vendredi 23 novembre 2018

UN JOUR QUI NE PRÉSAGE SANS DOUTE RIEN DE BON.

Un jour en demi-teinte. Le matin, je t'ai trouvée relativement sereine. Faible, très faible, comme toujours, depuis ces dernières semaines. Dire que nous étions partis passer quelques jours à Anglet il y a six ou sept semaines, pour donner un petit coup de fouet à notre moral......Tu avais de plus en plus de difficultés à marcher, à respirer, un jour, tu m'avais même répondu, alors que je te demandais d'aller jusqu'à la boîte à lettres: "Non, je ne veux pas qu'on me voit marcher comme une vieille". Puis le séjour au bord de l'océan nous avait procuré quelques bons moments de promenades, de contemplations, de détente. On se prenait à espérer. Patatras! Le jour de la première chimio qui suivit nos huit jours de vacances  fut catastrophique: tu as vomi dans le bureau de l'oncologue, qui décida enfin de t'hospitaliser immédiatement.
Depuis, je me dis que ces vacances, qui se voulaient une parenthèse dans nos souffrances, dans ton calvaire, peut-être même une rémission miraculeuse, n'auront plus aucun lendemain. Que çà en est fini de notre bonheur....Et qu'il ne me reste plus rien à espérer, pendant que le réel semble se détacher de toi. Même si ta mémoire et ton esprit restent intacts.
A midi, je t'avais préparé des girolles aux échalotes, crème fraiche, vin blanc....Tu t'es  régalée, nous nous sommes régalés, avec une tranche de paleron saignante, passée à la poêle et réchauffée au micro-ondes. Plus quelques desserts: raisin, tourte, mandarine. Une petite sieste, et nous avons joué aux dames....Par contre, pour le repas du soir, tu t'es plaint de douleurs à l'estomac. Putain de mal: il recommence, il continue, il ne s'arrêtera jamais, ce serait contre nature. Une infirmière est venue, à ma demande, t'installer une nouvelle perfusion, sensée calmer, atténuer ta souffrance. Sais-tu ce que vraiment cache cet "antidépresseur", ou cet antalgique? J'enrage de penser que tout ce processus te conduit plus paisiblement au bout du corridor qui va nous séparer. Mais que fait le "bon dieu" de ses loisirs? Sans vouloir manquer de respect ou se moquer de celles et ceux qui croient en lui et l'interpellent, le prient et le supplient, ce dont je les remercie pour toi et pour le bien qu'ils te veulent, il me paraît trop indifférent à la souffrance répandue sur la terre, qu'il pourrait bien, s'il en a le pouvoir, comme on le prétend parfois, faire montre d'un peu d'humanité, de charité, envers ceux qui souffrent par millions ou milliards sur cette terre sans le mériter. 
C'est mon sentiment, c'est pourquoi je lui en veux comme j'en veux à ceux qui gratuitement répandent autour d'eux les pires cruautés.
Ah! Oui! Aujourd'hui, tu as pu enfin ouvrir ta liseuse, après plusieurs semaines de privations. Qu'au moins tu puisses quelques fois , quelques minutes, dans la journée, faire s'évader ton esprit torturé par le mal.  Un peu de paix dans ton âme blessée. Le temps d'un sourire, d'un regard. Ce regard qui souvent reste fixe, et éloigné de moi: quelle torture!
Que je t'aime, mon cher amour. Que j'ai mal de toi! 
Ne me quittes pas.....
P.s. Je ne sais pas ce qui se passe, qu'est-ce qui a provoqué cet intérêt inhabituel pour mon modeste blog, mais je découvre qu'en trois jours il a reçu la visite de plusieurs  milliers de "curieux". Plusieurs milliers!!!! Est-ce mon monologue  face à ma petite perle? Ou bien mes derniers coups de pioche dans la fourmilière politicienne?
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UN JEUDI PLUS ENSOLEILLÉ..... ET TON TEINT ÉTAIT COLORÉ.

