Vers le retour de la révolution prolétarienne : aux États-Unis pour commencer?
Illustration : Spencer Rapone, le spectre rouge qui hanta l'académie militaire de West Point.
Note du 12 juin 2020 : la mobilisation de protestation contre le
meurtre de George Floyd participe, et ne participe pas, accélère, et
retarde à la fois ce mouvement prolétarien : le prolétariat urbain des
métropoles d'Amérique du Nord et d'Europe a été "racialisé" au cours du
siècle passé, et il donc naturel qu'il se retrouve en première ligne de
cette amorce de soulèvement général. Les ghettos et les communautés
noires américaines des années 1960 n'étaient encore que partiellement
intégrée à l'économie, tandis qu'ils sont maintenant au cœur de la
production matérielle. Et le racisme idéologique qui a été une arme très
efficace dans le passé pour détourner le prolétariat de ses buts
historiques, est devenu trop compromettant pour que la bourgeoisie en
use directement, comme à l'époque fasciste-nazie. Mais un antiracisme
communautarisé au service de la classe moyenne afro-américaine et piloté
par les médias "de gauche" tel que celui qui sévit actuellement aboutit
au même résultat : dissocier le prolétariat en groupes hostiles, et
remplacer la question sociale par la question raciale.
Pourquoi attendre une telle révolution aux États-Unis?
Au
moment où un virus dévastateur met à nu l'injustice sociale, où une
crise économique majeure commence, où la bourgeoisie américaine ferme
précipitamment la porte à la solution social-démocrate de Bernie
Sanders, la métropole historique du capitalisme impérialiste est
peut-être en voie de devenir son maillon faible. Il y a de nombreuses
luttes politiques et sociales dans ce pays depuis 2008, qui sont fort
peu relayées dans les médias, mais qui créent une génération politisée.
Trump a gagné en 2016 (à la marge) en proposant une politique protectionniste
aux ouvriers mais il n'a pas réussi à rapatrier la production
industrielle, au-delà des effets d'annonce. Aujourd'hui il en est réduit
à tenter une diversion xénophobe antichinoise, qu'il peut encore moins
soutenir à terme que ses rodomontades habituelles contre des pays plus
faibles (Venezuela, Iran, Corée, etc).
Dans
le pays les inégalités sociales et la misère ont atteint des sommets,
et le mythe américain est en berne. Il y a eu les déceptions provoquées
par la présidence d'Obama. L'Obamacare s'est révélé n'être qu'une
illusion, mais il a posé les jalons d'une revendication de masse à la
fois modérée et inacceptable pour l'oligarchie. De même la revendication
pour un salaire minimum. Les révolutions se déclenchent quand les
masses réclament quelque chose de très raisonnable que les classes
dirigeantes refusent avec rigidité. Et il n'y a pas plus rigide que la
clique de multimillionnaires qui constitue le Congrès américain.
Il
faut se souvenir que les Américains sont armés ce qui les rend sans
doute moins déférents que d'autres devant la violence d'État. Sans doute
pas les classes moyennes de gauche qui réclament le contrôle des armes à
feu, mais ce ne seront pas elles qui seront déterminantes.
Mais
surtout, si des troubles révolutionnaires nouveau apparaissent aux
États-Unis, les autorités ne sauront pas les gérer : elles ont perdu la
main depuis leur triomphe sur la gauche ouvrière dans les années 1950,
elle n'ont plus l'habitude de la négociation de classe, à laquelle est
rompue le personnel politique européen. Elles réagiront maladroitement,
par une répression exagérée, qui empêchera de trouver les relais
opportunistes indispensables au sein de la gauche modérée, sans pour
autant pouvoir tout noyer dans le sang, et étendront d'elles-mêmes
l'incendie.
Arrivé
à ce point il manquera à ces autorités le recours habituel dans ces cas
là dans tous les autres pays ... qui n'est autre que l'intervention des
États-Unis ! pour écraser la révolution et distribuer du pouvoir
d'achat pour calmer les masses !
A partir de là l'avenir est complètement ouvert.
GQ, 11 mai - 29 juillet 2020
PS du 31 juillet :
La "Commune de Portland" est un signe de la radicalisation de la
contestation aux États-Unis, et aussi du déclassement d'une bonne partie
de cette classe moyenne de gauche qui existe dans tous les pays
économiquement avancés (liée à l'enseignement, la culture, la santé, la
gestion des territoires, etc) et dont le statut est de plus en plus
précaire, particulièrement aux États-Unis. Mais elle ne pourra pas
attirer à elle les masses prolétariennes sans prendre ses distances avec
les mouvements petit-bourgeois individualistes et narcissiques qui
prétextent de l'écologie, du féminisme ou des droits LGTB pour se donner
en spectacle.
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