lundi 15 mai 2023

Hausse des prix alimentaires : un jackpot pour les marchés financiers et les spéculateurs

par Rachel Knaebel  BASTA

L’inflation des prix alimentaires après l’invasion en Ukraine a touché de plein fouet les populations pauvres dans le monde entier. À l’autre bout de la chaîne, les entreprises de négoce en profitent via la spéculation sur les marchés financiers.

Tout le monde peut le constater en faisant ses courses : se nourrir coûte toujours plus cher. En mars, les prix alimentaires ont encore augmenté de près de 2 % sur un mois, et de près de 16% sur un an ! « Autant l’année dernière, c’était vraiment les prix des énergies fossiles et du pétrole qui avaient tiré l’inflation à la hausse, autant là, ce sont les prix des matières premières alimentaires », pointe Lorine Azoulai, chargée de plaidoyer souveraineté alimentaire à l’ONG CCFD-Terre solidaire.

L’inflation qui a débuté après le pic de la crise du Covid 19 s’est nettement accélérée avec le début de l’invasion russe en Ukraine, fin février 2022. Avant le 24 février de l’an dernier, l’Ukraine était l’un des plus gros exportateurs au monde de maïs, de blé et d’huile de tournesol. La Russie est de son côté le premier exportateur de blé. Au printemps 2022, le conflit à l’est de l’Europe a fait exploser les prix de ces matières premières alimentaires, en particulier au Moyen-Orient et en Afrique.

« Après le 24 février 2022, tous les pays qui étaient très dépendants des importations de céréales pour leur alimentation ont été très durement impactés. Au Liban, le prix du pain a par exemple augmenté de 70%, il a quasiment doublé au Soudan, explique Lorine Azoulai. Certains pays importent, en grande partie de l’Ukraine et de la Russie, quasiment 80 % des céréales qui constituent les denrées alimentaires de base de la population. »

Le prix des céréales ont de nouveau baissé depuis l’été 2022, quand un accord international a été négocié pour poursuivre les exportations ukrainiennes. Mais la situation alimentaire reste tendue dans de nombreux pays. « Au niveau mondial, bien que les prix internationaux aient fléchi, les prix locaux des denrées alimentaires restent élevés et continuent de gravement entraver l’accès à la nourriture », souligne l’organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) dans son rapport mensuel de mars 2023. Le 3 mai, la FAO a annoncé qu’environ 258 millions de personnes dans 58 pays et territoires ont été confrontées à une insécurité alimentaire aiguë en 2022, contre 193 millions de personnes dans 53 pays et territoires une année plus tôt.

1,9 milliard de dollars de bénéfices

Dans le même temps, les acteurs spéculatifs engrangent les profits. « Un groupe de dix fonds spéculatifs a réalisé un bénéfice estimé à 1,9 milliard de dollars en misant sur la flambée des prix des denrées alimentaires au début de la guerre en Ukraine », pointe la cellule d’investigation de Greenpeace, Unearthed, dans une enquête publiée le 14 avril, réalisée conjointement avec le collectif d’investigation néerlandais Lighthouse Reports et reprise dans le journal britannique The Guardian.

Ces fonds spéculatifs « ont réalisé ces profits exceptionnels grâce à des techniques de "suivi de tendance", qui impliquent l’utilisation d’algorithmes pour repérer les hausses ou les baisses de prix et acheter ou vendre automatiquement des produits financiers dérivés en réponse à ces hausses ou baisses, détaille l’enquête. Début mars 2022, les prix à terme du blé – contrats d’achat de boisseaux de blé à un prix fixé à une date donnée – avaient bondi de 50 % en un mois, atteignant leur niveau le plus élevé depuis 14 ans », soulignent encore les deux organisations.

La hausse des prix est alors plutôt causée par ces comportements spéculatifs sur les marchés des matières premières alimentaires que par une réelle pénurie de céréales, défend dans cette enquête le rapporteur spécial de l’Onu sur le droit à l’alimentation, Michael Fakhri. « La financiarisation des marchés de matières premières, liée à la création d’indices de matières premières négociables par les grandes banques, était déjà visible lors de l’explosion et de la chute des prix des matières premières au cours de la première décennie du nouveau millénaire, concluait aussi le rapport 2022 des Nations unies sur le développement et le commerce [1]. La participation croissante des investisseurs financiers au commerce des produits de base pour des motifs purement financiers est un facteur contribuant à la hausse des prix », soulignent aussi les Nations unies.

Des marchés décorrélés de la réalité

Les matières premières agricoles sont cotées en bourse, comme n’importe quel produit financier. « La financiarisation du marché des matières premières agricoles et alimentaires a considérablement aggravé les phénomènes de spéculation, et a fait rimer crises de la faim avec de gros gains, résume Lorine Azoulai. À chaque crise de la faim, en 2007, 2008 et 2011, on a observé ce phénomène-là, et idem en 2022. »

Comment fonctionne cette spéculation ? Certaines matières premières agricoles sont négociées sur ce qu’on appelle des marchés à terme, qui sont des marchés financiers. « Ceux-ci permettent aux acheteurs et aux vendeurs de sécuriser leurs achats et leurs ventes en s’engageant à l’avance sur des contrats de ventes et d’achats avec un prix, un volume et une date qui sont définis à l’avance », explique la chargée de plaidoyer.

À la base, ces marchés financiers sont censés être corrélés aux marchés physiques. On y trouve des acteurs commerciaux, agriculteurs, coopératives, agro-industriels transformateurs, qui ont besoin d’acheter les matières premières agricoles. S’y trouvent aussi des acteurs financiers, là pour apporter de la liquidité mais aussi faire des paris sur l’évolution des prix. « Ces marchés financiarisés sont influencés par une poignée d’acteurs économiques qui font la pluie et le beau temps », pointe Lorine Azoulai.

