Les mayas ont manifesté le 21 décembre
Par Danielle BlEITRACH - "HISTOIRE ET SOCIÉTÉ"-
22
déc 2012
Hier sur quelques chaînes aux actualités, les télévisions françaises
se sont une fois de plus illustrées par leur incurie intellectuelle et
politique. Dans le prolongement de l’apocalypse annoncée nous avons eu
droit à quelques images de danse sur l’île du soleil du lac Titicaca en
Bolivie… Il s’agissait sans doute d’une des déclarations de Evo Morales
sur le respect dû à la terre mère… La télévision française l’a
transformée en cérémonie maya… alors qu’il s’agit d’une zone inca (ce
qui relève d’une certaine confusion géographique). Mais comme le
sensationnel, le folkorique, l’anecdotique prend le pas sur le
politique, après que tous les New âge, phénomène des sociétés
capitalistes développées, nous aient gorgé de prophétie maya, la télé
a utilisé en bonne logique de leur tourisme planétaire un événement
célébré par les indiens des Andes et leur gouvernement… .le tout pour
poursuivre sur la lancée audimat d’une histoire tronquée sur un peuple
ancien du sud du Mexique.. A peu près comme si vous illustriez un
prophétie de Nostradamus par des images d’actualité sur le chamanisme en
Sibérie…
En revanche on ne nous a pas parlé de ce rassemblement de 7000
zapatistes dans les rues des principales villes du Chiapas. Une région
du sud du Mexique qui est elle réellement une zone maya et les habitants
des Chiapas sont effectivement les descendants de cette civilisation
disparue, mais qui a laissé dans tout le yucatan mexicain de magnifiques
vestiges… Les Chiapas sont une zone riche où vit un peuple misérable à
qui une aristocratie foncière a toujours refusé le droit à sa terre.
Les zappatistes masqués, comme leur commandant Marcos, saluaient à
leur manière non pas l’apocalypse mais les temps nouveaux, comme en
1994, où leur refus de l’ALCA, de la zone de libre échange instaurée
entre le Mexique, le Canada et les Etats-Unis, avait inauguré le
processus en Amérique latine un changement de système… Même alors s’ils
n’avaient pu empêcher l’ALCA pour leur propre compte, une ouverture
aux capitaux nord-américains et la frontière fermée aux êtres humains,
leur révolte fut celle attribuée aux Mexicains (et aussi aux Cubains),
celle de sentinelles prévenant le reste de l’Amérique latine de ce qui
les attendait de la part de l’ogre venu du nord…
J’étais au Chiapas, y compris à la Réalidad pour le rassemblement qui
avait eu lieu en 1996…Et je me souviens encore comment tout le monde
m’interrogeait alors sur le mouvement de 1995, en France. La
contrerévolution néolibérale qui s’abattait alors sur la planète n’avait
rencontré que trois lieux de résistance, les Chiapas le premier janvier
1994, dans la même année la grande vague revendicative des ouvriers
sud-coréens et en 1995, le grand mouvement français…
Quelque chose venait de débuter, mais nous l’ignorions encore, une
force de résistance planétaire multiforme s’esquissait, elle reste
encore à analyser et elle paraît du moins en Europe bien en dessous des
coups portés. Mais un processus historique se déroule sur le long terme,
le seul problème est qu’il se déploie dans une aggravation des
contradictions entre un formidable essor des connaissances humaines et
une capacité d’autodestruction du système existant tout aussi
formidable… Face à cette absence de forces organisées mais aussi de la
montée de l’incrédulité sur ce que peut apporter le système, nous sommes
depuis devant un mélange de « régénération-réaction » qui favorise
l’appel à de pseudo oracles ou la croyance en la mystique indigène pour
manifester notre besoin de transformation. Les Chiapas à ce titre furent
un moment à la mode, mais à partir où les luttes et quand le processus
complexe d’évolution de l’Amérique latine prit de l’importance le
romantisme du bon sauvage et du retour à un monde primitif se replia
dans nos médias vers l’astrologie et l’on taxa les révoltés de la dite
Amérique latine de « populisme ».
Pourtant partout les processus se poursuivent et ce qui fait
l’intérêt de l’Amérique latine est justement la multiplicité des
initiatives et des positionnements politiques qui convergent vers
quelques grandes aspirations, en particulier un développement endogène
dans lequel les ressources naturelles de chaque pays seraient mises au
service du choix démocratique des peuples en faveur de leurs
orientations spécifiques, le contraire de l’impérialisme, mais également
quelque chose de tout à fait distinct des internationales de jadis avec
leurs mots d’ordre unique et l’obéissance à un leadership… Cette
expérience montre déjà souvent certaines de ses limites mais elle
annonce partout ce renouveau de la démocratie et de la souveraineté des
peuples…
Pas étonnant que les télévisions françaises ne nous parlent jamais de
ça… en attendant voici l’article de la Jornada , le principal journal
mexicain sur le sujet occulté par nos télévisions…
Movilización silenciosa de zapatistas en Chiapas http://lajor.mx/UVOZLX
En la fecha en que incautos esperaban el fin del mundo, comunidades
mayas bases de apoyo del EZLN ocuparon las plazas principales de las
ciudades de Ocosingo, San Cristóbal y Las Margaritas, mismas que tomaron
en 1994. Foto: La Jornada / Víctor Camacho