour parler de quoi. On me faisait 
confiance. D'ailleurs, il n'y a jamais eu de problème, aucun procès, 
personne n'a jamais dit quoi que ce soit de répréhensible, aucun invité 
n'a quitté le plateau. Sauf Guy Bedos, mais c'était parce que je l'avais
 invité avec d'autres humoristes et, comme il l'a dit en partant, ce 
n'est pas pour rien qu'il fait du one-man-show !
Comment analyseriez-vous qu'en 2018 vous ayez besoin d'aller sur
 RT France pour faire à peu près la même émission qu'il y a deux ans sur
 France Télévisions ? 
Parce que, entre-temps, la direction de France Télévisions a changé. 
Ce qui était encouragé hier ne l'est plus aujourd'hui. La télévision 
pratique désormais le nivellement par le bas. On préfère ce qui est 
moyen, pas trop nul quand même, mais pas trop bien non plus. La télé est
 devenue une médiocratie. Alain Deneault a écrit un excellent livre sur 
ce sujet : comment un système se met à promouvoir ce qui n'est ni bon ni
 mauvais, ce qui est médiocre, c'est-à-dire moyen. C'est le règne du 
conformisme. Surtout, ne pas sortir du rang. Mais moi, c'est en sortant 
du rang que j'ai fait Paris dernière, D'art d'art, Ce soir ou jamais ou les émissions que j'anime sur Europe 1. Et je continue en allant sur RT.
Vous avez dit, dans une 
interview
 que votre émission Hier, aujourd'hui, demain, que vous avez animée durant la saison 2016-2017, dérangeait France Télévisions. Pourquoi, selon vous ? 
 
Parce qu'elle sortait du rang, elle aussi. « Trop intelligente, 
m'a-t-on dit, ça risque de faire fuir le téléspectateur. » Résultat, 
alors qu'elle était prévue pour passer vers 22 h 30 et bien qu'elle 
coûtait très cher, elle n'a jamais été diffusée avant minuit, de peur 
que, en la voyant, les téléspectateurs ne se sauvent sur M6 ou TF1 ! 
J'ai préféré tirer ma révérence. J'ai dit dans Le Monde que 
France Télévisions était devenue un gâchis. Emmanuel Macron a été plus 
dur que moi : il a carrément dit que c'était « une honte ». Et quelques 
mois plus tard, on m'a retiré D'art d'art que j'animais depuis seize ans.
Selon vous, quelle est la place du débat et de la culture dans les programmes aujourd'hui ?
Il y a toutes sortes de façons de faire des débats et de la culture à
 la télévision. On peut être plus ou moins long, ambitieux, original, 
pointu, divertissant, haut de gamme, sérieux ou drôle. Ce qui est 
important, c'est de ne pas prendre les téléspectateurs pour des 
imbéciles, de ne pas essayer de leur faire prendre des vessies pour des 
lanternes. Parce qu'ils s'en rendent compte, les téléspectateurs, et 
qu'ils se vengent. Voilà, vous avez ma réponse.
Concernant le genre d'émission que vous allez mener sur RT France, s'agira-t-il du même genre d'émission que Ce soir ou jamais ? Le titre, Interdit d'interdire, référence à Mai 68, est assez culotté. Un message à faire passer ? 
Interdit d'interdire, c'est un beau titre, non ? Jubilatoire, 
poétique et libertaire. Bien sûr que c'est un pied de nez. Il rappelle 
un temps où l'on n'avait pas peur de tout, où l'on pouvait discuter, 
contester, se disputer, refaire le monde... L'émission traitera en 
alternance de l'actualité politique et de l'actualité culturelle. J'y 
pense comme à un mélange de Ce soir ou jamais, d'Hier, aujourd'hui, demain, et d'Europe 1 Social Club,
 mais je sais que ce sera encore autre chose. RT a beaucoup moins 
d'argent que France Télévisions. Et une quotidienne, ça s'invente au 
jour le jour.
Pensez-vous pouvoir inviter des gens ouvertement opposés au 
Kremlin, comme les Pussy Riot, ou même Inna Shevchenko [à la tête des 
Femen en France, NDLR] ? Pensez-vous qu'une partie de vos invités 
pourrait être refroidie par votre arrivée sur RT France, chaîne très 
critiquée ? 