Quatre entreprises contrôlent, selon les estimations, au minimum 70 % du marché mondial des céréales. Il s’agit d’ADM, Bunge, Cargill et Louis Dreyfus, nommés les « ABCD ». Pour la responsable du CCFD, « on est sur un marché décorrélé des réalités du marché physique, où les opérateurs principaux n’ont aucun rapport avec la filière et sont des acteurs financiers qui sont là uniquement pour capter la valeur de notre alimentation ».

Des milliardaires à la tête du négoce

En 2022, Cargill a enregistré « le bénéfice net le plus élevé de ses 157 années d’existence », indique l’agence d’information économique Bloomberg à l’automne. « Qui profite en fin de compte de cette manne financière ? » interroge l’ONG Public Eye, basée en Suisse comme les bureaux de négoce de ces entreprises. Le patrimoine de la famille élargie de William Wallace Cargill, fondateur de Cargill, « frôle le top 10 des plus riches au monde », nous rappelle Public Eye. La fortune de la famille propriétaire de Louis Dreyfus s’élève de son côté à plus de 3,2 milliards d’euros.

La situation révolte l’élu vert européen Claude Gruffat. « Les marchés financiers créent la déstabilisation des marchés alimentaires et en profitent, accuse l’eurodéputé français. On a déjà vécu ça en 2007-2008. On voit ces phénomènes revenir régulièrement. C’est sur le dos de la faim dans le monde que les marchés financiers viennent spéculer sur les prix. C’est profondément immoral ! »

Pour Claude Gruffat, il faudrait moins de marché et plus de contrôle public sur les stocks de matières premières alimentaires. « Après la Seconde Guerre mondiale, des institutions avaient étés mises en place pour contrôler les stocks, pointe-t-il. Pour la France, c’était l’Office interprofessionnel des céréales. Mais depuis, toute la gestion des stocks de matières premières alimentaires est confiée au privé, il n’y a plus rien de public », déplore-t-il.

Réguler au niveau international

Claude Gruffat évoque une révision en cours de la directive européenne de régulation des marchés financiers, MiFid (Markets in Financial Instruments Directive). Celle-ci pourrait être l’occasion de mieux lutter contre la spéculation sur les marchés alimentaires. L’élu reste toutefois pessimiste. « Il faut que l’Europe arrive à mettre en place une supervision efficace des marchés pour limiter la spéculation. Mais l’ambiance n’y est pas, on est systématiquement dans du moins de contrôle et plus de libéralisme des marchés. Il y a des dossiers à l’agenda, on en discute, mais on n’arrive pas à imposer quoi que ce soit », regrette l’eurodéputé.

Le CCFD porte aussi des propositions concrètes pour lutter contre ces hausses artificielles des prix alimentaires. « Notre première demande, c’est de limiter les risques de spéculation excessive. Ça veut dire limiter les nombres de contrats à terme, expose Lorine Azoulai. Aujourd’hui, sur les marchés à terme, il peut s’échanger jusqu’à plusieurs dizaines de fois la production annuelle mondiale de blé ou de maïs. Qu’un opérateur échange l’équivalent de deux fois sa production annuelle, on peut le comprendre, car il vend la production de cette année et celle de l’année prochaine. Mais avec 20 ou 30 fois leur production, il y a un problème. On demande que le marché colle mieux à la réalité et qu’on réduise et contrôle davantage la présence d’acteurs financiers sur un marché. »

L’organisation réclame par ailleurs plus de transparence sur ce qui se déroule sur les marchés. Les données aujourd’hui accessibles « sont insuffisantes pour déterminer le poids réel de la spéculation dans hausse des prix ».

Pour la responsable du CCFD, il faut aussi « penser au-delà du seul espace européen ». Puisqu’« aujourd’hui, on fait face à des politiques commerciales délétères pour certains pays, accuse Lorine Azoulai. Elles nous permettent à nous en Europe d’exporter à très bas coûts des productions qu’on produit en surplus et qui arrivent à si bas coût dans certains pays du Sud qu’elles en déstabilisent les productions et détruisent des filières locales. La régulation doit se penser au niveau international. » Car le boursicotage d’un fonds d’investissement peut impacter l’accès à l’alimentation de millions de personnes en Afrique ou en Asie.

Rachel Knaebel

 

L'OTAN A L'OEUVRE AU DOMBASS.

Le 28 avril 2023 à l’heure du déjeuner, l’armée otano-ukrainienne a bombardé le centre de Donetsk à coup de lance-roquettes multiples. Une des roquettes a touché un autobus, qui a pris feu avec ses passagers coincés à l’intérieur. Le bilan actuel des victimes de ce nouveau crime de guerre de l’armée otano-ukrainienne est désormais de neuf morts dont une enfant et 16 blessés.donbass-insider.com

Notes de Pedrito

Voilà à quoi servent les armes offertes à Zelenski

Si elle avait un président digne de ce nom, la France s'honorerait de mettre fin à sa collaboration à l'OTAN, outil de guerre de l'impérialisme US.

