Trump battu, ses idées ont-elles régressé ?
Publié le 9 Janvier 2021
Ce que montre l'opération
"prise du Capitole"
Tout d'abord un retour dans le temps pour saluer comme il se doit la clairvoyance dans l'analyse de l'expert (le restera-t-il ou devrons nous dire ex-expert ?) du Figaro* qui déclarait en direct devant les images de cette factieuse anti-prise du palais d'hiver :
"Ce n'est pas vraiment un coup d’État", "ils sont là pour prendre des selfies"(sic)
Ce qui s'est passé est un marqueurs de l'état réel d'une fascisation de la société états-unienne engagée de longue date où déjà lors des élections précédentes Sandra Palin et le Tea Party en affichaient les miasmes.
Le mandat Trump a porté et accentué un enfoncement dans la crise, aggravé par les dégâts de la pandémie non combattue.
L'absence de garde-fous sociaux (école, santé, logement etc.), la circulation des armes encore plus libre que celle des capitaux ont clivé encore plus une société construite sur des bases ségrégative. La ligne de partage étant pour une part essentielle raciale, conséquence de la structuration esclavagiste et génocidaire de la société US empilant des formes successive d'exploitation et ce statut du Blanc dépositaire du pouvoir économique tant industriel qu'agraire lui donnant celui politique et tout ses leviers de coercition.
Les ancrage d'un fascisme made in USA sont là.
Il n'est pas inutile de revenir à ce qu'Antonio Gramsci écrivait il y a un siècle lorsque apparaît le fascisme qu'il analyse avec rigueur pour aider la classe ouvrière italienne à le combattre.
Bien sûr l'Italie de 1920 et les USA de 2020 ne sont pas les mêmes mais à la lecture de Gramsci se profile une image qui coïncide avec des traits forts en résonance avec ce qui vient de se passer à Washington.
Parlant des pratiques fascistes il écrit en 1921 :
"Leur façon de s’imposer, qui coïncidait avec la nécessité où se trouvaient les agrariens de constituer une garde blanche contre les organisations ouvrières installées dans des positions de plus en plus fortes, permit à l’ensemble des bandes créées et armées par les latifondistes de se ranger sous la même étiquette que les Fasci. Par le développement qu’elles prirent ensuite ces bandes ont conféré en retour aux Fasci leur propre caractère de garde blanche du capitalisme, dirigée contre les organismes de classe du prolétariat.
Le fascisme a toujours conservé ce vice originel. L’ardeur de l’offensive armée a empêché jusqu’à aujourd’hui l’aggravation de la dissension entre les noyaux urbains, petits-bourgeois, essentiellement parlementaires et collaborationnistes et les noyaux ruraux, constitués par des propriétaires terriens, grands et moyens, et par des fermiers directement intéressés à la lutte contre les paysans pauvres et leurs organisations radicalement anti-syndicalistes, réactionnaires et plus confiants en l’action armée directe qu’en l’autorité de l’État et en l’efficacité du parlementarisme".
Les tendances fortes de Trump à la "Duceïsation" de son pouvoir, alimentées au sources familiales du KKK, la façon dont les forces les plus réactionnaires se sont fédérés autour du peroxydé milliardaire brun ont établi un socle politique qui va devoir demander à toutes les forces progressiste US un travail en profondeur pour réussir à le fracturer.
Dans le même article Gramsci, toujours à partir de la réalité de l'Italie de 1921, propose cette analyse qui complète ses propos précédents. certes le vocabulaire de l'analyse politique a changé mais concepts et idées restent très lisible non pas pour une transposition mécanique mais comme une aide à la réflexion à partir de l'expérience tristement enrichie par le cœur de l'histoire du 20e siècle en Europe mais aussi dès le nazisme écrasé, avec au USA la grande répression antidémocratique de classe et d'état de Mac-Carthy et la commission des activité antiaméricaine à la chasse aux Black panthers, Angela Davis et encore aujourd'hui, emblématique, Mumia Abu Jamal :
La partie intransigeante, qui est l’expression des impératifs d’une défense directe et armée des intérêts capitalistes agraires, persévérera dans l’action anti-prolétarienne qui la caractérise. Pour cette partie-là, qui s’intéresse de plus près à tout ce qui touche à la vie ouvrière, le « pacte de trêve » que les socialistes célèbrent comme une victoire n’aura aucune valeur. La « crise »se ramènera à l’érection hors du mouvement des Fasci d’une fraction composée de petits bourgeois qui ont vainement tenté de justifier le fascisme par un programme politique général de « parti ».
Mais le fascisme, le véritable, celui que les paysans émiliens, vénitiens, toscans, connaissent à travers la douloureuse expérience de ces deux dernières années de terreur blanche, continuera, quitte à changer de nom.
Le devoir des ouvriers et des paysans révolutionnaires est de profiter de la période de calme relatif provoquée par les dissensions internes des bandes fascistes, pour inspirer aux masses opprimées et sans défense une conscience claire de la réelle situation de la lutte de classes et des moyens qui pourraient permettre de venir à bout de l’impudence de la réaction capitaliste.
Antonio Gramsci
« Les deux fascismes ». Sans signature, L’Ordine Nuovo, 25 août 1921.
La défaite de Trump à la présidentielle, en nombre de mandats mais surtout en voix, est un point d'appui qui doit être renforcé ; c'est de la responsabilité du peuple étasunien et de ses organisations, ils ont besoin de solidarité.
Cela doit aussi interpeller les démocrates français tant depuis 24h00 l'appel à renforcer l'arsenal autoritariste et antidémocratique par les forces de toutes les droites, au nom d'une menace ici ciblée contre le mouvement démocratique, est portée avec surenchère par tous les (ex)supports de Trump qui ne l'ont lâché que du bout des doigts et quand sa défaite était rendue inéluctable.
La dégaine des factieux US, du buffalo nazi vison buté de service en passant par le pro-génocidaire biker suprématiste ou le sudiste raciste en uniforme, tout comme les costumes "propre sur eux" de ceux d'ici doivent rappeler à tous que le fascisme ce n'est pas que la parade en musique martiale dans les rues, l'uniforme avec le chef en tête dans un ordre rigoureux.
Le fascisme c'est le chaos créés par les partisan de l'ordre établie décrété immuable pour organiser le verrouillages de tout ce qui peut le contester et subvertir par l'intervention consciente des peuples luttes ou (et) élections pour s'émanciper de l'exploitation. Un magma putride coalisé autour de la peur des Rouges et l'installation d'un pouvoir dictatorial pour maintenir l'ordre établi.
C'est en cela qu'il cherche et parvient à se donner une image populaire au USA. C'est aussi en cela, en France et c'est heureux qu'il ait été mis en échec, qu'il a tenté -et tente toujours- d'investir le mouvement associatif, les syndicats là où ils sont vulnérables ou encore des mouvements de colères populaires comme on les a vus par endroit vouloir et parfois parvenir à s'infiltrer parmi les gilets jaunes.
Il y a là une constante bien connue en Europe et en France (cousinage entre février 1934 à Paris-janvier 2021 à Washington), de Franco et Salazar à Hitler et Mussolini en passant par les rexistes Belges ou encore ici Doriot et Déat. Pratiques d'une idéologie qui ont montré leur pouvoir de nuisance criminelle absolue si on leur laisse de la marge pour se développer.
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