Qu’est ce qu’un « média mainstream » ?
C’est
un média qui relaye les messages de propagande capitalistes et
impérialistes, en les présentant comme de l’information objective.
On
le reconnaît notamment à ce qu’il participe aux campagnes mondiales qui
ciblent un pays non occidental : cette année nous avons eu droit à la
Biélorussie, Hong Kong, le Xinjiang, la Bolivie, et dans un passé récent
aux campagnes infructueuses contre la Russie, la Corée, la Chine le
Venezuela, l’Iran, Cuba, la Syrie, ou victorieuses en Ukraine, en Libye,
en Birmanie, en Irak, etc.
Une
seule cause anti-impérialiste a eu une certaine ouverture dans les
médias, mais de moins en moins, celle de la Palestine, sans doute parce
que la situation est verrouillée, et peut servir à montrer de manière
répétée et redondante qu’il n’y a pas d’autre alternative à l’Empire que
la défaite.
Ces
médias peuvent aussi se révéler dans leur participation unanimiste à
des campagnes politiques considérées par leurs propriétaires comme de
grande importance, comme la campagne en faveur du oui au TCE en 2005, ou
contre le Brexit.
Un média mainstream est ou bien :
Un
média capitaliste, qui appartient à des capitalistes qui le financent
et dépensent beaucoup d’argent pour ça, et qui fait sous ses diverses
variantes la promotion idéologique du capitalisme par la diffusion des
idéologies libérales qui sont variées, mais qui tournent principalement à
notre époque autour d’un consensus libéral-libertaire qui va allouer
aux conservateurs traditionalistes un rôle de repoussoirs, comme les
barbons ridicules des comédies de Molière.
Comme
par hasard, les médias professionnels de droite qui doivent assumer ce
rôle peu flatteur (le Figaro, certains titres de la presse éco) en
deviennent un peu plus crédibles que les autres, tant que le
portefeuille n’est pas directement en jeu.
La quasi totalité des médias privés, qui ont une notoriété dans le grand public, et bien diffusés sont de tels médias.
Ou bien c’est un média d’État d’un État capitaliste relevant
de la sphère impériale occidentale où l’information est encore plus
verrouillée, et qui a surtout une mémoire plus longue : alors que les
médias privés considèrent souvent qu’en ce qui concerne le communisme la
partie est gagnée, la messe est dite et qu’il n’y a plus à s’en
occuper, les médias d’État comme Arte ou France Culture organisent la
prison mémorielle où ils veulent le placer, en falsifiant, salissant, ou
détournant l’histoire révolutionnaire. Ces médias font aussi la
promotion des intellectuels gauchisants inoffensifs qui ont tout à tour
leur moment de célébrité.
Et
un média mainstream c’est de toute manière un média occidental (nord
américain, européen, océanien) qui recycle avec une tonalité
compassionnelle dans le langage des ONG les préjugés occidentaux
néocoloniaux, et qui est nourri exclusivement par les récits émanant des
agences de presse occidentales qui produisent la plus grande partie de
l’information accessible au grand public : Reuters, AP, AFP. Il n’y a en
dehors de quelques grandes capitales occidentales, à domicile, presque
plus aucun correspondant étranger attitré de ces médias qui pourrait
produire une information originale.
Ce
monde des médias gravite autour d’un petit nombre de titres de presse
qui sont considérés comme des références de sérieux et d’objectivité,
palme qu’ils ne manquent pas de se décerner à eux mêmes : le Monde, le
New York Times, le Washington Post, et qui ne valent pas mieux que les
autres. La seule différence étant que leurs rédacteurs principaux ont un
statut des notables dans les milieux politiques décisionnels
occidentaux qui dépasse celui que devrait leur apporter le niveau de
leur rémunération.
Il
y a des médias capitalistes ou d’État extérieurs à cette sphère
géographique et culturelle, en Russie, en Chine, et dans la plupart des
pays non occidentaux, mais leur contenu est jugé suspect à moins qu’il
ne reflète servilement le contenu des grandes agences de presse
occidentales, et dans ce cas il aura les honneurs d’une sélection dans
« Courrier International ». Un média non-occidental n’est coopté dans le
circuit de l’information mondialisée que s’il soutient les
interventions de l’Occident dans le monde non-occidental, ou s’il
reflète des positions caricaturalement réactionnaires pour servir de
faire-valoir au discours de propagande du premier monde.
C’est
pourquoi les médias russes sont devenus indispensables à qui veut
s’informer aujourd’hui en Occident : ce sont les seuls médias dynamiques
et professionnels qui ont un intérêt objectif partiel à un dévoilement
du réel. Ce qui explique les opérations de censure directe dont ils font
l’objet.
