« La fin de l’Union Européenne » – Un constat implacable
http://lvsl.fr/fin-union-europeenne-constat-implacable
Un très bon article sur un livre qui paraît « à ne pas rater » lu
dans un blog que je ne saurais trop vous recommander (note de Danielle
Bleitrach)
Dans vos librairies le 5 janvier, « la fin de l’Union
Européenne » est le produit de la collaboration de Coralie Delaume,
essayiste et blogueuse, et
de David Cayla, maître de conférence en économie à l’université
d’Angers et membre des économistes atterrés, que nous avions par
ailleurs interviewé sur le protectionnisme. Les deux auteurs nous livrent une analyse à la fois lucide et brillante de ce qu’est devenue l’Union Européenne.
Tout y est. L’ouvrage est découpé en six chapitres très aboutis. Le
premier fait l’analyse des référendums qui ont eu lieu les dernières
années, la façon dont les peuples disent de plus en plus « Non » à
l’Union Européenne, et les conséquences importantes que ces scrutins
auront. Le second revient sur la crise grecque et les leçons qu’on peut
tirer de l’échec d’Alexis Tsipras. Dans ce chapitre, la façon dont la
BCE a montré toute son « indépendance » orientée et sa puissance de feu
contre la Grèce est magistralement décrite. Le troisième expose, à
partir de l’histoire longue et de façon accessible aux néophytes de
l’économie, la manière dont le marché unique européen et l’euro ont
produit de la divergence entre les économies européennes, au profit du
bassin rhénan.
Ensuite, le quatrième montre admirablement comment « Europe » et
« dumping » sont devenus de parfaits synonymes à partir du cas du
Luxembourg, paradis fiscal au cœur de l’Europe, et de l’Irlande, qui est
devenu le grand centre d’accueil des multinationales qui veulent
échapper à l’impôt. Le chapitre suivant nous offre une analyse
intéressante de la façon dont les institutions supranationales se sont
mutuellement renforcées, notamment grâce à la CJUE, cette institution
méconnue qui pratique un coup d’État juridique permanent.
Enfin, le dernier chapitre s’attarde sur le rôle de l’Allemagne, la
manière dont elle est devenue aujourd’hui quasi-omnipotente en Europe,
et la situation de servitude volontaire dans laquelle nous nous sommes
plongés vis à vis d’elle.
L’ouvrage est donc très complet sans être trop long pour autant.
L’analyse est précise et concise. Ce livre-bilan est néanmoins
implacable. L’Union Européenne est aujourd’hui dans une impasse, car
elle a voulu se construire comme une fédération à partir de méthodes impérialistes,
c’est-à-dire à la fois en dépit des peuples et contre eux. Le
« fédéralisme furtif » des technocrates de Bruxelles, celui des
conciliabules et des couloirs du Berlaymont, est arrivé à ses limites.
Le processus de détricotage a d’ores et déjà commencé avec la suspension
de facto de Schengen et de la convention de Dublin, la révolte
croissante des pays de la périphérie vis à vis du cœur économique de
l’UE, le chaos de la crise migratoire, la prise de distance des pays
scandinaves, ou encore le Brexit, qui met fin au mythe de l’irréversibilité de la construction européenne. Bref, la fin de l’Union Européenne a bel et bien commencé.
A l’appui, de nombreuses citations de responsables européens
totalement désabusés. Ainsi, les plus farouches européens auraient déjà
renoncé à leur projet : « L’Europe comme nous l’avions imaginée,
c’est fini. L’Europe que nous avions voulue, nous ne la connaîtrons
jamais. Et les États-Unis d’Europe, il ne faut plus y penser » a
déclaré François Hollande, le 23 juillet 2016. Le malade est donc en
état de mort clinique. Nos deux auteurs nous invitent à le débrancher
afin d’arrêter les frais.