L’armée otano-ukrainienne bombarde le centre de Donetsk, tuant neuf civils dont une enfant - Donbass Insider


LE RÔLE CLÉ DE LA CHINE EN TANT QUE NOUVELLE PUISSANCE MONDIALE

Un article qui expose l’origine historique du “pétro-dollar” : faute d’asseoir le dollar sur l’or, les Etats-Unis l’ont installé sur la nécessité de payer la précieuse source d’énergie comme d”ailleurs le gaz en dollar grâce un accord avec les saoudiens. Ce qui est sous-estimé dans cette description c’est la manière dont face aux risques du communisme en Iran ou en Irak cet accord de 1974 s’accompagnait y compris du choix avec l’envoi par Giscard de Khomeini dans la situation explosive de refus du Shah. Les mollahs ont été utilisés contre Carter et l’hostilité s’est accompagnée de transactions. Ensuite l’ébranlement du pétrodollar et des liens privilégiés entre l’OPEP et les USA a été mis en œuvre par Chavez (qui l’a probablement payé de sa vie) et Poutine contre les major étasuniennes. Nous avons donc une évolution qui sous l’influence des rebellions populaires vient de plus loin, dès l’effondrement de l’URSS, comme tendance et c’est ce qui m’a permis grâce à un rapport de 1983 de Fidel Castro aux non alignés de l’annoncer à la fois à cause de la politique de Chavez en Amérique latine et de son rôle dans l’OPEP (1) en soulignant le fait que la Chine serait le pivot de nouveaux rapport sud-sud. Nous y sommes mais l’article est très important pour nous permettre de comprendre en quoi les accords signés aujourd’hui entre l’Arabie saoudite l’Iran et maintenant la Syrie sapent le fondement même du dollar. Nous sommes dans une “tendance” et la guerre en Ukraine en a été l’accélération comme souvent les guerres jouent un tel rôle, le phénomène essentiel est alors la réduction de la marge de manœuvre des Etats-Unis face à ce à quoi sont confrontés tous les pays du monde, des mouvements sociaux face à l’inflation, les salaires, les difficultés en matière de santé, d’éducation et qu’ils ne peuvent pour la première fois par reporter sur d’autres, tandis que la Chine poursuit sa croissance. (note et traduction de Danielle Bleitrach pour histoireetsociete)
(1) voir le livre paru chez Aden et traduit aux éditions José Marty, à Cuba, les Etats-Unis de mal empire, les leçons de résistance qui nous viennent du sud (2004)

Par José Miguel Amiune* – Meer, 18 avril 2023

La guerre accélère le déclin du dollar en tant que seule monnaie universelle

Cher lecteur, le titre et le sous-titre de cet article peuvent vous surprendre, vous alarmer ou avoir du mal à trouver la relation entre la guerre, le déclin du dollar et le rôle de la Chine en tant que nouvelle puissance internationale. Cela m’oblige à vous raconter une histoire que peu de gens connaissent et qui reste cachée à la majorité de l’opinion publique mondiale. Je vais vous la dire, sur un mode aussi résumé que possible.

Une histoire qu’on ne vous a jamais racontée : « dollar et pétrole »

En 1974, le président Richard Nixon était confronté à une crise pétrolière, à une inflation galopante, à une récession et à un krach boursier. Ceci, dans une certaine mesure, était le résultat de la décision que Nixon lui-même avait prise en 1971 quand il a décidé d’abandonner définitivement l’étalon-or et de libérer l’émission de dollars indépendamment des réserves d’or déposées, comme garantie pour la monnaie, à Fort Knox. Par la suite, le montant des dollars émis et en circulation n’a plus eu aucun rapport ni même proportion avec les réserves d’or détenues par le Secrétaire au Trésor des États-Unis. En d’autres termes, le dollar n’est pas soutenu par l’or et donc la plupart des dollars en circulation ne reposent sur rien. C’est ce que dans le jargon vulgaire on appelle « papier peint » et que les économistes appellent « monnaie fiduciaire ». On estime qu’actuellement, les réserves d’or de Fort Knox (évaluées au prix du marché) équivalent à environ 270 milliards de dollars (en coupure américaine), tandis que les dollars en circulation plus les dépôts bancaires sur les comptes courants et les caisses d’épargne (M2) s’élèvent à 21 billions de dollars de la même coupure. Ces données ont été extraites du Trésor américain en 2023. Cela nous permet de calculer que, pour chaque dollar adossé à l’or, 77 dollars circulent dans le monde sans backing ni « fiat ».

Ici commence l’histoire que je veux vous raconter. Conscient de la nécessité de donner un nouveau soutien au dollar, le président Nixon envoie, en juillet 1974, son secrétaire d’État Henry Kissinger et son sous-secrétaire William Simon en Arabie saoudite, qui dirige l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), créée en 1960 à Bagdad.

Quelle était la mission de Kissinger et Simon ? Shah Reza Palevi d’Iran était, à cette époque, l’allié stratégique des États-Unis dans la région du Golfe et dans tout le Moyen-Orient, il avait le soutien et la protection militaire des États-Unis. Le Shah, qui était persan et chiite, regardait avec suspicion le rôle croissant de la Maison royale saoudienne, composée d’Arabes et de sunnites, pour leur implication croissante dans la production et la commercialisation du pétrole. À son tour, le monarque saoudien craignait la supériorité militaire du Shah d’Iran, qui menaçait l’intégrité territoriale de son pays et la sécurité des membres de la Maison royale saoudienne.

La différence entre les deux royaumes était que Reza Palevi commençait à être harcelé par les religieux pour la rapide « occidentalisation » qu’il avait imposée à la société iranienne, tandis que le monarque saoudien contrôlait étroitement sa société et augmentait de plus en plus son influence parmi les pays du Golfe à majorité sunnite. L’un déclinait et l’autre émergeait.

Par conséquent, la mission de Kissinger, suggérée par lui-même, était d’offrir un accord stratégique au monarque saoudien, par lequel les forces armées américaines défendraient la famille royale et le royaume lui-même, dans son intégrité territoriale, contre toute menace régionale ou extra-régionale. La contrepartie exigée par les États-Unis était que l’Arabie saoudite, en sa qualité de président de l’OPEP, décide que tous les pays membres soient obligés de fixer le prix international du pétrole en dollars américains, empêchant toute transaction dans le pétrole, le gaz et d’autres combustibles d’être libellée dans une devise autre que le dollar.

