Les pires atteintes au droit du travail en Europe depuis le début de la crise sanitaire
En France, le gouvernement a profité de la
crise sanitaire pour réformer le Code du Travail : jusqu’à 60h de
travail par semaine, un temps de repos réduit et des RTT qui s’envolent.
Une offensive qui n’est pas isolée. Ailleurs en Europe, les pouvoirs en
place profitent de cette crise du Covid-19 pour s’attaquer aux droits
des travailleurs.
« En raison de l’épidémie de Covid19, un large éventail de mesures
exceptionnelles tant au niveau européen que national ont été prises […]
dont certaines touchent les droits des travailleurs et des syndicats ».
C’est ainsi que la Confédération Européenne des Syndicats sonnait
l’alarme le 16 avril dernier dans un rapport. Parmi ces mesures, certains pays semblent particulièrement se distinguer en matière de mesures antisociales.
Le 11 mars, la loi promulguant l’état d’urgence sanitaire est
appliquée en Hongrie. On apprend alors que « l’employeur et l’employé,
peuvent dévier du Code du Travail
par un commun accord ». La Confédération Nationale des Syndicats
Hongrois dénonce une « loi esclavagiste » qui prive de protection les
travailleurs hongrois. Le 30 mars, le débat est relancé puisque Viktor
Orban fait voter une loi lui octroyant des pouvoirs étendus
durant l’état d’urgence sanitaire. Le premier ministre hongrois peut
désormais suspendre des lois par décret et introduire des mesures
extraordinaires par ordonnances, sans aucun contrôle du parlement. Un
état d’urgence qu’il pourra prolonger indéfiniment, encore une fois sans
passer par le parlement.
En Pologne, des membres du PIS, le parti au pouvoir, ont proposé un
amendement permettant au premier ministre polonais de démettre de leurs
fonctions des membres du Conseil du Dialogue Social, une organisation
tripartite réunissant organisations patronales, syndicats de salariés et
représentants de l’État, et en charge des négociations pour la
législation du travail. Le 31 mars, cette proposition est adoptée. Elle
constitue donc un moyen supplémentaire pour le gouvernement polonais
d’empêcher les syndicats de faire bloc face aux mesures antisociales.
Cette pression pourrait se maintenir même une fois la crise terminée
puisque ces destitutions seront toujours possibles, bien que
partiellement limitées. Ainsi, la loi spécifie qu’il sera possible de
démettre de ses fonctions un membre du conseil qui aurait collaboré avec
les autorités communistes pendant la période soviétique, ou qui aurait
engagé des « actions inappropriées contre le conseil le rendant
incapable de conduire un dialogue de fond transparent et régulier entre
les syndicats salariés et patronaux, et le gouvernement ». Un motif
suffisamment vague pour permettre au gouvernement d’écarter tout membre
ne soutenant pas sa politique, selon Adam Rogalewski, membre de l’OPZZ, un syndicat polonais.
Enfin, en Croatie, une réforme temporaire du code du travail,
s’attaquant fortement aux droits des travailleurs, a failli être votée.
Celle-ci aurait permis aux employeurs de réduire le temps de travail de
leur employés ainsi que leurs salaires, de diminuer le montant des
indemnités de licenciement si ce dernier était lié à la pandémie, et
laissait une totale liberté aux entreprises pour imposer les dates de
congés payés de leurs salariés, sans l’habituel préavis de 15 jours.
Plus cynique encore, en période de Covid-19, la visite médicale des
travailleurs employés dans certains secteurs, était abolie. Enfin,
l’entreprise n’était plus tenue de consulter les organisations
syndicales et le comité d’entreprise, ni de respecter les accords
collectifs qui avaient été négociés par le passé. Face à une telle
offensive, les organisations syndicales croates se sont mobilisées et la
Confédération Européenne des Syndicats a souligné dans une lettre ouverte
que « la Croatie violerait plusieurs de ses engagements, notamment la
Convention Européenne des Droits de l’Homme ainsi que la Charte Sociale
Européenne ». Quelques jours plus tard, le 30 mars, le gouvernement
croate annonçait l’abandon de ce plan.
Remise en cause du droit de grève
Pour prévenir toute contestation des syndicats, le droit de grève a
été limité dans plusieurs pays européens. En Roumanie, celui-ci est
suspendu depuis la proclamation de l’état d’urgence le 16 mars par le
président roumain, Klaus Iohannis. Cette mesure intervient dans un
contexte de forte augmentation du chômage dû au retour de deux millions
de roumains qui étaient partis travailler à l’étranger avant la crise,
dans un pays qui compte 9 millions d’actifs.
Au Portugal, le droit de grève a également été suspendu dans tous les
services publics essentiels, et les syndicats n’ont plus la possibilité
de faire des propositions concernant la législation du travail. S’il
était de toute façon peu probable que ces secteurs appellent à la grève
en ce moment – une grève du secteur public qui devait avoir lieu le 20
mars a été annulée – la Confederação Geral dos Trabalhadores Portugueses
Intersindical Nacional, la plus grande confédération syndicale
portugaise, a demandé au gouvernement
de prendre des mesures pour garantir le salaire et les droits des
travailleurs, et pour prévenir tout abus des employeurs en cette période
de pandémie.
C’est pourtant bien les grèves qui permettent à certains salariés
d’obtenir de nouveaux droits actuellement. Alors que le gouvernement
belge a désormais la possibilité de gouverner par des lois d’urgence
sans consulter le Parlement ou les organisations syndicales, les
salariés de la grande distribution en Belgique, ont fait grève début
avril et ont obtenu des compensations financières et des repos
supplémentaires. C’est également la grève qui avait amené le
gouvernement italien à étendre le 25 mars, la liste des secteurs devant
fermer pendant le confinement.
(°) Le titre est de Pedrito
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire