INDUSTRIE ET SANTÉ - Le billet d'humeur du Docteur Christophe Prudhomme
Je vous conseille la lecture du livre « Des soins sans industrie ? » de Jean-Pierre Escaffre, Jean-Luc Maletras et Jean-Michel Toulouse (disponible sur https://dessoinssansindustrie.fr)
qui explique clairement qu’un bon système de santé nécessite de
s’appuyer sur un tissu industriel performant capable de produire les
matériels et dispositifs de plus en plus complexes utilisés au quotidien
par les professionnels de santé.
L’épidémie
du coronavirus a montré crûment le recul de la France dans ce domaine
avec une incapacité de produire tant des produits très simples comme des
masques, que des plus pointus comme des respirateurs de réanimation. La
désindustrialisation de la France ne date pas d’aujourd’hui. Je me
rappelle la bataille menée avec la CGT quand j’étais encore étudiant en
médecine dans les années 1980 pour sauver la Compagnie générale de
radiologie, leader à l’époque dans la construction des premiers
scanners. Cette entreprise a finalement été vendue à General Electric
par Thomson-CSF qui souhaitait recentrer son activité vers la production
de matériel militaire, soi-disant plus rentable. La conséquence
immédiate a été la fermeture des centres de production en France et le
rapatriement des brevets aux USA. La stratégie des entreprises
françaises a été constante depuis dans ce domaine. Thomson-CSF devenue
depuis Thalès a tenté de se débarrasser plus récemment de son pôle
imagerie au profit des chinois. Heureusement, la lutte des salariés a
empêché de bradage d’un secteur technologique de pointe à fort potentiel
de développement. Les motivations de ce bradage industriel n’est pas le
fameux coût du travail qui pénaliserait la France mais bien des choix
de stratégie industrielle de concentration des productions sur des
secteurs à très forte rentabilité comme l’armement. Ce n’est pas le
choix qu’ont fait des pays comme l’Allemagne ou le Japon, pays où les
salaires sont très élevés, et qui possèdent des leaders sur ce marché
avec Siemens et Toshiba notamment.
Il
faut savoir aujourd’hui que le développement de la médecine repose en
partie sur l’utilisation des ces nouvelles technologies. Le stéthoscope
inventé par Laennec à l’époque napoléonienne est aujourd’hui remplacé
par l’échographe. Les nouvelles techniques de traitement des tumeurs
utilisent les ultrasons, les ondes à haute fréquence ou encore le laser.
L’avenir des greffes est la production de matériau biocompatibles car
le seul don d’organe ne permet pas de répondre aux besoins croissants.
Les
industries de santé dont fait partie aussi l’industrie du médicament
constituent un secteur essentiel pour l’indépendance sanitaire et sont
par ailleurs des secteurs à forte intensité technologique, nécessitant
des chercheurs, des ingénieurs, des techniciens et des ouvriers
hautement qualifiés. Il est essentiel que la France investisse
massivement dans ce domaine pour pouvoir conserver un système de santé
performant.
Docteur Christophe Prudhomme
Praticien hospitalier au SAMU 93
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