Le gouvernement par la peur
a de beaux jours devant lui, à moins que…
Par Dominique Muselet
mardi 28 avril 2020, par Comité Valmy
Le gouvernement par la peur
a de beaux jours devant lui, à moins que…
Comme chacun sait, les sentiments se divisent en deux
catégories, les positifs et les négatifs. Les deux ont leur utilité et
d’une certaine manière se complètent. Les sentiments positifs, l’amour
(agapé), la gratitude, l’admiration, engendrent une forme de symbiose
qui nous permet d’acquérir les qualités de ceux envers qui nous les
éprouvons. Les sentiments négatifs nous alertent sur ce qui ne va pas,
en nous ou à l’extérieur. Ainsi l’envie nous indique que nous
souhaiterions jouir de ce que nous envions, mais que nous ne nous
sentons pas capables ou dignes de l’obtenir. La peur, quant à elle, nous
signale un danger. Cependant, le danger peut être imaginaire, il faut
alors, sans paniquer, faire appel à notre jugement pour s’assurer de sa
réalité.
La peur nous est instillée dès l’enfance par des adultes
soucieux d’être obéis. Ils utilisent, pour cela, la violence indirecte,
menaces, chantage, culpabilisation, et la violence directe, cris,
colère, coups. Peu d’entre nous n’ont jamais connu l’une ou l’autre et
parfois les deux formes de violence. L’estime de soi en est altérée et,
devenu adulte, on continue à craindre l’autorité et à s’y soumettre sans
même se rendre compte que ce n’est pas normal. De sorte qu’il suffit
aux gouvernements de jouer avec cette peur qui sommeille en chacun de
nous pour obtenir ce qu’ils appellent la « paix sociale », en fait notre
soumission. Tous les gouvernements le font à des degrés divers.
Contre-pouvoirs
Cela ne pose pas trop de problèmes au citoyen moyen tant
qu’il y a des contre-pouvoirs qui tempèrent le pouvoir. Au Moyen-âge
par exemple, une époque tellement diffamée que l’image que nous en avons
est entièrement fausse, l’Eglise et la Royauté se disputaient le
pouvoir, et les populations jouissaient d’une assez grande liberté, même
les serfs qui avaient l’usage de leur lopin par droit d’héritage et
les femmes,
dont le statut s’est dégradé de la Renaissance au XIXe siècle. Les
commerçants essayaient de faire des affaires sans perdre leur âme, comme
en témoigne la formule « au nom de Dieu et du profit » qu’on trouve sur les livres de compte.
Tout près de nous, après la Seconde Guerre Mondiale,
l’équilibre des forces géopolitiques entre le bloc communiste et le bloc
capitaliste, qu’on a appelé la guerre froide, obligeait les
gouvernements à ménager leurs populations. L’acquisition de la bombe
atomique par plusieurs pays a contribué à instaurer une forme
d’équilibre par sa « force de dissuasion ». L’atmosphère avant la chute
de l’URSS était très différente d’aujourd’hui. Les populations
occidentales se sentaient libres et ne craignaient ni leur police, ni
leur justice, ni leurs voisins ; il y avait une certaine pluralité dans
les médias ; la finance était régulée, les monopoles capitalistes
aussi ; il n’y avait pas de chômage et un salaire d’ouvrier faisait
vivre une famille. La société était relativement équilibrée et
confiante. Tout a changé avec l’effondrement du mur de Berlin et la
Perestroïka. Les Etats-Unis sont devenus hégémoniques et leur modèle,
basé sur l’exploitation sans limite et par tous les moyens de tout ce
qu’il est possible d’exploiter, est devenu celui de la classe dirigeante
mondiale, à de rares exceptions près.
L’effondrement du contre-pouvoir géopolitique a entraîné
celui des contre-pouvoirs nationaux. La gauche s’est ralliée au dogme
libéral et la justice et les médias se sont mis à son service.
Voyant s’ouvrir un boulevard sur un eldorado sans
limites, la classe dirigeante, unie et solidaire comme les conquistadors
en Amérique, a perdu toute mesure et s’est lancée dans une course au
profit aussi folle que destructrice. Plus rien ne l’arrêtera. Il n’y a
aucun espoir qu’elle prenne conscience qu’elle nous entraîne dans
l’abîme. L’être humain a tendance, en cas de difficulté, à faire
toujours plus de la même chose, alors même qu’il faudrait opérer des
changements de niveau, comme l’a très bien montréPaul Watzlawick. On ne peut pas non plus compter sur le fait qu’un jour, il n’y aura plus rien ni plus personne à exploiter.
Techniques d’influence et de surveillance
En plus de réunir toutes les composantes de l’oligarchie
internationale, la classe dirigeante dispose de ressources
psychologiques et techniques dont il est coutume de dire qu’elles
dépassent les plus folles espérances des pires dictateurs.
