QUI POURRA
LUI DONNER UNE CHANCE?
C’était
début janvier, au Carnaval du Toro, de Ciudad Rodrigo, nous avons
découvert un novillero Sud Américain. Valeur, pureté des gestes,
détermination, présence, ont immédiatement emballé les tendidos.
Aussitôt, Javier entreprit de connaître qui était ce garçon, d’où
il venait.. Tous deux nous sommes ensuite allés à sa rencontre.
Voici son histoire, telle que le garçon nous l’a contée.
Sébastian
CASTILLO est Vénézuélien, il a 28 ans, cela fait 9 ans qu’il est
arrivé en Espagne. Mais faute de papiers, il est resté caché
pendant 5 ans. Et a vécu des années d’incertitude, depuis lors il
n’a jamais pû retourner dans son pays. Mais, précise-t-il, il est
venu en Espagne pour devenir torero, et il a appris à toréer ici,
en Espagne, parce que chez lui, à SAN CRISTOBAL, personne n’a
voulu l’aider à se faire connaître.
Il
précise : "Mon père est Péruvien, ma mère du Vénézuéla.
A 17 ans, comme je voulais toréer, je suis allé rejoindre mon père
au Pérou, où il vit avec une autre femme. J’ai toréé au Pérou,
puis en Colombie, mais pas de manière satisfaisante ni convaincante.
L’école
taurine, là bas, est rare, et se pratique avec des moruchos, des
élevages sans aucun renom, inconnus, et cela ne me convenait pas. Ce
fut pourtant mes premiers pas dans ce monde taurin. Je suis donc
retourné dans mon pays pour tenter d’amasser quelques sous, et
partir pour l’Espagne, terre de toreros.
Et
je suis arrivé en Espagne. Avec 50 euros en poche et sans connaître
personne... J’étais seul et totalement perdu. Il me fallait
survivre, sans un haricot pour repas. Pendant 15 jours, je pris comme
travail tout ce qui s’offrait à moi, car j’étais clandestin,
sans papiers. Il me fallait en obtenir. Pour vivre dans la légalité.
Au Pérou et en Équateur, il n’y avait aucun problème de ce type.
Mais en Espagne, ce n’est plus du tout pareil. Je devenais fou, et
pourtant je voulais avant tout rester ici. A Caracas, j’avais
travaillé nuit et jour pour pouvoir payer le billet du voyage, je
gagnais 150 euros par mois, et il m’en fallait 2.000 (!!)
Rendez-vous compte du pari fou que je devais gagner ! Mon rêve
devait aboutir....La faim m’importait peu, ni dormir dans les rues,
seul comptait pour moi de réunir la somme nécessaire pour traverser
l’Atlantique»
Pour
moi, les mots de Sébastian résonnent durement. Ce qu'il a dû
endurer....Il continue : « Les 50 euros n’ont pas pesé
longtemps dans la poche. Comme je ne savais pas où dormir, dès mon
arrivée, j’ai cherché un hôtel, dès le premier soir, pour me
reposer. Je ne pensais plus trop au toreo, en ces moments, il me
fallait avant tout vivre au jour le jour... Et là, il m’est arrivé
une chose incroyable. Un homme me demanda de lui indiquer une rue où
se trouvait une discothèque, et comme justement je l’avais
repérée, dans le quartier, j’ai accompagné cet homme jusqu’à
la discothèque. En marchant, il me demanda ce que je faisais, je lui
répondis que je cherchais du travail, et lui racontai mon histoire.
