vendredi 20 mai 2022

Quelle unité populaire pour une rupture politique ? par PIERRE ALAIN MILLET

Un très beau texte, calme digne et politique au sens noble du terme… Espérons qu’il sera entendu… Être communiste ce n’est pas suivre l’air du temps c’est savoir défendre ce qu’on estime juste, l’individu peut le faire mais l’essentiel est un parti qui lui donne la force de résister et il faudra cette force-là dans ce qui nous attend quel que soit le résultat des élections parce que tout ne dépend pas des institutions mais bien de la mobilisation populaire, les élections en font simplement partie et sont souvent conçues pour démobiliser, l’analyse concrète d’une situation concrète reste indispensable, merci PAM. (note de Danielle Bleitrach pour histoireetsociete)

La création de la “nouvelle union populaire écologique et sociale” est présentée comme un évènement historique sortant de décennies de divisions pour ouvrir la possibilité d’une rupture politique. Jean-Luc Mélenchon avait donné le ton “élisez-moi premier ministre”. Les dirigeants de gauche suivent avec des annonces spectaculaires, salaires, retraite, emploi… tout va changer dès le 1er juillet. Mieux que le 10 Mai 1981..

Pourtant, de nombreux militants se posent des questions sur la réalité derrière l’affichage quasi publicitaire, des insoumis se demandant pourquoi faire autant de place au PS, et même à deux anciens LREM, des communistes se demandant où sont passés les jours heureux, des candidats locaux légitimes effacés au profit de parachutages insoumis, et beaucoup d’anciens se demandant si on ne recommence pas comme hier… Si la promesse médiatique NUPES ne se concrétise pas à la hauteur de l’annonce, le retour de bâton pourrait être violent…

Une exigence populaire ou une illusion médiatique ?

Oui, tous les militants le savent, et les sondages le disent, il y avait, il y a, une forte attente d’unité ressentie comme la condition pour affronter le pouvoir des riches. Mais les communistes peuvent-ils se contenter des idées dominantes ?

Le parti communiste ne serait pas né en 1920 si ses militants avaient suivi en 1914 un peuple qui envoyait sa jeunesse à la boucherie “la fleur au fusil”. Il n’existerait pas s’il ne s’était pas engagé contre la guerre du Rif contre la majorité de notre peuple, ni s’il avait suivi la collaboration largement majoritaire pendant de longs mois après la défaite en 1939. En 1956, c’est bien sous la pression du soutien populaire à celui qui disait préparer la paix en Algérie que le PCF vote les pleins pouvoirs. Avec le recul, était-ce si raisonnable ?

Enfin, ma génération se souvient bien de la difficulté à expliquer à la fin des années 1970 qu’il fallait renforcer le parti communiste et conforter le programme commun. A tel point que nous avons constaté le 24 avril 1981 que le parti socialiste était devenu majoritaire à gauche et que nous avons dû organiser à contrecœur, des “fêtes de la victoire” en juin, quand de nombreux communistes savaient que la trahison des espoirs de “changer la vie” ne tarderait pas. Dans son célèbre rapport secret au comité central de 1972, Georges Marchais avait pourtant prévenu. A Vénissieux, déjà, cela avait fait perdre un député communiste au profit d’un socialiste.

On le sait, l’histoire se répète, la deuxième fois comme une farce. Alors quelle est la réalité de cette exigence populaire d’une nouvelle union de la gauche ? Comment ne pas voir que ce qui domine, loin d’une exigence populaire unie, c’est la division avec un quart d’abstentionnistes, un quart d’extrême-droite, un quart d’une gauche dans laquelle les idées communistes sont très faibles. La situation est bien plus dangereuse qu’en 1981 !

D’abord, cette “exigence populaire” reste faible, elle a permis à Jean-Luc Mélenchon d’écraser la gauche, mais elle ne lui a permis de faire reculer ni l’abstention ni l’extrême-droite. Et l’analyse géographique et sociologique confirme même que le monde ouvrier s’est massivement détourné de cette “exigence populaire de l’union de la gauche”, en tout cas de sa représentation par l’Union Populaire.