La direction de RT France me laisse libre d'inviter qui je veux et de
 traiter les sujets que je veux. Il n'y a pas de liste noire. Quand je 
ferai un débat sur la Russie, j'inviterai des pro-Poutine, ce que je 
faisais déjà dans Ce soir ou jamais et sur Europe 1, chose que 
la plupart de mes collègues ne font pas, et des anti-Poutine aussi, bien
 entendu. Maintenant, s'il y en a qui refusent de venir sous prétexte 
que l'émission est diffusée sur RT, on n'ira pas les chercher chez eux 
avec des kalachnikovs, on espère seulement qu'ils regarderont l'émission
 et qu'ils changeront d'avis.
N'êtes-vous pas inquiet d'être catégorisé maintenant que vous êtes sur RT France ? 
De toute façon, il y aura toujours des gens pour vous catégoriser. 
Avec moi, c'est un peu plus difficile parce que j'invite tous les bords,
 je laisse mes invités finir leurs phrases et je reste neutre, je ne 
suis le procureur ni l'avocat de personne. Mais ça n'empêche, il y en a 
qui m'ont traité d'allié objectif des djihadistes, de valet d'Israël, 
d'ultralibéral ayant juré la mort de la démocratie, de gauchiste 
invétéré, etc. C'est le problème de nos jours, les fanatiques ont 
tendance à assimiler un journaliste à tous ceux auxquels il tend un 
micro. Si j'invite untel et que je le laisse expliquer son point de vue 
sans l'interrompre, c'est forcément que je pense comme lui. Le fait 
qu'il y ait des contradicteurs en face n'est pas considéré comme une 
excuse. Il ne fallait pas l'inviter, c'est tout ! Étonnez-vous après ça 
qu'il n'y ait plus de vrais débats à la télé. On préfère mettre des 
chroniqueurs autour d'une table, c'est moins risqué. Mais je m'en fiche.
 Les Français veulent de vrais débats. C'est ce que je fais, sur RT 
comme ailleurs.
Dans 
l'article
 qui présentait votre émission sur le site de RT France, vous 
avez dit qu'un bon journaliste « c'est quelqu'un qui est capable de 
penser contre les autres et contre lui-même ». Est-ce que pour vous, 
c'est aussi quelqu'un qui va contre sa direction ? 
 
Oui, tout à fait. Un bon journaliste, à mes yeux, c'est quelqu'un qui
 est capable de penser contre ses employeurs, contre ses collègues, 
contre son milieu, contre ses amis, contre sa famille, et aussi, j'y 
tiens, contre lui-même. Il y a des gens dont les positions me déplaisent
 fortement que j'invite tout de même à débattre dans mes émissions. 
C'est ça, la démocratie. Et je me fais un point d'honneur de ne pas le 
montrer, de les traiter de la même manière que les autres. C'est pour 
cela que les téléspectateurs me respectent, je pense. Et c'est aussi 
pour cela que certains me détestent. Mais tant pis. Si c'est le prix à 
payer pour faire honnêtement mon travail, je suis prêt à le payer.
Note de P. J'espère, je souhaite ardemment, que débats il y aura, que cette émission va nous changer des bavardages soporifiques quotidiens des "entre-soi", ces désignés ou auto-proclamés  "spécialistes"  TOUS LES JOURS  invités sur les chaines du Service Public, la 2, la 3, la 5, Arte, - ne parlons pas de la 1 et la 6, totalement inféodées au privé -  qui prêchent la bonne parole "libérale"  capitaliste"sans jamais être ni inquiétés ni même seulement contredits par un seul autre discours que ceux des chiens de garde en place: ces gens-là nous hartent, ce sont des comédiens professionnels payés pour nous saouler, ils sont une cause supplémentaire du sentiment général d'abandon et de trahisons qu'éprouvent de plus en plus de Français,  une cause importante de la démobilisation populaire croissante, de la désaffection des citoyens pour la chose publique, en premier lieu pour les élections, devenues pièges à c.... : les taux d'abstention vertigineux en sont la preuve, et le prochain scrutin pour les Européennes s'annonce catastrophique. Les citoyens en ont marre de cette Europe qui devait tant leur apporter, mais qui  nous a surtout pris notre indépendance nationale, sans que ne baissent ni la pauvreté, ni les foyers de conflits et de guerre sur la planète, entretenus par les trusts capitalistes marchands d'armements.
Trusts capitalistes qui justement, avec les banques, en premier lieu la Banque Européenne, imposent à nos gouvernements obéissants  les sacrifices insoutenables que NOUS subissons, en premier lieu bien sûr les foyers les plus modestes.Pour lesquels il faut s'indigner et résister. Et lutter sans relâche.