Un article de Marc FIORENTINO
Sale semaine pour les Espagnols.
Non contents d'avoir vu leurs deux clubs de foot fétiches se faire éliminer de la Ligue des Champions, les agences de notation s'en prennent à nouveau à leur économie. Standard & Poor's (S&P), l'agence de notation américaine, a dégradé ce jeudi 26 avril, la note de la dette souveraine espagnole de deux crans, après l'avoir déjà fait en janvier.
Celle-ci passe de "A" à "BBB+", avec perspective négative. L'Espagne est donc désormais relayée au rang d'émetteur de qualité "moyenne" et une nouvelle dégradation est à l'ordre jour. "Cette annonce était attendue, tempère l'ex trader et patron de MonFinancier.com Marc Fiorentino. Mais l'Espagne fonce droit dans le mur". S&P évoque des risques de dérapages budgétaires qui risquent d'être plus importants que prévu.
Et, un malheur n'arrivant jamais seul, l'Espagne a annoncé ce vendredi que le chômage avait atteint un niveau record depuis 1996 à 24,44%. Le pays compte désormais 5,7 millions de chômeurs.
L'Espagne a pourtant pris le taureau par les cornes
Au contraire de la Grèce, à qui l'Europe a reproché de ne pas avoir su prendre les mesures qui s'imposaient à temps, le gouvernement de Mariano Rajoy a voté en fin d'année dernière des plans d'austérité drastiques, qui permettra d'économiser 16,5 milliards d'euros. Une décision politique difficile à prendre, et qui a provoqué de nombreuses grèves dans le pays à la fin du mois de mars.
Le 12 avril dernier, le ministre des finances français François Baroin avait d'ailleurs souligné que "l’Espagne ne peut pas se permettre le luxe de dévier sa route (…) Le gouvernement français a confiance dans les mesures adoptées par
l’Espagne pour réduire le déficit public". Et, dans son communiqué, l'agence S&P elle-même reconnaît que "malgré les conditions économiques défavorables, nous pensons que le nouveau gouvernement a été volontariste et a mis en place une gamme complète de réformes structurelles qui devraient soutenir la croissance économique à long terme"
Résoudre la quadrature du cercle
La situation de l'Espagne résume bien les problèmes que relèvent tous les dirigeants en Europe: comment réduire son déficit et sa dette sans tuer la croissance ni faire exploser le chômage. Ils sont de plus en plus nombreux à réclamer une politique européenne de relance de la croissance. Les marchés eux-mêmes craignent que le retour de la croissance mondiale ne profite pas à l'Europe à cause, justement, de leurs politiques d'austérité.
Car, pour faire simple, il s'agit d'un jeu de vases communicants. En caricaturant un peu, mener une politique d'austérité, réduit le déficit mais aggrave la situation économique. Moins d'impôts rentrent dans les caisses, plus d'argent en partent (indemnités chômage par exemple) et donc... le déficit s'aggrave. Les marchés ont donc moins confiance dans le pays et prêtent plus cher, ce qui aggrave encore la situation financière car il faut payer plus pour emprunter plus. Inversement, mettre en place une politique de croissance coûte cher et exige d'emprunter à nouveau sur les marchés, en aggravant son déficit, et sans avoir de résultat garanti.
La situation de l'Espagne est en réalité bien plus grave que celle de la Grèce à deux égards. D'une part, il s'agit d'une économie beaucoup plus importante: la quatrième économie européenne. Sauver le pays coûterait encore plus cher que la Grèce. D'autre part, elle est symptomatique de ce que l'on voit déjà au Portugal, en Italie, en Irlande, et, dans une bien moindre mesure, en France (où le chômage a lui aussi fortement augmenté). Panorama de la situation de l'autre côté des Pyrénées:
1. Les agences de notation sanctionnent la situation. Le 8 octobre dernier, Fitch, l'une des trois grandes agences de notation mondiale, avait baissé la note de l'Espagne de deux crans. Et, le 13 janvier 2012, S&P avait fait de même. La nouvelle était passée relativement aperçue en France où l'on s'était focalisé sur la perte du triple A. Cette nouvelle dégradation de S&P, ce vendredi 27 avril, peut paraître injuste aux yeux des Espagnols. Mais elle sanctionne une situation difficile.
2. Le déficit dérape. "Nous pensons qu'il existe de forts risques que la dette souveraine espagnole s'aggrave" a justifié l'agence S&P dans son communiqué. Ce n'est pas nouveau. En mars dernier, Hermann Von Rompuy, président de la Commission européenne, avait annoncé qu'il allait envoyer des inspecteurs en Espagne pour contrôler les finances publiques. le gouvernement espagnol. Peu de temps auparavant, le gouvernement de Mariano Rajoy avait en effet annoncé que le déficit 2011 s'éleverait à 8,5% au lieu de 6% et, qu'en 2012, il s'établira à 5.8% au lieu de 4.4%. L'agence S&P, elle anticipe plutôt 6,2% en 2012 (et 4,8% en 2013).
