A
notre époque, l’incertitude sur l’avenir est revendiquée comme une
force motrice nous forçant à « innover ». Mais plus demain est
incertain, plus cela nous paralyse, empêchant tout progrès véritable.
C’est ainsi que deux jeunes experts démolissent le mythe des start-up et
en appellent à un volontarisme politique.
Ah
! qu’est-ce que j’avais envie de vous le faire en anglais dans le
texte, surtout après les déclarations de Macron contre la langue Corse
et en faveur de la francophonie, lui qui baragouine de l’English à longueur de discours… Mais je veux être sympa, je vous le traduis : « Je
veux que la France soit une « nation start-up », c’est-a-dire non
seulement une nation qui travaille avec et pour les start-up, mais aussi
une nation qui pense et agit comme une start-up. »
« Une
nation qui pense et agit comme une start-up »… en voilà un beau
programme, énoncé par Emmanuel Macron lors du salon VivaTech en juin
2017 devant un parterre d’investisseurs étrangers. Malheureusement, à en
croire les start-uppers Nicolas Menet et Benjamin Zimmer, qui dirigent
l' »écosystème d’innovation » Silver Valley, destiné à l’anticipation
des besoins liés au vieillissement de la population, ce rêve est un
cauchemar.
Des succès, les start-up ? En fait 94 % d’entre elles font faillite au bout d’un an, expliquent-ils dans leur ouvrage Start-up, arrêtons la mascarade (1). Comme ils le disent, la valeur de nombreuses start-up est « totalement virtuelle« ,
ces entreprises ne rapportent rien, à l’image des stars comme Uber ou
Twitter, qui accumulent sous les bravos des milliards de dollars de
pertes. Et cela n’empêche pas le gouvernement d’y consacrer 10
milliards d’euros par an, soit le triple, mes amis, du budget annuel du
CNRS (2), toutes disciplines confondues, la physique, la biologie, la
sociologie, tout, vous dis-je ! Et cela sans aucune sélection ni aucun
discernement. Il suffit de dire le mot magique « start-up » et toutes
les bourses s’ouvrent, même si votre entreprise a un nom débile et que
personne ne comprend ce qu’elle fait.
Tout ça parce que le « mythe de la start-up a envahi les esprits. Or les start-up sont « le symptôme d’une société qui va mal et qui ne prépare pas son avenir« ,
sans que ne soit jamais posée la seule question qui vaille : « Est-ce
que tout cela a une utilité, un sens profond et collectif pour faire
progresser la société ? « En effet, loin d’être un paradis pour les
esprits créatifs et généreux, la Silicon Valley est propice à la « folie, l’égocentrisme et la cupidité.«
Les
start-uppers, des hommes presque toujours issus d’écoles de commerce et
d’ingénieurs, donc presque jamais des autodidactes, sont à mille lieues
de leur image d’êtres « cool, désirables héros des temps modernes« , qui peuvent « changer le monde » grâce à une « solution disruptive« . Ceux qui pensent que leur « vision singulière » fait d’eux des « artistes »
sont en vérité très souvent de beaux salauds qui exploitent sans
vergogne les jeunes dont les yeux brillent à l’évocation du monde
chimérique de la « Tech ». Menet et Zimmer n’hésitent pas à parler de « milliers de nouveaux prolétaires du digital », venus « assouvir les appétits des capitalistes« . Et ils dénoncent la « coolitude« , ces habitudes des start-up – tutoiement, bureau partagé, pas de hiérarchie apparente – n’ayant d’autre visées que de « leurrer et accentuer le contrôle des salariés« . Mais l’innovation, alors ? La plupart du temps, elle devient un but en elle-même, au détriment du progrès, « certes plus lent, mais plus réel et surtout plus pérenne.«
Contre
toutes ces dérives, nos deux jeunes auteurs ont une solution, la seule
possible ,sans doute, mais inattendue sous la plume de pionniers du
high-tech en ce début de XXIème siècle : « la planification des besoins
sociétaux ». pour eux, seule une définition collective des besoins
permettrait de faire face à la transition écologique, à la fin du
travail, ou aux défis posés par l’intelligence artificielle.
Et là, on touche au Graal : dans cette optique, la start-up ne serait plus une « organisation capitaliste éphémère qui gagne le plus d’argent possible en un minimum de temps« , mais un « rouage du système de planification« . Gloups.
Dans son discours, Manu disait que nous étions « au début ‘une nouvelle ère« . Mince, s’il avait su que c’était celle de la planification…
(1)
Paru le 7 févr. 2018 – 224 pages – 18, 50 €
Startup
! Voilà un mot qui fait rêver des générations entières, dans le monde
entier. Argent, richesse, gloire pour certains, innovation, progrès,
mission messianique pour d’autres, la startup est le lieu de presque
toutes les nouvelles utopies. Mais, problème… des millions d’euros
d’argent public subventionnent cet « écosystème » sans retour sur
investissement. Derrière le rêve, se cache une réalité plus rude. Il est
temps d’imaginer un vrai projet de société autour de cette nouvelle
manière de créer de la valeur. Ce
livre déconstruit le mythe du start-upper et propose un nouveau modèle,
plus mature et plus adapté aux enjeux des prochaines années. Il
s’adresse aux entrepreneurs, aux start-uppers, aux investisseurs et aux
dirigeants de l’innovation, issus de la sphère privée ou publique, et à
tous ceux qui se passionnent pour le temps présent et le monde qui
vient. Faisons de la start-up un projet de société plutôt qu’un phénomène sociétal !
(2) Le Centre national de la recherche scientifique est
un organisme public de recherche (Établissement public à caractère
scientifique et technologique, placé sous la tutelle du ministère de
l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation). Il
produit du savoir et met ce savoir au service de la société.
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