Mon cher amour, ce matin je suis parti très tôt pour acheter quelques pommes et quelques kiwis chez Patricia, comme nous le faisons depuis déjà vingt sept ans. Quand elle m’a demandé de tes nouvelles, et je lui ai répondu comme tu étais, elle n’a pas pu retenir une larme, et je suis reparti avec mes fruits, qui m’aideront à tenir comme je dois le faire, pour continuer à être près de toi jusqu’au bout de notre amour, et avec mon chagrin, que je ne peux plus cacher, même lorsque je suis dans la rue, même si j’ai parfois l’impression de m’accoutumer à ce grand malheur. Parfois, seulement, parce que dès que je rentre chez nous, dans cette maison que tu as arrangée à ton si bon goût féminin, et où tu aurais dû vivre au moins vingt ans de plus, la même peine me submerge, redouble, m'écrase, m'anéantit.
Puis je suis allé au Méridien. Là, un jeune employé a accepté d’enregistrer quatre livres sur ta liseuse. Parce que je ne connaissais rien aux choses à effectuer, que tu faisais tout depuis ton ordi à la maison, moi qui ne connais rien à ce genre de lecture, il a eu pitié de moi. Il a tout fait en quelques minutes, quelle agréable rencontre en début de cette journée ! Un jeune si dévoué, compétent, humain ! HUMAIN !!! Ce n’est pas tous les matins, tu le sais bien, ma biche chérie, qu’un rayon de soleil humain suffit pour illuminer le reste de la journée. Celui-ci a un peu effacé l’horrible moment dont je t’ai parlé hier et que j’avais vécu au matin. Et lorsque je t’ai retrouvé un peu plus tard, que j’étais heureux de t’apporter ta liseuse, enfin équipée de quelques romans de ton auteure préférée. Les liras-tu tous ? Comme je le voudrais, du plus profond de mon cœur.....Hélas, comme je doute!

Cet après-midi, j’ai du quitter ta chambre, pendant que ces dames te faisaient un peu de toilette. ( C’est incroyable, c'est déprimant, de découvrir comme en quelques jours, une femme comme toi, totalement autonome, coquette, propre, féminine, entreprenante, toujours à l’affut de ce qu’il faut faire pour soi et pour la maison, peut perdre sa volonté, ses forces, sa personnalité, et accepter sans rien dire ni rien faire, sans réaction aucune, d’être manipulée, soulevée, retournée, lavée, séchée, par deux personnes étrangères, puis se retrouver installée sur un siège ou sur le lit médicalisés, à attendre sagement....Attendre.....Attendre....Que tu as changé, mon cher amour, et comme cela ne laisse rien présager de bon....Je vais expliquer pourquoi....)
J’ai quitté ta chambre, et je suis allé dans la petite pièce où se réfugient habituellement les accompagnants. Il y avait là un homme qui pleurait. Nous nous sommes salués, je l’avais déjà croisé plusieurs fois, c’est son épouse qui t’a remplacée à la chambre 110, il y a une dizaine de jours. Il m’a annoncé qu’il attendait la fin, nous nous sommes levés, je l’ai accompagné au chevet de son épouse, par sympathie, pour la saluer. Et j’ai vu la terrible image d’un être qui lutte désespérément, jusqu’au dernier souffle. Rauque. Poignant. Mais qu’on ne devrait pas prolonger inutilement, puisque le dénouement est inéluctable. Le pauvre m’a dit, et il a raison : « Pourquoi peut-on euthanasier un animal qui va mourir, et pourquoi on persiste à maintenir vivant un humain dont on sait que sa fin est très proche ? »
Puis je suis retourné vers toi, l’homme m’a suivi, il s’est approché de ta perfusion, je l’ai ensuite raccompagné jusqu’à la sortie, et c’est là qu’il m’a murmuré : « Elle a les mêmes médicaments que ma femme ».
-!!!!!
Depuis, je n’ai de cesse de penser évidemment à ces mots terribles. Que dois-je espérer ? Combien de temps vivre encore ces heures éprouvantes ? Que me reste-t-il à embrasser tes lèvres, caresser tes mains, tes pieds, tes bras, tes joues, tes chevilles, que je tente de réchauffer ?Cette chambre 110, où tu as passé quelques jours: Mauvais présage? Et une date qui approche, une date maudite, le 8 décembre 1959, ma mère chérie qui s'éteignait après trois mois de souffrances à l'hôpital Purpan.... Mauvais présage aussi? 
Et comme si ma souffrance , mon impuissance à te soulager, à t’entourer, à te chérir, les seules choses qui comptent pour moi depuis ces derniers mois , n’étaient pas suffisamment douloureuses, épuisantes, il me faut subir en plus, comme je les ai entendues hier - j'y reviens, parce que c'est un traumatisme -, les mesquineries consternantes de ta propre sœur, incapable de comprendre et de respecter le sacrifice et le dévouement que je m'impose depuis des mois, des années, par devoir et par amour, pour adoucir les derniers jours de sa propre sœur.
On me dit partout qu'il faut passer outre, ne m'occuper que de toi, de NOUS. C'est ce que je tente de faire autant que je le puis. Pour toi, cher amour, devant toi, je me tais, je me tairai. Mais qu'il est dur de ne pas leur hurler qu'un peu plus de charité et d'attentions à ton égard auraient été mieux  à propos que des inanités déplacées. Moins de simagrées: des actes concrets d'humanisme, d'affection , de compassion....

Je t'aime, ma biche chérie, ma Gisèle, je t'ai sans doute parfois mal aimée, comme un égoïste, comme le sont parfois certains hommes comme moi, mais que je t'aime!  
Ne me quittes  pas, cher amour!