3. La dette va exploser.La dette publique de l'Espagne, bien que très inférieure à la moyenne en zone euro, devrait bondir de plus de onze points en 2012, à 79,8% du PIB, selon le gouvernement. Elle est en hausse continue depuis le premier trimestre 2008, où elle atteignait 35,8%.
Selon l'agence, la perspective négative associée à la note prend en compte les "risques importants" qui pèsent sur la croissance économique de l'Espagne et ses comptes budgétaires, et les effets que cela devrait avoir sur la note de crédit du pays.
4. Le chômage bat des records. Ce vendredi 27 avril, l'Espagne a annoncé qu'elle comptait à la fin du premier trimestre près de 5,7 millions de chômeurs, soit un taux de 24,44%, le plus élevé depuis le début de la série statistique en 1996. La situation s'est donc aggravé depuis la fin 2011 où le taux de chômage atteignait 22,85%, selon l'Institut national de la statistique (Ine). La progression du chômage s'est encore accélérée puisque 374.000 personnes ont perdu leur emploi au premier trimestre de cette année, contre 295.300 durant le dernier trimestre 2011.
5. Le pays est entré en récession. La Banque d'Espagne table sur un recul du PIB de 0,4% au premier trimestre par rapport au précédent, où il avait baissé de 0,3%.
Des chiffres plus alarmants que prévu, qui seront confirmés officiellement lundi prochain par l'Ine. Avec deux trimestres de baisse du PIB consécutif, l'Espagne est donc entrée à nouveau en récession, après sept trimestres consécutifs de hausse. Et ce, malgré une amélioration de la compétitivité. "L'économie espagnole commence 2012 en situation de rechute" avait estimé la Banque d'Espagne. "Son évolution les prochains trimestres est sujette à l'incertitude et à certains risques à la baisse".
6. Les banques vont devoir être recapitalisées. On croyait les banques sauvées depuis la recapitalisation étant intervenue suite à la crise de 2008. Il semble bien que non. Le secteur bancaire espagnol est l'une des grandes sources d'inquiétudes des marchés, car il est fragilisé depuis l'éclatement de la bulle immobilière en 2008. Mercredi déjà, le FMI avait appelé l'Espagne à aller plus loin dans l'assainissement de ses banques afin de "remédier aux faiblesses qui demeurent" malgré une grande réforme du secteur financier. Les résultats de la banque Santander jeudi 26, ont bien montré la fragilité des établissements financiers espagnols: elle a annoncé un bénéfice net en baisse de 24% au premier trimestre. La principale raison? Santander a dû prévoir des provisions pour couvrir les défauts de paiements des propriétaires espagnols auxquels elle avait prêté à tour de bras et qui ne peuvent plus rembourser leur crédit.
7.Crise immobilière. Ceux qui ont arpenté les côtes espagnoles peuvent en témoigner: on a beaucoup construit en Espagne ces dernières années. Beaucoup, et souvent mal. Les banques n'ont pas été suffisamment regardantes sur la solvabilité des acquéreurs et le nombre de défauts (propriétaires ne pouvant plus rembourser leur crédit) a explosé. Et avec eux la bulle immobilière sur les prix. Dans leur ensemble, les banques espagnoles doivent augmenter leurs fonds propres pour couvrir plusieurs milliards d'euros de défauts potentiels. Il faut dire que, jusqu'en 2007, l'Espagne construisait environ 700.000 logements par an. Autant qu'en France à l'époque alors que le besoin n'est pas le même (la France souffre d'un déficit chronique de logements). Aujourd'hui, le gouvernement estime q'il y a 700.000 logements inoccupés en Espagne. Et les experts, eux, tablent plutôt sur un chiffre de 1,5 million!
8. Crise boursière. Les investisseurs fuient l'Espagne dont les perspectives ne sont pas suffisamment attractives. Ce vendredi, l'indice boursier espagnol était en baisse de près de 1% à 10h30. Et, depuis le début de l'année, l'équivalent de notre CAC40 est passé de 8724 à 6970 points, soit une chute de 20%. Les entreprises espagnole ont donc de plus en plus de mal à se financer sur les marchés et donc investissent de moins en moins. Et, à terme, cela se ressent forcément sur la croissance.
Une solution forcément globale?
Il semble de plus en plus compliqué de prendre les cas, grec, espagnol, et demain portugais, italien, etc. isolément. De plus en plus d'investisseurs attendent une réponse plus globale à la crise de la dette, mais aussi à la crise de la croissance. Bref, tenter de tourner définitivement la page de la crise financière qui agite l'Europe depuis la faillite de Lehman Brothers.
Marc Fiorentino va même plus loin: "Nous nous dirigeons vers une restructuration globale de la dette européenne. Il n'y a pas d'autre solution, c'est mathématique".
( Le titre est de Pedrito)
( Le titre est de Pedrito)
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