L’accord de Djeddah, signé en juillet 1974, a établi une alliance stratégique à long terme entre les États-Unis et l’Arabie saoudite, qui a perduré jusqu’à ce jour. Cette alliance, inscrite dans l’accord sur les pétrodollars, a sauvé les finances américaines. Comme tout le monde avait besoin de pétrole, tout le monde avait besoin de dollars pour l’acheter. L’énorme demande de pétrodollars qui a suivi l’accord de Djeddah est devenue le soutien du dollar, remplaçant « l’or métallifère par de l’or noir, du pétrole ».

Le soutien pour les nouveaux dollars émis n’était plus l’or, mais la demande générée par l’obligation de libeller les contrats d’achat et de vente de pétrole et de gaz en dollars américains à l’échelle mondiale. Le monde était couvert de pétrodollars qui, par la magie du pouvoir du capital financier, sont devenus la dette extérieure des pays en développement et émergents. Par l’intermédiaire des banques commerciales américaines et européennes, ces dollars, que les pays pétroliers déposaient dans le système financier, étaient recyclés et convertis en dette extérieure, dont le poids sur le monde périphérique allait bientôt exploser.

En Amérique latine, le problème de la dette a explosé, à commencer par le Mexique en 1982. Entre 1989 et 1996, le plan Brady, dans les pays qui y ont adhéré, a restructuré la dette en la transférant des banques à des milliers de détenteurs d’obligations privées. Cependant, il ne pouvait être évité que dans les années 90, les crises se soient répétées au Mexique, en Asie du Sud-Est, en Russie, au Brésil, en Turquie et en Argentine. Cette situation, aggravée par la mondialisation financière, persiste dans la plupart de ces pays, avec leurs renégociations et élargissements successifs.

C’est aussi à l’origine de la manière dont il y a émission excessive des États-Unis, devenus le plus gros débiteur du monde, alimentant un déficit extérieur accumulé qui dépasse leur PIB, mais leur a permis de maintenir artificiellement le seigneuriage du dollar par rapport à toutes les autres monnaies.

La guerre d’Ukraine et le déclin du dollar

Quatre semaines seulement après le début de la guerre en Ukraine, le propriétaire de Blackrock, Larry Fink, a fait deux prévisions qui ont fait trembler les marchés internationaux. Il a déclaré: « L’invasion russe de l’Ukraine a mis fin à la mondialisation que nous avons connue au cours des trois dernières décennies » et, avant que les journalistes ne reprennent leur souffle, il a conclu: « Un système de paiement numérique mondial soigneusement conçu peut améliorer le règlement des transactions internationales (en remplaçant le dollar comme norme de change du commerce international) tout en réduisant le risque de blanchiment d’argent et de corruption. »

Les opinions de Larry Fink ne passent jamais inaperçues puisqu’il gère le plus grand fonds d’investissement au monde et gère un portefeuille d’actifs de plus de 10 billions de dollars, soit plus de 10 % du PIB mondial. Une lecture attentive de ses déclarations laissait entrevoir un avertissement des changements structurels qu’accélérerait la guerre européenne. Il anticipait le déclin de l’utilisation du dollar comme monnaie hégémonique et la transformation nécessaire du système de paiement mondial.

Le seigneuriage monétaire du dollar dans le commerce international et en tant que réserve de valeur ne prendra peut-être pas fin à court terme, mais son manque de soutien et le privilège des États-Unis d’émettre la monnaie d’échange universelle commencent à être discutés. Le Wall Street Journal lui-même a offert une preuve concrète de ce tournant en publiant, par l’intermédiaire de ses correspondants à Riyad et à Dubaï, capitale et centre d’affaires de l’Arabie saoudite, que les négociations ont été accélérées afin que la puissance pétrolière commence à vendre des barils de pétrole brut à la Chine, recevant des yuans au lieu de dollars. Ce serait la plate-forme de projection, à grande échelle, du « pétro-yuan » numérique dans les transferts transfrontaliers, c’est-à-dire dans les paiements effectués entre différentes frontières.

Ce que le Wall Street Journal a annoncé s’est déjà produit. Les chiffres de cet échange ne sont pas faibles. L’Arabie saoudite exporte environ 150 milliards de dollars par an et la Chine achète un tiers de ce total. Le deuxième pays auquel il vend le plus est l’Inde, un pays qui a également intérêt à développer son propre système de monnaie numérique, qui pourrait avoir un règlement en temps réel et une compatibilité avec le réseau de yuans numériques. C’était absolument prévisible, l’économie chinoise représente environ 20% du PIB mondial, mais sa monnaie est utilisée dans moins de 3% du commerce mondial. Si la croissance économique et le commerce de la Chine continuent de croître rapidement, selon les mots de Ray Dalio, directeur de l’un des plus grands fonds spéculatifs du monde : « Le yuan jouera un rôle de plus en plus important en tant que réserve de valeur et échange international. C’est naturel ».

Iran, Arabie saoudite et Chine : triangle de détente

Le 10 mars 2023, à peine un an après le conflit russo-ukrainien, la République islamique d’Iran et le Royaume d’Arabie saoudite, rivaux apparemment irréconciliables pour l’hégémonie dans la région du golfe Persique, ont rétabli leurs relations diplomatiques. Les mesures prises en faveur de la détente ont commencé en 2021, lorsque les parties ont convenu d’avancer dans des pourparlers secrets, afin de résoudre les différends enracinés dans les aspects politiques, économiques et religieux. Mais la chose la plus étonnante à propos de l’annonce surprise est que l’accord entre Téhéran et Riyad a été conclu, grâce aux efforts diplomatiques de la diplomatie ascendante de la République populaire de Chine.

