samedi 23 juillet 2022

L'INFLATION ET LA GUERRE POUR LES NULS

Le PAYS où fleurit L’INFLATION

Il s’agit bien sûr des Etats-Unis mais aussi de leurs proches vassaux que l’on proclame les seules démocraties de la planète et qui à ce titre s’arrogent tous les droits de sanction, de pillage, de guerre au nom de leur monnaie autant que de leur armée et de leur domination sur le marché de l’information. Dans tous ces pays, les prix à la consommation ne cessent de grimper et la cote de popularité de leurs dirigeants souvent élus récemment ne cesse de s’effondrer. Dans le monde entier les travailleurs n’en peuvent plus devant cette hausse des prix et les salaires de misère, les conditions infâmes dans lesquelles on les oblige à vivre, mais c’est aux Etats-Unis et dans les pays riches que la contradiction entre le haut développement technologique, les profits gigantesques et la pression sans cesse accrue sur le travail et la classe ouvrière est la plus flagrante et l’épidémie a servi de révélateur. La seule politique qu’un parti communiste devrait avoir à coeur de développer serait d’organiser la classe ouvrière, les travailleurs au lieu de les laisser en proie à des mouvements utilisés pour assurer la répression, comme on le voit au Sri Lanka ou avec les gilets jaunes, des maidan, des révolutions de couleur utilisées par le capital. Une de leur tâche devrait être la lutte contre la guerre et les campagnes de xénophobie. Chacun constatera que nous n’avons pas en France les forces politiques aptes à mener une telle politique et capable d’éclairer les travailleurs et les couches populaires sur leur nécessaire intervention. Marianne m’a interrogée sur mon affirmation récente: “ce n’est pas la guerre en Ukraine qui explique l’inflation, c’est parce que le capitalisme est incapable d’inventer une politique face à sa propre crise qu’il a besoin de la guerre en Ukraine et ailleurs." Donc voici une description de l’inflation et de la guerre pour les nuls.

La description du  Washington Post est sans appel  :

« L’inflation a flambé de 9,1% en juin, par rapport à l’an dernier, atteignant ainsi un nouveau sommet sur fond de hausse des prix de l’essence.

Les chiffres de l’inflation de juin, publiés par le Bureau of Labor Statistics, révèlent que le poids de la hausse des prix du logement, de l’alimentation et de l’énergie pèse toujours sur les familles et les entreprises américaines. »

« Le pétrole dégringole sur des craintes de récession, les prix de l’essence enregistrent la baisse hebdomadaire la plus prolongée depuis 2020, aux Etats-Unis. »

Les Américains économisent environ 140 M$ par jour dans un contexte où les prix de l’essence enregistrent la plus longue série de baisses en deux ans, sur fond de violent recul des marchés mondiaux du pétrole brut. Comment comprendre dans un contexte de hausse des prix que tout à coup on assiste à une anticipation telle de la récession que cela pèse sur la demande d’énergie et crée cette baisse ? Le marché a de ces brutalités il décide, il anticipe la récession et la provoque alors que les taux d’intérêt montent pour tenter de donner quelque valeur à la masse de monnaie qui a été gonflée artificiellement, en tentant bien sûr de préserver le dollar en le faisant surnager sur l’effondrement du yen et de l’euro qui eux payent l’état réel de l’économie de marché. Parce que cette baisse n’est que le constat de la récession et donc la baisse de la demande et l’impossibilité d’en limiter les effets, leur accélération.