Comment la direction du parti communiste peut-elle rester muette sur cette situation ? Comment ne pas voir que nous faisons face d’abord à une construction médiatique certes réussie, avec le slogan dénué de tout fondement politique “Élisez moi premier ministre”, mais une construction qui peut éclater comme toute bulle médiatique devant la dureté du réel, des contradictions, et du potentiel de violence de notre société ? Des sauvetages électoraux momentanés ne seront rien par rapport au mouvement historique. En acceptant cet accord, nous avons conforté les illusions populaires sur les conditions du changement et nous nous sommes associés à la stratégie mélenchoniste, malgré les insultes et les injures qui ont explosé contre nous dans les réseaux sociaux insoumis. Avec cet accord, il sera plus difficile de faire un vrai travail d’éducation populaire sur la nature de la démocratie en système capitaliste, sur la nécessité d’unir et d’organiser le monde du travail pour affronter le capital partout et pas seulement dans les institutions.

Avons-nous appris quoi que ce soit de l’histoire de l’union de la gauche et de ce qui a fait que le peuple ouvrier nous a fait payer durement cette stratégie d’effacement devant la pression de l’unité à gauche ?

Qu’est ce que la NUPES ?

Très vite, le débat public a simplifié ce sigle, il s’agit de l’union de la gauche retrouvée, et Jean-Luc Mélenchon a clairement tracé son objectif, une alliance qui doit devenir une “fédération de la gauche”, un nom qui rappelle aux anciens les origines du parti socialiste créé par François Mitterrand en 1972 à partir déjà d’une “fédération de la gauche”.

Et Jean-Luc Mélenchon, qu’il faut lire et écouter car personne ne pourra lui reprocher de ne pas avoir clairement affiché sa stratégie, a droit à la une de l’humanité pour peser sur la direction du PCF en pleine négociation [1]. Il s’installe comme son mentor Mitterrand dans les habits de la 5ème république, réduit les législatives à un troisième tour des présidentielles et demande de l’élire premier ministre. Une militante syndicale crédule résumera parfaitement comment elle comprend ce discours. Elle demande le retrait de la candidature communiste de la 14ème circonscription avec l’argument simple « L’élection législative ne serait pas “une question de personne ou de parti” ». Fermez le ban, supprimez le parti communiste, transformer les militants en supporters spectateurs, et faites une campagne dans 577 circonscriptions avec un seul candidat, Jean-Luc Mélenchon.

Et le leader LFI révèle le fonds de sa stratégie. Pour lui, il n’y a plus de différences entre réforme et révolution, une fois éliminés les macronisés. D’ailleurs, selon lui, il n’y a pas de différences de programme entre LFI et le PCF. L’insoumission a réglé le problème de la trahison de la social-démocratie. Et le parti communiste doit rejoindre la grande fédération de gauche, ce que JLM lui-même appelait la “famille socialiste”.

Les communistes doivent prendre au sérieux cette affirmation dont découle la création de l’UP, de son parlement, de son intergroupe parlementaire… Jean-Luc Mélenchon pense avoir refermé la parenthèse de 1920, autrement dit, rendu inutile le parti communiste. Et il fait tout pour le faire disparaitre au plus vite, par son affaiblissement comme par son absorption dans le “mouvement”.

Il faut donc le dire clairement. La NUPES est le nouveau parti socialiste. Le programme AEC n’est pas plus un programme de rupture que les 101 propositions de Mittterrand en 1981. D’autant qu’il y a trois programmes de la NUPES, puisque la FI a négocié séparément des accords avec EELV, le PC et le PS sur des textes différents et contradictoires sur plusieurs points. Quand à sa stratégie d’insoumission et ses éclats médiatiques, elle aurait fait plaisir à celui qui disait avec force en 1981 « la révolution, c’est d’abord une rupture avec l’ordre établi. Celui qui n’accepte pas cette rupture avec l’ordre établi, avec la société capitaliste, celui-là ne peut pas être adhérent du Parti socialiste. » [2]

Cela dit, si les femmes et les hommes politiques ont des responsabilités, l’histoire n’est pas d’abord celles des personnalités, mais celle des luttes de classe. Il faut donc comprendre ce qui est ou non différent dans la situation de 2022 par rapport à celle de 1981. En quoi, cette NUPES est différente de la gauche plurielle de Lionel Jospin ou de l’union de la gauche de Mitterrand. Mais cela suppose de tirer les leçons des échecs successifs de l’union de la gauche de 1981, ou peut-être d’ailleurs de ses trahisons réussies !

Quelle leçons de 1981 et de l’union de la gauche ?

Là encore, il faut lire JLM ! Nous avions publié sur ce site son très utile “bilan raisonné de 1981 et de la présidence de François Mitterrand” prononcé le 9 Mai 2011 et une analyse critique d’un point de vue communiste. Pour lui, l’échec de 1983 réside dans la trahison des “sociaux-démocrates” et l’absence du “mouvement révolutionnaire des masses”.