La question obligatoire est : qu’est-ce qui a provoqué ce changement dans la géopolitique de cette région ? Il y a plusieurs causes concurrentes qui ont permis le règlement réussi du processus de paix :

Le « rôle de médiation » de la Chine est mis en évidence, en réponse à plusieurs facteurs. a) Premièrement, les deux pays entretiennent des relations commerciales intensives avec la Chine, en particulier dans le domaine de l’énergie et du pétrole; b) En 2017, la Chine est devenue le premier importateur mondial de pétrole, dépassant les États-Unis, par conséquent, le pétrole brut du Moyen-Orient et des pays du Golfe est un intrant essentiel pour soutenir ses industries, sa production et sa consommation. c) Fait décisif, l’Arabie saoudite est le premier exportateur de pétrole brut vers la Chine, suivie de la Russie, du troisième Iran, puis de l’Irak, d’Oman, de l’Angola et du septième des Émirats arabes unis.

La diplomatie publique et non publique active de la Chine dans la région depuis le milieu de la dernière décennie a porté ses fruits. Visant à garantir un approvisionnement adéquat en pétrole brut, à occuper des espaces d’influence cédés par les États-Unis et à assurer des routes d’approvisionnement à travers le golfe Persique, le détroit d’Ormuz et le golfe d’Aden. À cet égard, l’Iran a officiellement rejoint le projet chinois de la Route de la soie (OBOR/BRI). À son tour, la Chine est le plus grand partenaire commercial de l’Arabie saoudite et les investissements chinois sont valorisés dans le cadre de la « Vision 2030 du Royaume », consistant à atteindre ses objectifs de développement. La détente bilatérale sert également à renforcer les attentes d’une relation plus approfondie avec la Chine de la part des membres du Conseil de coopération du Golfe. L’Arabie saoudite espère également rejoindre le projet de route de la soie dans la région de Jizan, afin d’attirer les investissements étrangers.

Du côté de l’Iran, les pourparlers avec les puissances occidentales pour relancer le pacte nucléaire de 2015 (signé par le président Obama) sont gelés et les sanctions économiques imposées par elles ont rendu les relations plus tendues. D’autre part, la Russie, principal allié international de l’Iran, est en guerre avec l’Ukraine, donnant à la Chine un rôle accru en tant que médiateur, acteur diplomatique et stratégique dans la région du Golfe.

Plus précisément, à travers le nouvel accord, les engagements pris par les parties réaffirment le respect mutuel de la souveraineté, le principe de non-ingérence et la réactivation d’un accord de coopération en matière de sécurité signé en avril 2001. Ils conviennent également de coopérer dans la lutte contre le terrorisme, le trafic de drogue et le blanchiment d’argent, ainsi que de réactiver un accord commercial et technologique signé en 1998.

De nombreux observateurs considèrent qu’il est important d’analyser le rôle joué dans cet accord par le prince héritier Mohammed ben Salmane (MBS), dirigeant de facto du royaume saoudien, compte tenu de l’âge avancé de son père, le roi Salman bin Abdulaziz de 87 ans. Selon un observateur, alors que l’administration Biden a négligé ses alliés du Golfe, menaçant les Saoudiens de les transformer en « parias du système » et de freiner l’approvisionnement en armes, MBS aurait trouvé plus de pragmatisme dans la diplomatie chinoise montante.

Selon cette interprétation, l’annonce de la reprise des relations diplomatiques entre Riyad et Téhéran n’aurait pas dû surprendre la Maison Blanche, car elle a été le résultat inévitable des contraintes diplomatiques américaines, du déclin relatif de son leadership, de la guerre russo-ukrainienne et de la quête de la Chine pour étendre son influence en tant que puissance mondiale.

Enfin, la note la plus saillante de l’accord saoudo-iranien est que le médiateur était Pékin, un rôle traditionnellement exercé par Washington. Le Financial Times a mis en garde contre la mesure dans laquelle les aspirations géopolitiques renouvelées de la Chine ont été exposées. Il a noté que, pendant des années, Pékin avait limité son attention au Moyen-Orient aux questions économiques et commerciales, sans s’aventurer dans la politique et la sécurité. Les événements, véritables maîtres de l’histoire, semblent confirmer la tendance structurelle de l’époque. Au point qu’au niveau stratégique, dans des zones géographiques lointaines comme l’Ukraine et le golfe Persique, Pékin fait preuve d’une vocation diplomatique de médiation et de protection mondiale, à la mesure de son statut de superpuissance économique mondiale.

La dé-dollarisation comme tendance

L’un des effets mondiaux de la guerre en Ukraine a été l’augmentation générale de la nourriture et du carburant, qui a provoqué des taux d’inflation très élevés dans la plupart des économies et aussi aux États-Unis. Dans ce pays, le déclin du dollar et la croissance de sa dette sont les deux faces d’une même médaille. Le dollar américain a perdu 96% de sa valeur depuis la création de la Réserve fédérale en 1913, tandis que les emprunts gouvernementaux ont grimpé à plus de 120% de son PIB. C’est pour cette raison que le monde est en train de « dé-dollariser ». De nombreux pays réduisent la part du dollar dans leurs réserves, optant pour des réserves métallifères : or, dans une moindre mesure, argent et autres actifs libellés dans différentes monnaies.

À ces causes économiques, préexistantes à la guerre, s’ajoutent les sanctions contre la Russie qui l’excluent de SWIFT en tant que système de paiement international, empêchant la fluidité de ses transactions avec les pays européens, l’obligeant à réorienter ses échanges vers l’Asie, l’Afrique et l’Amérique latine. La même tendance peut être observée en Chine, qui, comme nous l’avons vu, réoriente ses échanges vers les pays membres du Conseil de coopération du Golfe, le Moyen-Orient, les pays de l’ASEAN, l’Afrique et l’Amérique latine, espaces dans lesquels le yuan tente de supplanter furtivement le dollar.