En 1990 Joseph Nye a donné le nom de « soft power » aux
techniques d’influence, en opposition au « hard power », l’agression
militaire. Ces techniques peuvent être visibles ou invisibles. Les
visibles vont de la menace à la séduction, en passant par la corruption,
le chantage, les sanctions. Les puissants en ont toujours usé. Ce qui
est plus nouveau, c’est la manipulation à grande échelle, plus
pernicieuse, car le plus souvent indétectable. Edward Bernays
est considéré comme le père de la propagande politique et d’entreprise,
ainsi que de l’industrie des relations publiques, qui ont fortement
contribué à développer le consumérisme américain. Il explique, dans une vidéo comment
il a convaincu les Étasuniens, qui étaient pacifistes, d’entrer dans la
Première Guerre Mondiale, et les femmes de fumer, sans qu’ils ou elles
en aient conscience.
Au classement Soft Power 30,
la France est passée de la 5ème place en 2016, à la 1ère en 2019. Dans
les pays les mieux classés ces cinq dernières années, on retrouve
toujours les États-Unis, l’Angleterre, l’Allemagne, et la France. Ce que
les Étasuniens appellent soft power, nous l’appelons propagande, et la
propagande s’accompagne nécessairement de censure, ce qui explique que
nous soyons 34ième au classement mondial de la presse 2020.
La classe dirigeante dispose aussi de hautes
technologies de surveillance. On a découvert grâce à des lanceurs
d’alerte comme Assange et Snowden, poursuivis, calomniés et persécutés
par l’oligarchie en proportion de l’importance de leurs révélations,
comment les gouvernements espionnaient leurs citoyens (en plus des
entreprises et dirigeants étrangers).
Chaque crise est désormais utilisée pour imposer des
mesures de répression et de surveillance supplémentaires. La classe
dirigeante compte bien tirer profit de la crise sanitaire du coronavirus
pour nous imposer le traçage numérique individuel avec l’application Stop-covid, et peut-être même un bracelet électronique. Tout cela au nom de notre protection, comme s’il était possible d’être complètement en sécurité !
Le gouvernement par la peur,
la haine, la censure et la répression
Toutes ces évolutions ont engendré une peur grandissante
dans la population. Et cette peur est rationnelle et légitime. La
montée en puissance d’une classe dirigeante mondialisée, sans
contre-pouvoirs extérieurs ou intérieurs, et disposant de technologies
avancées de surveillance a de quoi faire peur. La peur suscite des
réactions de défense. Et le peuple a commencé à se rebeller. Il fallait
donc que l’oligarchie détourne d’elle-même la peur et la révolte, en
désignant au peuple des ennemis terrifiants, pour que, tétanisé par une
angoisse irrationnelle, il se laisse enfin surveiller et réprimer sans
protester. Aux Etats-Unis, il y a d’abord eu l’épisode McCarthy avec sa
chasse aux communistes, mais c’est Georges W. Bush
qui a internationalisé la technique de l’ennemi total et invisible en
déclarant la guerre au terrorisme. Pour alimenter la psychose, les
Etats-Unis n’ont pas hésité à « fabriquer » des terroristes, comme le
dénonce Human Rights Watch, le 21 juillet 2014, dans « un rapport qui
accuse le FBI de pousser des petits délinquants ou des personnes
atteintes de troubles mentaux à commettre des attentats. Le Département
de la Justice et même le Congrès sont également jugés responsables ». En
France, avec l’affaire de Tarnac, également fabriquée de toutes pièces, la ministre de l’Intérieur de Sarkozy a tenté de faire d’une pierre deux coups : arrêter des « terroristes » et discréditer l’ultra gauche.
Partout la répression des mouvements sociaux et la
censure de l’information alternative augmentent, en même temps que les
inégalités et la précarité. La toute-puissance d’une oligarchie qui n’a
d’autre dieu que le profit et qui est parfaitement organisée pour
protéger ses intérêts de classe, est de plus en plus évidente. Il y a de
quoi avoir peur.
On a vu l’essor des dictatures fascistes en Europe dans
les années 1930, on a vu la dictature franquiste en Espagne, les
dictatures en Amérique latine (Chili, Argentine, Nicaragua) on voit la
colonisation brutale de la Palestine. On sait qu’il est possible,
aujourd’hui, de maintenir une population éduquée sous le joug d’une
force d’occupation ou d’un pouvoir totalitaire pendant des dizaines
d’années. On voit avec quelle facilité la Macronie a pris les pleins
pouvoir à la faveur de l’épidémie de coronavirus, décidé d’un
confinement extrêmement répressif hors de toute légalité, pris toutes
sortes d’ordonnances qui détruisent nos droits et nos libertés, et lancé
la police à nos trousses.
Comme dit Emmanuel Todd :
« On a une police en liberté, c’est-à-dire qui n’est plus sous
contrôle. Le gouvernement s’en est tellement servi pour faire cogner,
avec les consignes qui vont avec, que la police aussi semble avoir pris
son autonomie ».
De fait, depuis les manifestations contre la Loi travail,
on a peur d’aller en manif parce qu’on sait qu’on risque de se faire
tabasser par la police, puis condamner par une justice d’exception.
Et aujourd’hui, en plus des milliers d’amendes
fantaisistes qui nous sont tombées dessus, il y a des descentes de
police absolument insensées pour voler des masques. Le CAN84 relate la
perquisition brutale dont Next-up a été victime : « Next-Up, une
organisation nationale dont le siège est situé en Drôme, et qui milite
et informe depuis près de 20 ans contre le nucléaire, les radiations, le
compteur espion Linky et la 5G, a été perquisitionnée mardi 21 avril
2020. Le président a été menotté et emmené en garde à vue, le domicile
du vice-président a fait également l’objet d’une visite gendarmesque.
Les locaux ont été mis sens dessus-dessous et du matériel a été saisi.
Très en pointe dans l’aide à la protection des personnels soignants face
au covid19 et à la pénurie institutionnelle de matériel, Next-Up est
victime de l’incompétence et de la violence du pouvoir. »
On a même peur de dire ce qu’on pense. On fait attention
à qui on parle et on se surprend à baisser la voix lorsqu’on exprime
une opinion qui n’est pas politiquement correcte, sur l’UE, le climat,
Israël, les vaccins, le confinement, ou tout autre sujet tabou. Les
médias subventionnés, qui déversent à longueur de journée une propagande
digne du Ministère de la Vérité de Georges Orwell, dénoncent comme fake
news tout ce qui contrevient à la vérité officielle, et écartent des
plateaux TV toute opinion dissidente. Google, youtube et consorts se
livrent aussi à une censure sans merci de tous les contenus qui ne sont
pas conformes à la doxa.
Le 25 avril, on montrait à la TV une manifestation à Jérusalem,
contre le gouvernement d’union, en plein confinement, et le
présentateur s’extasiait sur ces Israéliens qui manifestaient en gardant
leurs distances. Je regardais ça et je me demandais qui en France
oserait faire une chose pareille ? Je pense même que s’il s’était agi de
Français le présentateur TV, loin de les regarder d’un air patelin,
aurait fustigé leur irresponsabilité et applaudi des deux mains la
police qui leur tombait dessus à bras raccourcis. Pour la caste, la
liberté des peuples n’est belle qu’ailleurs.
Se libérer de la peur
J’ai entendu sur les réseaux sociaux des rumeurs de
préparatifs en vue d’une manifestation le 1er mai, malgré le
confinement, sous l’égide du Comité de solidarité avec Grèves et Résistance.
Ça m’a fait peur. Je me suis dit, pleine d’admiration : ils sont
courageux, mais est-ce que je vais oser y aller ? Même si je sais que le
meilleur moyen de conjurer la peur, c’est de faire ce qui nous fait
peur.
Les articles sur l’après-covid se multiplient. Chacun y
va de sa petite analyse et de ses propositions. Dans l’ensemble, c’est
assez décevant, et c’est bien normal, on n’a pas le recul nécessaire et
on ne peut pas prédire l’avenir. Mais une chose est sure, si nous ne
voulons pas devenir les esclaves d’une caste sans foi ni loi, il faut
agir. Il faut reprendre notre sort en main. Et pour cela, il faut se
libérer de la peur, je parle de la peur-panique, celle qui paralyse,
celle que nous instillent les médias en nous ensevelissant sous un
déluge de non-infos contradictoires et anxiogènes, la peur des
attentats, du virus, de la Chine, de la Russie, du Venezuela, de tout ce
qui bouge. Si nous y parvenons, à mon sens, le reste viendra par
surcroît.
Comment fait-on cela ? En terre chrétienne, nos ancêtres lisaient la Bible, où il est écrit à chaque page : « Ne crains rien,
car je suis avec toi ; ne sois pas inquiet, car moi je suis ton Dieu.
Je te fortifierai ; oui, je t’aiderai ; oui, je te soutiendrai par la
droite de ma justice ». Mais nous avons opté pour le Veau d’or, malgré
les mises en garde de Moïse et des prophètes, et nous ne pouvons plus
compter que sur nous-mêmes.
Allez, je n’ai plus rien à perdre, je vous livre la
recette de mon psy : « Constate ! » Moi aussi, ça m’a interloquée la
première fois qu’il m’a dit ça, puis j’ai compris : prendre conscience
de sa peur, l’accepter, l’apprivoiser, c’est le chemin de la
délivrance ; et aussi prendre appui sur ses audaces passées.
Ça m’a redonné espoir. Je suis bien partie toute seule
au Mexique, en Inde, en Israël, au Canada pour de longs voyages,
peut-être que je réussirai à sortir, le 1er mai, sur le trottoir en bas
de chez moi…
Dominique Muselet
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