Il m’invita à boire une bière, et je lui répondis que j’avais
seulement besoin de trouver un endroit pour manger et dormir. Que je
voulais seulement trouver du travail. Il me raconta alors qu’il
était militaire à El Berron , province de Gijon, dans les Asturies,
mais militaire Colombien, avec la double nationalité. Ce qui me
surprit beaucoup, parce qu’au Vénézuéla, il est impossible
d’être militaire, pour qui n’est pas né au pays. Il m’offrit
alors de partager son appartement, sachant que je traversais des
moments difficiles, comme lui même en avait connus. Et il ajouta :
« Aujourd’hui tu as un toit, la corrida et le travail c'est
à toi de les chercher. Ici, dans les Asturies, il y a peu
d ‘émigrés, tu pourras trouver plus facilement du boulot »
« Que
pensez-vous de cette histoire, ajouta Sébastian ? Rendez-vous
compte : rencontrer quelqu’un qui t’offre tout, alors que tu
ne le connaissais même pas. (Rires) Il m’est passé mille choses
dans la tête, après tant de revers, de privations... En repartant
dans les Asturies, - le soldat partait ensuite vers Marbella - il m’a
laissé les clés de son appartement.... »
La
suite, on résume.... « La Guardia Civil m’a arrêté parce
que je circulais à pied sur l’autoroute, j’ai marché 60 km,
j’ai voyagé en train sans billet, j’avais faim et j’étais
exténué, j’ai travaillé dans une cidrerie, - il est plus
difficile de verser du cidre que d’avaler un parapluie ouvert-,
j’ai enfin obtenu des papiers au bout de cinq ans, mais pendant que
j’étais sans papiers, on me payait 500 euros, sans que je puisse
revendiquer quoique ce soit, alors que mes copains touchaient 1500
euros pour le même boulot. Au Vénézuéla, 100 euros que je pouvais
gagner étaient pour ma mère, qui se sacrifiait pour nous. Jamais je
ne la remercierai assez. Ici, j’ai commencé à économiser pour
m’acheter un costume de torero à un novillero qui se retirait des
ruedos : 1800 euros ! Puis petit à petit, tout le
nécessaire pour toréer. Les papiers m’ont également coûté
beaucoup. Je fus à Madrid, quand j’ai régularisé mes papiers,
puis à Séville, j’ai toréé en habit dans les capeas, là où un
banderillero m’a remarqué. J’ai rencontré Julian Simon et Luis
Miguel Amado, nous sommes aujourd’hui amis. On m’offrit de toréer
devant des Santa Coloma, j’ai coupé quatre oreilles. J’ai
évidemment menti sur mon bagage, sur mon expérience. Et ensuite
j’ai envoyé le fruit de ce succès au Vénézuéla.
C’est
ainsi que commença ma carrière : à la Iglesuela, une
novillada sans picador, en 2012, puis j’ai toréé trois fois, 4
fois en 2013, rien en 2014, 3 novilladas en 2015. Dix fois donc en
sans piquée pour débuter en piquée. »
Sebastian
parle de sa vie, de ses sacrifices, de ses privations, avec sang
froid, détermination, sans rancoeur ni tristesse. Il tient à
réaliser son rêve, il ne continue sa lutte que pour y parvenir:
devenir torero! Quand il s’en fut à Séville, sans voiture, sans
rien, ses économies s’étaient envolées. Il se rendait en
auto-stop dans les tentaderos, il lui fallait marcher parfois de 1H à
7H du matin, Aurore Algarra peut en témoigner, dit-il, il dormait à
même le sol, et il lui fallait parfois aller à 100 km de là pour
participer au tentadero suivant. C’était dur, dit-il , mais
ces épreuves lui ont beaucoup appris. Jusqu’en avril 2013, où il
rencontre Chinito, matador Français, et son épouse, artiste
Canadienne, passionnée de tauromachie. Qui décide de l’aider.
Tous deux m’ouvrent la porte de leur maison. Aujourd’hui,
Sebastian vit à Séville, avec quelques amis Anglais à eux. Ils lui
ont offert de toréer et tuer un toro de cinq ans de Fermin
Bohorquez....
« Le
toro de Santa Coloma, continue-t-il, je savais qu’il me permettrait
de manger, j’ai voulu me livrer à fond, avec lui. Aussi, j’aime
le toreo de verdad, m’engager sans tricher, avancer la jambe...J’ai
parfois peur qu’un toro brise ma mère..... Je voudrais perdre la
vie dans une grande arène, mais....je préfère parfois renoncer,
parce que je si je me livre, c’est à fond. Donc, je reste
tranquille, je mesure le danger. On dit parfois que je suis fou de
toréer. Je voudrais qu’on me juge, qu’on voit ce dont je suis
capable. Roca Rey est connu grâce à Campuzano, vivement que
quelqu’un comme lui m’aide comme il aide Roca Rey.
Et
pour finir : "Je voudrais qu’on me donne une chance. MA
chance. Je ne suis pas venu en Espagne en touriste, mais pour faire
mon trou dans ce dur métier. J’ai envie de triompher. Je n’ai
dans l’immédiat qu’une capea de prévue à Colmenar de Oreja en
Avril et rien d’autre. Mon téléphone me suit partout, j’attends
une opportunité qui se présentera..... »
Voilà
l’histoire résumée de Sébastian CASTILLO, telle qu’il l’a
contée. Tant d’abnégation, de ténacité, de courage, mériterait
bien un autre « miracle », comme celui de sa rencontre
avec ce militaire Vénézuélien qui lui a offert le toit, lorsqu’il
dormait dans la rue.
Un
maletilla des temps modernes....
Suerte
torero, en souhaitant qu’un organisateur Espagnol ou Français à
la recherche d’un novillero avide de toréer "y con cojones"
fasse sonner ton téléphone...
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