On parle beaucoup du tournant de 1983 mais on en parle très mal. Quelle était la situation ? Nous avions eu 4 dévaluations, nous avions instauré le contrôle des changes et l’emprunt forcé. Le pays a touché le mur de l’argent, que faire ? Une stratégie eût été de dire, nous nous appuyons sur le mouvement social, révolutionnaire des masses qui vont défendre les acquis du gouvernement de gauche. Et bien où était le mouvement des masses ? Il n’y en avait pas. Pourquoi ? première leçon parce qu’il y avait une conception totalement institutionnelle du changement

Excellente analyse. Mais d’où vient cette “conception totalement institutionnelle du changement” ? Pour lui, c’est seulement d’un coté le poids des éléphants du PS, la nouvelle gauche de Rocard et de l’autre, le gauchisme type NPA qui refuse toute responsabilité gouvernementale. Autrement dit, faites-moi confiance, avec moi, d’un coté, les sociaux-démocrates sont éliminés ou recyclés par Macron, et de l’autre les plus radicaux ont leur place dans des groupes d’actions où ils peuvent faire ce qu’ils veulent. Les contradictions dans le peuple peuvent se traduire par des groupes d’actions concurrents, voire des listes concurrentes aux élections locales, peu importe, car à la fin, tout converge vers cette “exigence de l’union populaire de rupture” concentrée sur l’élection présidentielle et ses suites.

Cette analyse ne peut satisfaire un communiste. D’abord parce qu’elle passe sous silence toute analyse de classe, et notamment ce fait incontournable que l’abstention à l’élection présidentielle est directement corrélée au poids de la classe ouvrière. Si la FI a mobilisé un militantisme écologique et social très urbain, présent d’abord dans les couches moyennes éduquées, si elle a aussi marqué un syndicalisme CGT à la recherche d’une issue politique à ses difficultés de mobilisation, elle n’a nulle part construit de nouvelles bases d’unité et d’organisation populaire. Les 7 millions de voix insoumises en 2017 se sont pour moitié évanouies dans les luttes sociales des années suivantes.

Ensuite justement, parce-que nous savons qu’aucune majorité de gauche ne pourra résister au “mur de l’argent” sans un puissant mouvement populaire capable d’imposer réellement une rupture, et donc une défaite pour tous les gagnants du système, non pas seulement une défaite électorale, mais une défaite économique et sociale, autrement dit, la remise en cause de leurs privilèges et de leurs pouvoirs.

Que peut être un mouvement populaire majoritaire ?

D’abord, l’Union Populaire peut-elle être la base d’un tel mouvement ?
Sur le contenu et donc le programme, tout le monde connait les contradictions antagoniques d’intérêt entre couches sociales que le programme insoumis masque soigneusement pour intégrer en apparence toute contestation. C’est vrai sur les questions écologiques comme sociales ou régaliennes :
- les promoteurs du photovoltaïque citoyen peuvent être mélenchonistes sans critiquer le fait que leurs installations sont payées par une taxe y compris par les précaires énergétiques !
- Les défenseurs des réseaux coopératifs électriques citoyens, proposant de reprendre des éléments du réseau public de l’électricité peuvent être mélenchonistes en, contradiction avec l’objectif d’un grand service public de l’électricité.
- Les défenseurs du logement social peuvent être mélenchonistes très satisfaits de l’objectif de 200 000 constructions de logement social par an sans remettre en cause le scénario negawatt qui lui limite la construction à 36 000 logements par an.
- Les défenseurs de la sécu à 100% peuvent être mélenchonistes tout en défendant la fiscalisation de la SECU en rapprochant fiscalité et CSG.
- Les militants “anti-flics” contre les violences policières peuvent être mélenchonistes tout en soutenant les black blocks contre les cortèges de la CGT, et même en défendant le trafic de stupéfiants et sa légalisation contre l’attente populaire massive dans les quartiers d’une plus forte présence et sévérité de la police…

Ensuite sur la pratique des mouvements sociaux que promeut un “mouvement gazeux”. Tout le monde le sait, il n’y a pas d’organisation LFI, uniquement des groupes d’actions, qui peuvent être concurrents, il n’y a pas de structure départementale, seulement des élus municipaux, métropolitains ou régionaux, dont on peut constater qu’ils ne sont nulle part dans les processus de décision qui sont tous concentrés à la tête du mouvement. Pour se faire désigner candidat, JLM organise ce qui n’est évidemment qu’un plébiscite, et entre les deux tours, il organise un sondage sans pouvoir décisionnaire puisque sa décision répétée “’pas une voix pour MLP” est connue avant les résultats… Bref, les insoumis sont totalement… soumis aux décisions du leader. Les communistes se reprochent parfois, d’avoir été trop centralistes, mais plus “stalinien” que Mélenchon, pas possible !

