Grimau par Lorjou
La Canaille se souvient de ce printemps 63 à Paris et des meetings et rassemblements. Pas de la manif annoncé par l'Huma où il était un peu jeune pour y accompagner son père.
Il ne parlera pas de ses souvenirs parisiens tant ceux que Roger à mis en ligne portent de force.
Voici en vous rappelant le chemin pour aller lire chez Roger ( lien pour aller chez Roger) voici in extenso la superbe page qu'il a mis en ligne munie chez lui d'un accompagnement sonore en mémoire de Julian Grimau et de la colère qui traversa le pays quand Franco le fit assassiner
Julian
Grimau Garcia était fusillé le 20 avril 1963, à 6h30 du matin
à la prison de Carabanchel de Madrid.:
"Le 20 avril 1963, je n'avais pas encore treize ans. J'avais
quitté mon quartier populaire de Narbonne pour une HLM à
Port-la-Nouvelle, village voisin où mon père était ouvrier dans une
usine. Pour me rendre chaque
jour au collège d'enseignement général de Narbonne, je prenais une
micheline à 6h 30 du matin et revenait chez moi par un train tard dans
la soirée. Tant que
je n'avais pas déménagé avec mes parents, le collège était pour moi le
prolongement naturel de l'école communale Elysée Reclus de Narbonne. J'y
retrouvais mes camarades, pour la plupart fils du prolétariat ou
d'autres enfants de petits artisans.
Or,
ces voyages en train me permirent de découvrir la différence entre
enfants des couches populaires et
leurs homologues des classes aisées. Les premiers, dont ma pomme,
prenaient le train pour un collège d'enseignement général, les autres,
une infime minorité, pour le vénérable collège Victor
Hugo, établissement où l'on rémunérait les professeurs et on payait
de sa poche les manuels scolaires. Dire que m'apparut aussitôt la lutte
des classes serait mentir et quand j'en parlais dans ma
famille, on ne me félicitait d'être le premier de tout le clan
familial à avoir dépasser le niveau du certificat d'études.
Comme
j'arivais aux alentours de 7h du matin en gare de Narbonne, avant la
rentrée des classes, je me rendais chez mes
grands-parents maternels immigrés espagnols, dans l'immeuble natal
que j'avais quitté. Invariablement, je croisais mon grand-père partant à
bicyclette. Il allait donner sa force de travail
d'ouvrier agricole à un chirurgien narbonnais propriétaire également
d'un océan de vignes.
Ce matin du 21 avril 1963, mon papé m'attendait sur le pas de la porte. Il
avait l'air grave et les yeux rougis, comme s'il passa une très
mauvaise nuit. J'avais mis ça sur le compte de la fatigue: à 63 ans,
s'échiner par tous les
temps dans les vignes creusait la vie d'un travailleur.
Mais non, ce fut de Julian
Grimau qu'il m'entretint, dans sa langue mêlée de catalan et de français:
"Hier, me dit-il, ils ont assassiné Julian Grimau en Espagne. C'est un crime des fascistes au
pouvoir".
Et il me donna une pièce de monnaie avant de monter sur sa bicyclette, puis dit:"Tu achèteras le journal l'Humanité en
gare ce soir en repartant chez toi".
Ce que je fis, sans rien entendre à ce Julian Grimau ni à ces fascistes qui gouvernaient l'Espagne de mes grands-parents,
comme je n'avais jamais entendu parler de l'Huma.
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Plus
tard, mon grand-père me parla de son engagement au sein de la CNT-FAI
durant la guerre civile espagnole, de son pays
natal garrotté par le dictateur Franco que toutes les démocraties
reconnurent à la Libération, de ce pays où il lui était impossible de
revenir et qu'il aimait toujours.
Mon grand-père Andal Casas partit à le retraite à 65 ans avec une carte de la CGT en poche.
Julien
Grimau, secrétaire du Parti communiste clandestin espagnol, sera arrêté
par la police politique franquiste
le 7 novembre 1962. Torturé, défenestré, il ne parlera pas. Traduit
devant un conseil de guerre le 18 avril 1963, il est fusillé deux jours
après, malgré une campagne internationale en sa
faveur.
Hier, dans Madrid, contre l'austérité, des milliers de manifestants sous le drapeau de la République espagnole assassinée
par le général Franco après son coup d'état militaire.
Aujourd'hui, j'ai toujours l'Espagne républicaine au coeur."
Que se vayan todos: qu'ils partent tous!
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