samedi 22 décembre 2012

LES MAYAS ONT MANIFESTÉ, LES TÉLÉS N'ONT RIEN VU, QUE LES CINGLÉS DE BUGARACH


Les mayas ont manifesté le 21 décembre

 Par Danielle BlEITRACH   - "HISTOIRE ET SOCIÉTÉ"-

22 déc 2012
chiapas-300x199[1]
Hier sur quelques chaînes aux actualités, les télévisions françaises se sont une fois de plus illustrées par leur incurie intellectuelle et politique. Dans le prolongement de l’apocalypse annoncée nous avons eu droit à quelques images de danse sur l’île du soleil du lac Titicaca en Bolivie… Il s’agissait sans doute d’une des déclarations de Evo Morales sur le respect dû à la terre mère… La télévision française l’a transformée en cérémonie maya… alors qu’il s’agit d’une zone inca  (ce qui relève d’une certaine confusion géographique). Mais comme le sensationnel, le folkorique, l’anecdotique prend le pas sur le politique, après que tous les New âge, phénomène des sociétés capitalistes développées, nous aient gorgé de prophétie maya,  la télé a utilisé en bonne logique de leur tourisme  planétaire un événement célébré par les  indiens des Andes et leur gouvernement… .le tout pour poursuivre sur la lancée audimat d’une histoire tronquée sur un peuple ancien du sud du Mexique.. A peu près comme si vous illustriez un prophétie de Nostradamus par des images d’actualité sur le chamanisme en Sibérie…
En revanche on ne nous a pas parlé de ce rassemblement de 7000 zapatistes dans les rues des principales villes du Chiapas. Une région du sud du Mexique qui est elle réellement une zone maya et les habitants des Chiapas sont effectivement les descendants de cette civilisation disparue, mais qui a laissé dans tout le yucatan mexicain de magnifiques vestiges… Les Chiapas sont une zone riche où vit un peuple misérable à qui une aristocratie foncière a toujours refusé le droit à sa terre.
Les zappatistes masqués,  comme leur commandant Marcos, saluaient à leur manière non pas l’apocalypse mais les temps nouveaux,  comme en 1994, où leur refus de l’ALCA, de la zone de libre échange instaurée entre le Mexique, le Canada et les Etats-Unis, avait inauguré le processus en Amérique latine un changement de système… Même alors  s’ils n’avaient pu empêcher l’ALCA pour leur propre compte, une ouverture  aux capitaux nord-américains et la frontière fermée aux êtres humains, leur révolte fut celle attribuée aux Mexicains (et aussi aux Cubains), celle de sentinelles prévenant le reste de l’Amérique latine de ce qui les attendait de  la part de l’ogre venu du nord…
J’étais au Chiapas, y compris à la Réalidad pour le rassemblement qui avait eu lieu en 1996…Et je me souviens encore comment tout le monde m’interrogeait alors sur le mouvement de 1995, en France. La contrerévolution néolibérale qui s’abattait alors sur la planète n’avait rencontré que trois lieux de résistance, les Chiapas le premier janvier 1994, dans la même année la grande vague revendicative des ouvriers sud-coréens et en 1995, le grand mouvement français…
Quelque chose venait de débuter, mais nous l’ignorions encore, une force de résistance planétaire multiforme  s’esquissait, elle reste encore à analyser et elle paraît du moins en Europe bien en dessous des coups portés. Mais un processus historique se déroule sur le long terme, le seul problème est qu’il se déploie dans une aggravation des contradictions entre un formidable essor des connaissances humaines et une capacité d’autodestruction du système existant tout aussi formidable… Face à cette absence de forces organisées mais aussi de la montée de l’incrédulité sur ce que peut apporter le système, nous sommes depuis devant un mélange de « régénération-réaction » qui favorise l’appel à de pseudo oracles ou la croyance en la mystique indigène pour manifester notre besoin de transformation. Les Chiapas à ce titre furent un moment à la mode, mais à partir où les luttes et quand  le processus complexe d’évolution de l’Amérique latine prit de l’importance le romantisme du bon sauvage et du retour à un monde primitif se replia dans nos médias vers l’astrologie et l’on taxa les révoltés de la dite Amérique latine de « populisme ».
Pourtant partout les processus se poursuivent et ce qui fait l’intérêt de l’Amérique latine est justement la multiplicité des initiatives et des positionnements politiques qui convergent vers quelques grandes aspirations, en particulier un développement endogène dans lequel les ressources naturelles de chaque pays seraient mises au service du choix démocratique des peuples en faveur de leurs orientations spécifiques, le contraire de l’impérialisme, mais également quelque chose de tout à fait distinct des internationales de jadis avec leurs mots d’ordre unique et l’obéissance à un leadership… Cette expérience montre déjà souvent certaines de ses limites mais elle annonce partout ce renouveau de la démocratie et de la souveraineté des peuples…
Pas étonnant que les télévisions françaises ne nous parlent jamais de ça… en attendant voici l’article de la Jornada , le principal journal mexicain sur le sujet occulté par nos télévisions…
Movilización silenciosa de zapatistas en Chiapas http://lajor.mx/UVOZLX En la fecha en que incautos esperaban el fin del mundo, comunidades mayas bases de apoyo del EZLN ocuparon las plazas principales de las ciudades de Ocosingo, San Cristóbal y Las Margaritas, mismas que tomaron en 1994. Foto:  La Jornada / Víctor Camacho