Selon Forbes :

« Ce géant du crédit immobilier supprime des milliers d’emplois et met en garde contre une baisse ‘accélérée’ alors que le marché de l’immobilier chute brutalement    

La société de crédit loanDepot a dévoilé mardi un plan de suppression de milliers d’emplois, et de réduction ‘significative’ des coûts, dans un contexte où la hausse des taux d’intérêt fait sombrer la demande en faveur des prêts : elle devient ainsi la dernière entreprise à alerter sur le fait que le marché immobilier pourrait se retourner de façon plus abrupte après la frénésie d’achats immobiliers de l’ère de la pandémie. »

Comme le soulignent mes trotskistes favoris du WSWS, dans le monde entier les travailleurs n’en peuvent plus devant cette hausse des prix et les salaires de misère, les conditions infâmes dans lesquelles on les oblige à vivre, mais c’est aux Etats-Unis que la contradiction entre le haut développement technologique, les profits gigantesques et la pression sans cesse accrue sur le travail et la classe ouvrière est la plus flagrante. La description est saisissante, on se croirait devant la littérature des années 1930 ou devant du Brecht (Sainte Jeanne des Abattoirs) à la seule différence près que cela ne choque plus personne et que les écrivains sont trop occupés à se contempler le nombril pour s’y intéresser.

Les accidents industriels mortels sont quotidiens nous dit WSWS. La semaine dernière, le docker et immigrant nicaraguayen Uriel «Popeye» Matamoros est mort écrasé dans le port de Newark lorsque l’équipement qu’il utilisait est tombé sur lui. Selon ses collègues, la direction les a maintenus au travail, les faisant travailler autour du site de l’accident sans même avoir complètement nettoyé. «Ça sentait terriblement mauvais», a déclaré un travailleur au WSWS.

OUI cela sent terriblement mauvais, des odeurs de charnier…

Et pendant ce temps-là, la crise de l’exploitation en particulier dans la jeunesse diplômée et que l’on invite à s’auto-exploiter s’aggrave ce qui permet à nos idéologues de dénoncer la “crise du travail”: L’équilibre vie professionnelle-vie personnelle est devenu très important aussi.” Julia de Funès en conclut que “tout ce qui concerne le bonheur immédiat de l’individu prime maintenant sur le travail en tant que tel, qui n’est plus du tout une finalité, un but en lui-même, mais qui devient un moyen pour s’épanouir dans l’existence”, explique la dite Julia de Funes sur France culture la radio de son maître … qui en diffuse l’idéologie…

Nous sommes donc bien à tous les niveaux devant la contradiction forces productives / rapport de production qui exige un changement de société et qui ébranle tous les fondements institutionnels, représentations, organisations, droit, etc…

Une crise de confiance

Il y a des marchés haussiers et il y a des marchés baissiers :  nous nous situons sur un marché baissier avec hausse des taux d’intérêt et cela s’appelle la stagflation qui met à mal à la fois le néolibéralisme et le keynésianisme, les uns proches des conservateurs et de la droite, les autres les démocrates et les sociaux démocrates, une manière de conserver la domination du capital avec ou sans régulation.

C’est donc dans ce contexte d’échec de toutes les solutions face à l’inflation que les capitalistes considèrent comme le principal problème puisque refusant d’améliorer la situation des travailleurs, ils continuent leur pression et utilisent à plein leur domination idéologique.

La presse américaine et même celle des pays vassaux occidentaux fonctionne pour une part pour des initiés et tentent d’influencer les décideurs. Sinon on ne comprendrait pas que les capitalistes achètent des organes de presse qui ont pour mission d’envoyer ces messages. Aux Etats-Unis, le New York Times joue ce rôle et leur livre une vision du sommet de l’Etat. En France, on peut penser que l’élection de Macron comme le choix de ses adversaires s’est joué dans les mêmes conditions. Et ces derniers jours, le vénérable quotidien, New York Times nous a communiqué un tuyau : Biden ne se représentera pas en 2024 et sa vague tentative de relance est abandonnée avant toute mise en oeuvre.

