De la Russie dans la France profonde.
Le cadeau des voyages et des rencontres inattendues.
Dans la France profonde où je suis venue passer quelques jours chez
des amis, une rencontre riche avec un créateur qui a vécu à Moscou et
à Donetsk, avant la catastrophe, c'est à dire Maidan, la guerre,
Odessa.
Nos regards se croisent. Une connaissance de la vraie vie là bas. A Donetsk, il avait posé ses valises et ouvert son atelier.
Il est exaspéré, comme je le suis souvent, par les discours monochromes répandus ici. Ce qui a motivé la création de ce blog.
Depuis, il ne va plus dans le Donbass. À Kiev aussi il avait
acquis une certaine notoriété, de nombreux passages à la télévision, sa
démarche intéressait. Avant 2014.
1- La guerre.
Oui, elle continue même si elle n'intéresse plus personne ici.
De l'aéroport de Donetsk à la ville, il y a 20 km d'une route à 4
voies. Les hélicoptères ont craché leurs missiles tout le long. La
route était jonchée de cadavres.
Il raconte et il les voient encore.
2- les journalistes
Je devrais écrire des journalistes, par respect pour ceux qui
continuent à honorer cette profession, bien qu'ils soient moins
nombreux que ceux qui la déshonorent dans les "grands " médias.
"je me suis fait plein de fric en enjambant des cadavres" raconte, goguenard, un journaliste français.
3- Odessa.
2 mai 2015. J'ai raconté ce massacre dans le blog. J'étais à
Moscou et nous étions en état de choc en voyant les images en quasi
direct que diffusait la télévision.
Lui aussi a été profondément choqué : comment peut on si rapidement attiser des haines dans une population.
Remarque personnelle : le pouvoir de Kiev y travaille
scrupuleusement. Réécriture de l'histoire, interdiction de la langue
russe, holodomor, culte de Bandera et des nationalistes ukrainiens
compromis avec Hitler...
Il a assisté au défilé aux flambeaux des néonazis dans le centre
de Kiev sur fond de Carmina Burana. "J'en ai des frissons rien qu'à le
raconter "...
4- La Russie de Poutine.
Il y a vécu et travaillé un an.
Incompréhension totale entretenue chez nous de ce qu'est ce pays et
ce que sont ces gens. Ce sont des gens de grande culture et très
soucieux de leur indépendance. Très attachés à leur histoire, leurs
racines. Ils en sont fiers.
La religion omniprésente permet la cohésion. Sur ce point nos points
de vue se séparent. Oui, la religion est très présente, joue un rôle
très politique auprès de Vladimir Poutine, ce que pense aussi mon
interlocuteur. Et qu'il approuve.
Il y a plutôt un sentiment religieux diffus que j'analyse comme
une réminiscence du paganisme animiste culturel, très fort toujours,
encouragé par les tremblements sociaux, "quand le ciel vous tombe sur
la tête". Ainsi les expressions invoquant dieu sont omniprésentes. Dieu
m'en garde, Dieu m'en préserve, grâce à Dieu, etc... etc...
Mon interlocuteur donne une analyse pertinente pour expliquer la très
grande impopularité de Vladimir Poutine en Occident, parmi les élites
et les éditorialistes à leur solde : la Russie n'a pas de dettes.
Elle ne crache pas au bassinet des grandes banques...De ce point de
vue, incontournable dans ce capitalisme financier, elle est
indépendante. C'est le diable.
J'ai volontairement intitulé ces remarques " la Russie de Poutine "
car c'est la première réaction qui m'est opposée quand j'évoque mon
lien avec la Russie. Sur tous les tons, inquiet, ironique, cynique...
"Tu es pro-Poutine?" Je peux ainsi mesurer l'ampleur et la force du
conditionnement à l'oeuvre.
Nous nous sommes séparés, heureux de ce moment inattendu. Finalement
pas si rare. Mon intérêt pour la Russie suscite de bien belles
rencontres.