Une récente réunion des ministres des Finances et des gouverneurs des banques centrales de l’ASEAN, tenue le 28 mars 2023 en Indonésie, s’est concentrée sur la réduction de la dépendance du dollar, de l’euro, du yen et de la livre sterling sur leurs transactions intérieures et entre les pays de la région, en les remplaçant par leurs monnaies nationales. Cela signifie que le système numérique de paiements transfrontaliers approfondirait son expansion et permettrait aux pays de l’ASEAN d’utiliser leurs monnaies pour le commerce intra et extra-régional. Un tel accord de coopération avait déjà été conclu entre l’Indonésie, la Malaisie, Singapour, les Philippines et la Thaïlande en novembre 2022. En outre, la Banque centrale d’Indonésie a préparé son propre système de paiement national dans le cadre de cette tendance, comme indiqué le 27 mars 2023.

Lors de la même réunion, le Président indonésien Joko Widodo a exhorté les administrations régionales à établir l’utilisation des cartes de crédit émises par les banques locales et à annuler progressivement les cartes internationales telles que Visa et Mastercard et d’autres moyens de paiement liés au système de paiement occidental. Il a fait valoir que l’Indonésie doit protéger son système financier des perturbations géopolitiques, citant comme exemple les sanctions imposées à la Russie par les États-Unis, l’UE et leurs alliés, à la suite du conflit avec l’Ukraine. La sortie du système de paiement occidental est nécessaire pour protéger ses transactions « d’éventuelles conséquences géopolitiques », a déclaré Widodo. En Asie, seul Singapour a rejoint les sanctions contre la Russie, les autres pays continuent de commercer avec ce pays.

En Afrique, la présence de la Chine est notoire dans la plupart des pays du continent, à travers le financement et la construction de travaux d’infrastructures de transport, d’énergie et de télécommunications. La plupart de ces travaux sont financés par des swaps, qui génèrent comme contreparties actuelles du commerce et de la fourniture de produits de base en yuans tels que le pétrole, le gaz, le cuivre, les minéraux et les métaux précieux : or et diamants. En deux décennies, de 2000 à 2020, la Chine a investi 160 milliards de dollars en Afrique, construit 61 ports et 10 42 km de chemins de fer, (équivalent à la distance Buenos Aires-Madrid). Le type d’investissement est le modèle angolais, un grand exportateur de pétrole, un pays dans lequel elle a investi 42.600 millions de dollars. La Chine a une prédilection pour l’Afrique (le continent oublié), ce qui inquiète les anciennes métropoles coloniales d’Europe. Déjà Mao dans les années 70 avait financé la construction du chemin de fer entre la Zambie et la Tanzanie.

L’avancée de la Chine dans le commerce international tend à changer l’ancien modèle d’échange entre les pays. Aussi en Amérique latine où presque tous les États ont la Chine comme premier ou, dans certains cas, deuxième partenaire commercial. Le récent accord entre le pays leader de la région, le Brésil, et la Chine établit que : le yuan et le real seront les monnaies du commerce bilatéral. Cela signifie que 150 milliards de dollars ne sont plus échangés en dollars, mais en yuans et en reals. Cet accord important sera officialisé lors de la prochaine visite de Lula à Xi Jinping à Beijing.

Le Brésil a adopté la même solution pour ses échanges commerciaux avec l’Argentine dans le cadre du Mercosur. Il convient de mentionner que le groupe BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) se dirige vers une nouvelle monnaie qui peut remplacer le dollar américain, en commençant par l’utilisation de leurs monnaies locales.

Bref, la croissance exponentielle du commerce chinois dans le monde laisse moins de marge de manœuvre à la monnaie américaine, arbitre des échanges commerciaux, de 1944 (Bretton Woods), à nos jours.

Exorde

Cher et patient lecteur, j’espère avoir tenu ma promesse de lier la guerre actuelle en Ukraine aux changements dans le système monétaire et les paiements internationaux qui tendent à accentuer le déclin du dollar dans le commerce international et le rôle clé de la Chine en tant que nouvelle puissance commerciale, technologique et politique mondiale. Si j’y suis parvenu, l’objectif de la présente note aura été atteint.

Mais si vous épargnez ou avez des actifs en dollars américains, je me sentirais coupable d’ajouter une préoccupation de plus à celles que vous avez sûrement déjà. Laissez-moi vous dire quelque chose : ne pensez jamais à l’avenir du point de vue de la peur. En premier lieu, nous ne devons pas prendre à cœur ce que le Global Times affirme lorsqu’il déclare : « La grande histoire nous dit que le déclin de l’hégémonie commence par sa monnaie et que la dé-dollarisation est inévitable. » Ni quand il ajoute : « Si deux axes de l’hégémonie américaine se détériorent. L’une l’absence du monopole sur les armes nucléaires et leur supériorité militaire, et la seconde, la chute accélérée de la position du dollar en tant que réserve de valeur et d’échange, l’hégémonie prend fin ». Il s’agit en tout cas d’un processus très lent et désordonné, que le Royaume-Uni a traversé avec sa condition hégémonique et sa monnaie, la livre sterling, de 1919 à la Conférence de Versailles jusqu’en 1944 avec les accords de Bretton Woods. Il est vrai que, comme l’a dit Bouddha, les choses de ce monde sont « impermanentes » et ce qui n’arrive pas dans un siècle peut arriver en trois décennies.

Il est vrai aussi que le « pèlerinage européen à Pékin » a déjà commencé. Premièrement, le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez, afin de soutenir la proposition de paix en 12 points visant à négocier la détente entre la Russie et l’Ukraine ; puis la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, pour faire connaître à Xi Jinping la nouvelle « doctrine européenne » sur la Chine et, plus tard, le président français Emmanuel Macron, pour proclamer aux quatre vents le slogan de Charles De Gaulle : « L’Europe doit avoir une politique étrangère autonome et un système de défense collective différencié de l’OTAN, ne pas être un satellite américain. Pour ne pas être en reste, l’Amérique latine, à travers la visite du président Lula da Silva, expliquera la vocation intégratrice de la région, son adhésion à la multipolarité mondiale et son plan de paix entre la Russie et l’Ukraine. Tout cela est vrai, mais une question demeure : que vont faire les États-Unis pour maintenir leur position hégémonique politique, économique et monétaire ? Cela, comme dirait Rudyard Kipling, fait l’objet d’une autre histoire. Ou d’un autre article. Dans le prochain, je vous le dirai.