Sinon
la censure habituelle porte plutôt que sur la publication et l’édition,
sur la diffusion et le référencement, comme le savent bien les
animateurs de sites socialistes ou communistes de par le monde.
Le
point le plus important à retenir est en même temps le plus banal et le
plus facile à comprendre : l’information sur le réel est aliénée à des
intérêts privés.
La
justification libérale de cet état de fait, selon laquelle un média
honnête aurait plus de succès (et donc rapporterait davantage de profits
à son propriétaire) et éliminerait les médias malhonnêtes ne tient pas
la route une seule seconde : ces médias perdent presque tous de
l’argent, à part les nouveaux médias des GAFAM, dont l’information est
un produit secondaire. A part le fait que la concurrence développe au
détriment de l'information sérieuse l’espace dévolu à la distraction et
aux faits divers, il est patent que les médias sont les danseuses des
grands groupes capitalistes, qui leur servent à distiller des messages
qui favorisent leur intérêts, mais aussi dans leur croisade permanente
contre tout ce qui n’est pas capitaliste et occidental (après tout ces
gens peuvent être désintéressés).
Ce
problème est ancien : les législateurs de la Libération avaient à cet
effet interdit la concentration dans les entreprises de presse.
En
gros le message mainstream est le suivant : le capitalisme produit des
marchandises en abondance pour tout le monde, et une société tolérante
où chacun fait ce qu’il lui plaît, et si ce n’est pas encore le cas
partout, ce le sera bientôt grâce aux interventions de l’Occident. Nous
ne vivons pas au sein d’un Empire mais dans une communauté
internationale respectueuse de tous ses membres, et d’ailleurs cet
empire qui n’existe pas est l’empire le plus bienveillant de l’histoire,
auquel on ne peut reprocher qu’une seule chose : ne pas envahir assez
de territoires pour y apporter la paix et la prospérité. Mais il
s’affaire pour porter la démocratie et la liberté partout où le
capitalisme ne règne pas, ou pas autant qu’on le voudrait, comme en
Chine.
Toutes les information dites sérieuses qui sont diffusées doivent concourir à ce récit.
Lorsque
des voix s’éloignent de ce consensus, elles deviennent de moins en
moins audibles, sont diabolisées par la « théorie de la théorie du
complot », ou s’enferrent d’elles-même dans des contradictions ou des
polémiques stériles, parce qu’elles acceptent une partie des présupposés
de la presse capitaliste en rejetant arbitrairement le reste.
Dans
le passé, les médias appartenaient déjà à des capitalistes, mais
l’impression reste que des messages opposés au capitalisme pouvaient
davantage s’exprimer. C’est en partie une impression fausse, car
l’information dont on a disposé sur des points cruciaux, sur l’URSS tant
qu’elle existait, et qui s’est déposées dans les livres d’histoire, est
encore moins fiable que le contenu de l’actu d’aujourd’hui. Mais le
capitalisme avait des contradictions internes, des contradictions
internationales, et il y avait une contradiction principale entre le
capitalisme et le socialisme, et de part le monde un nombre non
négligeable de situations socio-économiques mixtes qui reflétaient un
compromis instable entre les deux systèmes. Une minorité dans la
bourgeoisie occidentale, petite mais impossible à négliger, avait même
fait le choix du socialisme, entre 1945 et 1975 environ, pour des
raisons objectives qu’on ne peut pas développer ici sans sortir du
sujet, et la bourgeoisie du Tiers Monde s’affichait volontiers marxiste.
Il
y avait donc grâce aux contradictions dans le réel une ouverture vers
l'expression de la vérité, qui n’existe plus aujourd’hui.
Maintenant
pour s'y orienter, on doit conjuguer les deux principes opposés : a
priori, rien de ce qu’annonce la presse capitaliste n’est crédible ; et
d’autre part, qu’il est très difficile de s’en passer complètement pour
s’informer de ce qui se passe vraiment. Il faut mettre au point des
grilles de déchiffrement au cas par cas.
Ne
croire en rien de ce que propage la presse capitaliste ne signifie pas
croire en tout ce qu’elle ne propage pas, ou en ce qu’elle propage en
lui affectant un coefficient négatif (comme les produits du blogueur
Soral).
La
règle de bon sens est de ne pas prendre position, de ne même pas
évoquer les questions sur lesquelles on n’a pas de connaissance, ou pour
lesquelles on n’éprouve pas d’intérêt ou d’attirance. Ne pas en parler
signifie ne même pas dire qu’on n’en parle pas et feindre l’étonnement
et l’ennui en présence d’un faux débat sociétal.
Cela
semble assez facile de conserver assez de recul de jugement, mais il
est incroyable de voir à quel point le public, et notamment le public
militant relativement cultivé qui se recrute dans la classe moyenne,
peut être crédule
Blog de Jean Lévy "çà n'empêche pas Nicolas"