Peu importe cependant comment fonctionne en interne la FI si on arrive à organiser un mouvement populaire puissant. Or, c’est là que l’expérience des grandes mobilisations contre les lois travail, retraite, assurance chômage, sont éclairantes. La faiblesse des organisations syndicales, les contradictions de centaines d’organisations militantes écologiques ou sociales, la place de la violence de manifestants, black block ou gilets jaunes, certains théorisant la violence, d’autres s’y laissant entrainer, mais tous entrant dans le cycle bien connu “provocations répressions”, tout conduit de larges parties de notre peuple à se détourner de mobilisations qui mettent en scène des divisions au lieu de faire converger des mobilisations. Et les incertitudes sur le projet de société rend impossible un mouvement massif dans les entreprises.

Bref, s’il fallait soutenir un gouvernement de rupture dans les conditions politiques et sociales actuelles, nous sommes sûr d’aller au casse-pipe ! Un mai 68 aujourd’hui, nécessairement plus faible que l’original, se traduirait par un coup de barre politique à droite beaucoup plus fort !

Construire un mouvement populaire majoritaire suppose d’unir et d’organiser de larges parties du peuple de manière cohérente, en faisant converger les revendications et pas seulement les manifestations, en se donnant les moyens de défendre nos mobilisations contre les provocations, les divisions, les répressions.

Quand on se heurte au mur de l’argent, celui-ci a d’énormes moyens médiatiques, politiques et de mouvements sociaux pour organiser sa défense, et en premier lieu diviser ceux qui le contestent. Et ses armes sont nombreuses, opposer ville et campagne, diplômés et non diplômés, statutaires et précaires, industrie et services, environnement et emploi, ouvriers et cadres…. On ne peut y résister sans engagement de masse, sans des centaines de milliers de militants capables de s’organiser, de se mettre d’accord à l’échelle de la lutte, pas seulement au plan local, mais à tous les niveaux de la lutte, d’agglomération, départementaux, jusqu’au national et aux relations internationales.

Le cas exemplaire de Vénissieux et de la 14ème circonscription du Rhône

La 14ème circonscription du Rhône, comme quelques autres, est révélatrice de la réalité de “l’accord” associant le PCF à la NUPES et qui a conduit le député communiste Stéphane Peu a dire qu’il viendrait lui-même défendre le sulfureux Taha Bouhafs contre les communistes, sans qu’aucune déclaration de la direction du parti ne vienne le rappeler au minimum de fraternité.

De fait, dans la logique de l’union populaire, les dirigeants du PCF, ses négociateurs, Fabien Roussel lui-même, ont dû lâcher les communistes de la 14ème circonscription, malgré les alertes nombreuses. Chacun doit le savoir, pour beaucoup de militants, c’est une trahison. Quand le maire de la plus grande ville communiste hors région parisienne est candidate légitime pour rassembler la gauche, on lui explique que c’est compliqué, que l’accord est difficile, mais en fait, aucun négociateur ne fait de cette circonscription une ligne rouge. Mélenchon est intransigeant. D’ailleurs, il semble que toutes les grandes villes communistes historiques sont préemptées par la FI. Mais quand Sébastien Jumel, Stéphane Peu, Elsa Faucillon mènent campagne contre Fabien Roussel aux élections présidentielles, non seulement il n’y a aucune sanction, mais ils sont candidats NUPES-PCF aux législatives ! Quel dirigeant communiste a dit quoi que ce soit aux députés du groupe communiste qui n’ont pas soutenu le candidat communiste à la présidentielle ?

En cédant dans cet accord, le PCF s’efface, ses candidats s’affichent NUPES et l’électeur ne saura pas qu’il vote communiste. Dans 520 circonscriptions, de toute façon, il n’a pas de candidat communiste. Dans des dizaines de villes où les communistes sont organisés, ont une histoire y compris de députés, ils sont absorbés dans une union de la gauche dirigée par Mélenchon. Et Fabien Roussel ne peut défendre publiquement la candidature de Michèle Picard au fond. Les communistes de Vénissieux prennent leur responsabilité et organisent une consultation large des communistes et de leurs nombreux soutiens.