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*Doctorat en sciences juridiques et sociales de l’Universidad Nacional del Litoral, Argentine. Études supérieures aux universités Harvard et Tufts. Master en relations internationales de la Fletcher School of Law and Diplomacy. Ancien ambassadeur et secrétaire des travaux et services publics de la République argentine.

Allez à la source;

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Les médiocres de la classe politique nous conduisent à l’apocalypse, par Eve Ottenberg

Cet article en provenance des USA a le mérite de l’humour en décrivant une situation dans laquelle les politiciens des Etats-Unis, le gouvernement et les représentants du sénat et de la chambre rivalisent de stupidité. La description ressemble férocement à celle que l’on trouve chez les mêmes en France… Il y a indéniablement un problème de recrutement dans les “élites” politico-médiatiques de nos démocraties occidentales, un mélange d’aveuglement et de mégalomanie qui fait de ces médiocres un danger évident. Essayez de vous souvenir en lisant cette description de la manière dont nos politiciens crétins ont anticipé les décisions de Biden and co, y compris en proposant de mettre la main sur les avoirs russes ou votant unanimement la résolution 390 qui donne toute latitude à l’OTAN, sans jamais s’interroger sur ce qui avait pu pousser “le méchant Poutine” à intervenir… et remettre ça sur Xi… Pourquoi s’en priver quand on a une mentalité de néo-colonial sans en avoir les moyens. (note et traduction de Danielle Bleitrach pour histoireetsociete)
illustration: les Etats-Unis demandent au Japon de “nourrir leur animal de compagnie” qui estl’OTAN et qui dévore déjà pas mal les budget européens…

PAR ÈVE OTTENBERGFacebook (en anglais)RedditMessagerie électronique

Source de la photographie: Démocrates du Sénat – CC BY 2.0

Les médiocres de Beltway se dirigent vers Armageddon

Notre gouvernement est dirigé par des sous fifres. Les médiocres du département d’État et de l’appareil de sécurité nationale ont pris le volant politique, parce que le président Joe Biden, comme la sénatrice Dianne « No Show » Feinstein et beaucoup d’autres dans notre vaste gérontocratie n’inspirent pas confiance. Et les résultats sont désastreux pour les Américains. La dé-dollarisation dans une grande partie de la planète et la possibilité d’une guerre sur deux fronts, éventuellement radioactive, contre la Chine et / ou la Russie. Vous pensez que ces deux scénarios sont tirés par les cheveux? Eh bien, le premier est déjà en cours, et quant au second, des néo-conservateurs enragés et des généraux chauvins quatre étoiles se sont déjà propulsés dans le vide du sommet et sur votre écran de télévision, et ces imbéciles ne peuvent pas imaginer perdre, alors maintenant nous nous rapprochons plus que jamais, même plus que pendant la crise des missiles cubains, du déclenchement de l’Armageddon nucléaire.

Imaginez le drone ukrainien qui a frappé le Kremlin le 3 mai et demandez-vous ce qui se serait passé si un drone russe était entré en collision avec le toit de la Maison Blanche? Nous, habitants de la planète Terre, avons tous beaucoup de chance, et en particulier ceux d’entre nous qui résident dans les villes américaines, que les dirigeants russes aient été assez rationnels pour ne pas cibler les métropoles occidentales avec des ogives nucléaires. Ils ont clairement indiqué qu’ils n’accepteraient pas plus de provocation, et pas plus les affirmations absurdes des médias américains selon lesquelles le Kremlin s’est attaqué lui-même avec des drones, des affirmations qui révèlent encore une fois deux faits tristes : premièrement, nos organes de presse pensent que nous sommes des abrutis et deuxièmement, ils répètent comme des perroquets les thèmes de discussion lancés par la CIA.

C’est la guerre chaude. A côté, il y a l’économique. Les fans du dollar comme la secrétaire au Trésor Janet Yellen aiment noter qu’il serait très difficile pour l’argent d’un autre pays de remplacer le billet vert comme monnaie de réserve mondiale. C’est vrai. Mais qui a dit que le monde devait avoir une monnaie de réserve ? Ce que la Chine, la Russie et les pays du Sud montrent, alors qu’ils cessent de négocier des dollars et se débarrassent des bons du Trésor américain, c’est qu’ils peuvent faire des affaires dans leurs propres devises et qu’ils le feront, après avoir été témoins des sanctions idiotes de Washington sur de nombreux pays et également avoir été terrorisés par la militarisation imbécile du dollar. Ainsi, la majeure partie du monde, à l’exception de l’Occident, prend maintenant des mesures pour abandonner financièrement les États-Unis. Le règne du dollar touche à sa fin, et bientôt nous, Américains, serons confrontés à un avenir radicalement modifié et incontestablement plus sombre. Tout cela grâce à la stupidité des gens très au ras des pâquerettes au sommet à Washington, à commencer par l’administration Clinton.

Quant à l’alliance sino-russe, n’importe qui avec un cerveau normalement constitué pouvait la voir venir. Mais pas nos membres du Congrès. Et ceux qui avaient été prévenus d’avance semblent n’en avoir pas été le moins du monde affectés. Dès 1997, le sénateur Joe Biden a raconté : « Et puis les Russes me disent : ‘Si Vous continuez à développer l’OTAN, nous allons nous lier d’amitié avec la Chine’. J’ai failli éclater de rire. Je pouvais à peine me contenir, j’ai dit ‘Bonne chance les gars. Si ça ne marche pas avec la Chine, essayez l’Iran’. » Eh bien, qui rit maintenant? Pas le président américain, qui ne peut même pas obtenir du dirigeant chinois qu’il réponde à ses appels téléphoniques. Pas le peuple américain, qui, selon certains sondages (58%, selon un sondage Reuters-Ipsos en octobre), craint que cette administration de qui ne jouit d’aucune personnalités exceptionnelles ne fasse enrager le colosse russo-chinois et ne se retrouve pris dans un holocauste nucléaire.

