Le billet du docteur Christophe Prudhomme, urgentiste et syndiqué CGT
Abstention
En
médecine, l’abstention thérapeutique est la cessation ou la
non-initiation d’un traitement dans trois situations : lorsque celui-ci
est refusé par un patient, qu’il n’est pas dans l’intérêt du patient ou
qu’il correspond pour le patient à un fardeau disproportionné par
rapport au but visé. Le décès du patient peut être une conséquence de ce
choix, cependant, contrairement à l’euthanasie, le décès n’est pas
l’objectif poursuivi.
Au
regard de l’abstention massive qui a caractérisé les dernières
élections régionales et départementales, il est intéressant de
rechercher les analogies entre ces deux situations.
Lorsque
le patient refuse un traitement, il faut un choix délibéré en ayant
analysé sa situation et pesé le pour et le contre de l’action. En ce qui
concerne le domaine politique, il en va de même dans la grande majorité
des cas : ne pas se déplacer pour aller voter résulte bien d’un choix
réfléchi, même de manière inconsciente, car le citoyen ne voit pas quel
bénéfice pourrait lui apporter son geste. La question de l’intérêt peut
être abordée dans les deux acceptions du terme. Dans le sens de la
curiosité ou de l’attrait, nous ne pouvons que faire le constat que le
débat politique actuel intéresse peu et que la confiance dans les femmes
et les hommes politiques est aujourd’hui au plus bas.
Quand
il s’agit de l’intérêt qui constitue un avantage, qui apporte quelque
chose, là aussi, l’électeur ne voit pas quel bénéfice il peut tirer de
son acte, alors il s’en abstient. Le troisième terme est encore plus
intéressant. Il s’agit de la disproportion entre l’investissement que
nécessite l’action d’exercer son droit de vote et l’objectif visé qui
est que cela change quelque chose au quotidien du citoyen et réponde à
ses souhaits et aspirations. Car il ne s’agit pas simplement de mettre
un bulletin dans l’urne mais bien de suivre et de s’intéresser à la vie
de la cité et à ceux qui l’organisent, ce qui signifie du temps et un
engagement. Le plus important semble enfin la conséquence de ce choix.
La
question qui se pose aujourd’hui est de savoir s’il n’est pas le chemin
qui mène à la mort de notre démocratie parlementaire façon 5e
République.
Dr Christophe Prudhomme
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