Ce week-end :

« M. Biden fait plus âgé qu’il y a quelques jours, un risque politique qui ne peut être résolu par les traditionnels stratagèmes de la Maison-Blanche tels que les remaniements… Certains assistants le surveillent discrètement. Il traine souvent les pieds, quand il marche, et les assistants ont peur qu’il trébuche sur un câble. Il butte sur certains mots, au cours d’événements publics, et ils retiennent leur souffle pour voir s’il va s’en sortir jusqu’à la fin sans faire une gaffe. »

Et puis lundi :

« Les inquiétudes généralisées concernant l’économie et l’inflation ont contribué à assombrir résolument l’humeur nationale, tant à l’égard de M. Biden que de l’orientation du pays… pessimisme répandu dans tous les coins du pays. »

Et Yahoo! News en rajoute :

« La cote de popularité du président Biden chute à 33% alors que la grande majorité des Démocrates recherche un nouveau candidat pour 2024.    

Selon un sondage réalisé la semaine dernière par le New York Times/Siena College, seul 1 Américain sur 3 approuve l’action de Biden. Mais [élément] peut-être plus inquiétant encore, pour l’avenir politique de Biden, seuls 26% des Démocrates inscrits souhaitent qu’il soit nommé par le parti démocrate aux prochaines élections présidentielles. 

Et nous remarquons en premier lieu que cette désapprobation généralisée ne concerne pas que M. Biden. La cote de popularité de Donald Trump a sombré à 30%, à la fin de son mandat. Et au cours de la crise financière de 2008, encore moins de monde faisait confiance à George W. Bush.

Et cela ne se limite pas aux Etats-Unis.

Boris Johnson vient juste d’être prié de quitter son bureau.

Emmanuel Macron est très critiqué : 62% des Français désapprouvent son action.

Le chancelier allemand Scholz est à peu près au même niveau, avec une cote de popularité de 36%.

Et le gouvernement italien vient de démissionner.

Que se passe-t-il ?

Pourquoi les gens font-ils si peu confiance aux dirigeants qu’ils élisent ?

Qu’est-ce qui ne tourne pas rond, avec les démocraties occidentales ?

(Vladimir Poutine, en revanche, aurait une cote de popularité de 83% et le rouble enterre l’euro) constatent les commentateurs, sans parler de l’adhésion à la Chine, du faible effet relatif des sanctions et de l’étranglement de l’économie sur certains pays dont on attribue le succès à l’autocratie.

Est-ce un problème qui va au-delà de l’argent ? s’inquiètent les investisseurs…

Que faut-il faire?

Ce qui ne doit pas, ne peut pas être remis en cause c’est le formidable endettement des Etats-Unis, leur utilisation de la planche à billet et du dollar comme étalon or. Depuis le choix de Nixon de refuser l’étalon or, tout l’art des Etats-Unis a consisté à reporter le poids de cette dette abyssale sur d’autres pays, à commencer par l’URSS. L’attaque réussie contre l’URSS leur a donné de la respiration jusqu’à la crise asiatique de 1997 puis celle dite des subprimes de 2008 avec de plus en plus de tentatives d’émancipation des pays du sud en particulier, derrière la Chine…

Et la lutte contre les effets par la baisse jusqu’à zéro des taux d’intérêt, tout en poursuivant une énorme accumulation du capital financier et une inégalité croissante, ne repose que sur la puissance des USA et donc sa capacité à faire payer son surendettement par les autres pays, sur le rôle joué également par le pétrodollar.

Nous sommes entrés dans une phase de remise en cause de cette hégémonie qui se double partout du passage possible à une monnaie numérique avec la quasi interdiction du cash. Si les Etats-Unis conservent leur domination monétaire, l’interdiction du cash devient avec le contrôle numérique le moyen de jouer à la fois avec la planche à billet numérique et les taux d’intérêt les plus bas. Mais d’autres pays y compris la Chine et maintenant la Russie sont en train de s’émanciper de ce licol, l’inflation est le résultat de ces processus complexes sur lesquels les grands argentiers de l’occident ont de moins en moins la haute main comme on l’a vu avec le G 20. Mais on peut également voir que c’est la contradiction croissante au sein du pays où fleurit l’inflation, contradiction interne et externe, qui est à la base de cette inflation ou stagflation.