Cette lecture a été tout à fait stimulante. Nous avons beaucoup
apprécié la finesse de l’analyse et sa maturité. L’aspect juridique, que
nous maitrisons encore assez mal, est très bien développé. On se rend
compte, à l’exposé des méthodes de la CJUE, que c’est bien ici que se
jouent les principes de la démocratie. David Cayla, pour sa part, montre
très bien comment l’Union Européenne s’est construite en mettant les
peuples en concurrence, en fragilisant les modèles sociaux, et en détruisant petit à petit toutes les protections des travailleurs.
Nous aurions néanmoins aimé que les auteurs mettent davantage en
avant des propositions concrètes. Car nous croyons précisément, ainsi
que le montre cet ouvrage, que la mort de l’Union Européenne est déjà
actée dans les têtes, et qu’à l’heure du démarrage de la campagne
présidentielle, il est temps de mettre en débat des propositions et une
vision politique pour sortir de cette ornière. On nous rétorquera
surement que cela ne relève pas de la responsabilité des auteurs de ce
ouvrage
Hormis cette petite réserve, c’est un livre qui vous fera réellement
réfléchir, et qui vous apportera un matériau riche et dense, tout en
étant agréable à lire. Le moment est venu que nous sortions des
interminables débats identitaires pour enfin mettre les grands sujets
sur la table, ceux qui engagent le destin de la nation tout entière. A
lire absolument donc. Courrez chez votre libraire – vous pouvez aussi
faire trois clicks et aller sur Amazon, pour les plus feignants – !
Crédit photo : Margot l’Hermite
Notes:
David Cayla est économiste. Il est membre du collectif Les Économistes atterrés.
Notes:
L'Union européenne est morte, mais elle ne le sait pas encore.
Elle est morte du rejet de ses peuples qui manifestent en toute occasion une répulsion sans réserve et une défiance sans retour.
Elle est morte de son inaptitude à régler les crises qui la secouent autrement que par de brutaux oukases ou par des simulacres de négociations, au terme desquels les pays les plus forts finissent par imposer leurs vues et où l'unique option qui s'offre aux plus fragiles est celle d'une humiliante reddition.
Elle est morte de l'échec spectaculaire de son modèle économique, échec conjoint du Marché unique et de l'euro.
Elle est morte, enfin, de son illégitimité démocratique, de ses fondations juridiques baroques, de ses traités qui ont remplacé la souveraineté populaire par une technostructure sans vision.
En vérité, il n'est même plus tout à fait temps de se demander s'il faut ou non "sortir de l'Union européenne". Car c'est l'Union elle-même qui est en train de sortir. Elle sort de l'Histoire, par la toute petite porte. Tout le monde en est-il bien conscient ? Peut-être pas. Faut-il le démontrer ? Sans doute.
Elle est morte du rejet de ses peuples qui manifestent en toute occasion une répulsion sans réserve et une défiance sans retour.
Elle est morte de son inaptitude à régler les crises qui la secouent autrement que par de brutaux oukases ou par des simulacres de négociations, au terme desquels les pays les plus forts finissent par imposer leurs vues et où l'unique option qui s'offre aux plus fragiles est celle d'une humiliante reddition.
Elle est morte de l'échec spectaculaire de son modèle économique, échec conjoint du Marché unique et de l'euro.
Elle est morte, enfin, de son illégitimité démocratique, de ses fondations juridiques baroques, de ses traités qui ont remplacé la souveraineté populaire par une technostructure sans vision.
En vérité, il n'est même plus tout à fait temps de se demander s'il faut ou non "sortir de l'Union européenne". Car c'est l'Union elle-même qui est en train de sortir. Elle sort de l'Histoire, par la toute petite porte. Tout le monde en est-il bien conscient ? Peut-être pas. Faut-il le démontrer ? Sans doute.
Biographie de l'auteur
Coralie Delaume est essayiste. Elle a notamment publié Europe, les États désunis (Michalon, 2014). Elle anime depuis 2011 le blog " L'arène nue ", consacré au projet européen.David Cayla est économiste. Il est membre du collectif Les Économistes atterrés.
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