Pendant ce temps, le Congrès jette de l’huile sur le feu sur cette benne à ordures politiques avec sa résolution sur la victoire ukrainienne. À la Chambre, le démocrate du Tennessee Steve Cohen et le républicain de Caroline du Sud Joe Wilson ont parrainé ce projet de loi. Une résolution complémentaire, présentée par les sénateurs – le démocrate du Connecticut Richard Blumenthal, le chouchou libéral et démocrate du Rhode Island Sheldon Whitehouse, et le républicain de Caroline du Sud Lindsay « Bombs Away » Graham – percole maintenant dans cette chambre du Capitole. Cette législation très malheureuse et extrêmement provocatrice prescrit « la restauration des frontières de l’Ukraine de 1991 et l’intégration de l’Ukraine dans l’OTAN après la fin de la guerre », selon Daniel Larison dans Responsible Statecraft du 28 avril.

C’est ce qu’on appelle solliciter les ennuis. Parce que ce sont précisément les points qui ont conduit à l’invasion de la Russie en premier lieu. Moscou a tenté de négocier la non adhésion de Kiev à l’OTAN, mais Washington a regardé ailleurs. Et en ce qui concerne les Russes qui peuplent le Donbass, eh bien, il semblait que l’Ukraine avait un nettoyage ethnique pour eux sur son calendrier, et l’Occident ne s’y est pas opposé. La Russie a donc envahi. En bref, le Congrès vante maintenant activement sa propre recette pour la Troisième Guerre mondiale nucléaire, puisque c’est ce que l’attente de la victoire ukrainienne apportera.

La même semaine d’avril, l’OTAN a livré des armes à l’uranium appauvri à Kiev. À l’est, les États-Unis ont déclaré qu’ils amarreraient des ogives nucléaires en Corée du Sud pour la première fois en 40 ans, malgré les promesses de longue date de dénucléarisation de la péninsule coréenne. Sans surprise, Pékin a réagi avec fureur. L’impitoyable Washington a-t-il décidé que s’il ne peut pas gouverner le monde, il le détruira ? Difficile à dire, car il est encore plus difficile de dire qui contrôle vraiment le navire d’État nord-américain – mais qui que ce soit, nous avons besoin d’un changement, immédiat, parce que le courant à l’intérieur du gang de Beltway semble sur le point de couler le navire au fond de l’océan.

Mais revenons à l’argent. En 2022, « la part en dollars des monnaies de réserve a glissé 10 fois plus vite que la moyenne des deux dernières décennies », a écrit Pepe Escobar dans le Cradle le 27 avril. « Maintenant, il n’est plus exagéré de prévoir une part mondiale en dollars de seulement 30% d’ici la fin de 2024. » Pour cette catastrophe économique qui frappe les États-Unis, le blâme incombe carrément à la Maison-Blanche.

À la demande de l’administration Biden, 7 milliards de dollars d’argent afghan ont été sanctionnés, c’est-à-dire volés, et 300 milliards de dollars d’actifs russes. Vous ne pouvez pas espérer faire des bêtises de ce genre sans retour de flamme. Mais la clique Biden pensait qu’il est réellement possible de le faire, puisque Washington a sanctionné le bas de laine de tout le monde et même de leur grand-mère à partir du régime Clinton. La coterie Biden avait tort, cependant. Ils ont surjoué leur main, et maintenant le dollar est sur son long et lent chemin pour devenir kaput, alors que nous, Américains, sautillons sur le chemin où l’on cueille de la primevère vers la pénurie. Selon Escobar, le déclencheur « a été en février 2022, lorsque plus de 300 milliards de dollars de réserves de change russes ont été « gelés » par l’Occident collectif, et tous les autres pays de la planète ont commencé à craindre pour leurs propres avoir à l’étranger ». C’est un travail de pro de la Maison Blanche.

Une fois que la part mondiale du dollar est tombée à 30%, il n’est plus vraiment la monnaie de réserve. Et puis nous, les Américains, commençons à sombrer dans une mer d’hyperinflation. « La demande d’obligations libellées en dollars s’effondre lentement mais sûrement. Des milliers de milliards de dollars américains commenceront inévitablement à rentrer chez eux, brisant le pouvoir d’achat et le taux de change du dollar. Il y a là matière d’exploit pour le président qui a crié « le rouble sera dans les décombres! » Eh bien, ce n’est pas le cas. Et le pronostic pour NOTRE monnaie n’est pas rose – avec cette baisse plus tôt que les gros bonnets ou les économistes de Beltway ne l’avaient prédit.

Il y a cependant un côté positif à cette calamité, à savoir la fin de l’empire et la restauration possible d’un semblant de république. « La chute d’une monnaie militarisée finira par briser toute la logique derrière le réseau mondial américain de 800+ bases militaires et leurs budgets de fonctionnement. » La chute du dollar pourrait même mettre en veilleuse le rendez-vous de l’humanité avec l’annihilation nucléaire, précipitée par les “faucons chinois” du Congrès américain. Nous serons donc pauvres pendant un certain temps, ici au cœur de l’ancien Empire Exceptionnel, mais, défiant les mauvaises sorts créées pour nous par nos dirigeants, nous serons toujours en vie.

Eve Ottenberg est romancière et journaliste. Son dernier livre est Roman Summer. On peut la joindre sur son site Web.