Mais il faudrait dire qui refusait que Michèle Picard soit députée, qui d’autres que Stéphane Peu au plan national ? Qui au plan local ? Notons que dans les deux circonscriptions historiquement à gauche du Rhône, Villeurbanne et Vénissieux, ce sont deux femmes candidates légitimes qui sont effacées par la FI au profit de deux hommes. Il est vrai qu’il semble que les négociateurs de la NUPES étaient principalement des hommes.

Quand on ne mène pas une bataille, les reculs sont toujours plus violents

La décision du 38ème congrès de présenter un candidat à l’élection présidentielle répondait à une exigence historique. Sans candidat, le PCF, déjà fortement affaibli disparaissait de la vie politique française. JLM avait valorisé le PCF en 2012, utilisé en 2017, il l’aurait effacé en 2022.

Le vote Roussel au premier tour est certes faible, beaucoup plus faible que ce que la campagne montrait comme possible, beaucoup plus faible que les espoirs militants. Mais le fait est que le PCF a existé dans cette campagne, qu’un discours communiste qui ne se confondait pas avec un discours “de gauche” a été visible pour les citoyens. Et beaucoup ont dit qu’ils auraient aimé voter Roussel s’ils n’avaient pas été contraints au vote utile.

Cette bataille difficile s’est donc traduite par deux résultats positifs, une large unité des communistes très heureux de cette bataille, et une forte visibilité médiatique dont l’absence pendant des années nous avait couté cher.

Mais la bataille politique ne s’arrêtait évidemment pas au premier tour, et une véritable guerre contre le vote communiste s’est organisée pour contraindre les communistes à reculer. Mais quelle est la première raison de l’échec de Mélenchon ? C’est bien l’échec de sa stratégie de vote utile qui est devenue dominante dans les dernières semaines alors qu’il avait dit lui-même que c’était l’abstention qui était déterminante. Et c’est bien l’abstention qui a progressé pendant que Mélenchon écrasait la gauche !

Aux Minguettes à Vénissieux, Mélenchon progresse de 50% à 3069 voix, et les militants communistes ne peuvent que constater que tout leur travail de mobilisation a finalement produit du vote Mélenchon, mais il y a encore 3138 abstentionnistes ! Quel est le vrai problème dans ce grand quartier populaire, le vote Roussel ou l’abstention ? Et quand le monde ouvrier s’est majoritairement abstenu comme le montrent toutes les études, comment peut-on parler de la France qui travaille sans en tenir compte comme le fait d’ailleurs justement François Ruffin ?

De fait, le vote Roussel bien trop faible n’est pas du tout la cause de l’échec de Mélenchon. C’est au contraire sa propre stratégie de fin de campagne qui est en cause. Plus le vote utile était mis en avant, plus les TROIS candidats en tête progressaient. Autrement dit, plus Mélenchon pompait l’électorat de gauche, plus Macron pompait celui de droite et plus Le Pen récupérait la colère noire populaire. Cette stratégie était une impasse concentrée sur le premier tour contre le reste de la gauche, au lieu de créer les conditions d’une victoire au deuxième qui supposait à la fois le recul de l’abstention et des réserves de voix à gauche !

L’agressivité de Mélenchon contre Roussel après le 10 avril était d’abord une manière d’interdire le débat sur cette stratégie en désignant un coupable facile. L’anticommunisme latent a fait le reste. Une bordée d’insultes et d’injures dans les réseaux sociaux qui laissera des traces.

Donc oui, il y a eu une terrible bataille politique pour renforcer encore le vote utile au-delà de la présidentielle, et enfermer définitivement la vie politique française dans cette médiatisation des réseaux sociaux qui fait de chacun le spectateur-cliqueur qui n’existe que pour soutenir. Cette rupture engagée depuis des années dans la vie politique et qui est caractéristique du mélenchonisme comme du macronisme révèle au fond que le capitalisme ne peut plus rester dans l’illusion d’une démocratie politique. Il a besoin d’un pouvoir “jupitérien” qui pousse la 5ème république jusqu’au bout. On parle parfois de fascisation, ce n’est sans doute pas le bon terme, mais il y a quelque chose de la fin de la démocratie “libérale” dans ce vote utile. Cette bataille acharnée contre le vote communiste avant, pendant et après l’élection montre que pour le système, 2,3%, c’est encore trop.

Si le PCF ne mène pas cette bataille, s’il ne construit pas avec ses militants la capacité de résister aux idées dominantes, s’il s’efface derrière un nouveau parti socialiste, il jettera à la poubelle les faibles acquis de la campagne présidentielle qui sont pourtant sa première base pour

 

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