C’est dans un tel contexte qu’intervient le sauve qui peut du relèvement des taux d’intérêt. Une manière en catastrophe de répondre à ce qu’on appelle la stagflation, elle-même le produit de cette financiarisation et du système de sanction, de pillage aggravé à partir de 1991. Une notion qui décrit une situation économique dans laquelle se conjuguent  la stagnation de l’activité économique  (faible croissance économique et chômage élevé) et la hausse des prix (inflation). Avec un double effet de la part de la FED, tenter d’attirer les capitaux pour mieux faire payer l’excès de dollars, le matelas de monnaie pourri aux autres pays à commencer par les chers alliés européens et japonais. C’est le recours à America first de Trump à Biden.

Un des effets pervers de la situation (qui ne fait qu’accentuer l’effet désastreux de la manière dont les Etats-Unis ont utilisé le dollar et leur mainmise sur les circuits financiers pour s’emparer des dépôts afghans et russe) est que dans leur tentative de créer des coalitions militaires contre les pays en proie à des sanctions (et qui sont devant la nécessité de se libérer de l’emprise donc), ils n’ont rien à offrir pour faire face à la crise qu’ils continuent à aggraver.

Il faut mesurer le fait que le capital n’a pas de solution et si l’on combine ce qui s’avère la catastrophe du marché financiarisé avec les autres défis de la période en matière de climat, de santé, le relèvement des taux d’intérêt signifie que la dette de la France s’accroit et sa capacité d’investissement dans les services publiques, le rattrapage du pouvoir d’achat s’amenuise alors qu’augmentent la facture du capital et celle de l’armement.

Mais du côté de l’intervention keynesienne ce n’est pas miraculeux non plus. La stagflation a considérablement dégradé l’image du keynésianisme auprès des dirigeants économiques. Cette école de pensée prévoyait en effet un arbitrage entre inflation et chômage, de telle sorte qu’une augmentation de l’un provoquait une baisse de l’autre (principe de la courbe de Phillips). Face à une situation de chômage, une stimulation de l’activité économique par des politiques de relance étaient préconisées ; or, face à une situation de stagflation, ces politiques ne fonctionnaient plus. Elles restent au milieu du gué en tant que tentative de régulation d’un système capitaliste dont les principaux protagonistes sont en situation de faire sauter toutes les régulations. La fin de l’ultime régulation que représentait l’URSS a consacré sans doute la fin du keynesianisme.

La stagflation a alors laissé le champ libre aux préceptes du monétarisme (Milton Friedmanécole de Chicago…) et de l’ordolibéralisme, qui, eux, visaient une baisse de l’inflation. Les politiques de la demande ont été remplacées par les politiques de l’offre, et les politiques expansionnistes par des politiques de rigueur, mettant un terme à la forte inflation. Ces politiques n’ont toutefois pas toujours permis une sortie du marasme économique, elles l’ont généré. Elles tentent de nous faire croire que c’est la hausse des salaires qui génère l’inflation alors que les faits sont là, non seulement les salaires, les pensions étaient déjà à un niveau insuffisant encore aggravé par la destruction des services publics mis en coupe réglée depuis au moins les années quatre vingt dix, mais l’inflation rend la pression intolérable.

L’idée d’un retour à l’intervention de l’Etat est certes dans l’air mais toutes les interventions de l’Etat ne signifient pas l’intérêt public, la guerre en est l’exemple le plus illustratif. On ne peut pas simplement opposer marché et Etat, il faut encore comprendre la nature de l’Etat et sa relation au marché. Le retour à l’Etat et on le voit avec la proposition de nationalisation d’EDF peut être simplement une tentative pour faire payer un peu plus la gabegie du capital à la classe ouvrière et aux travailleurs.

Bref, face à leur incapacité à trouver une issue, les capitalistes et le pouvoir politique qui leur est inféodé tendent à n’avoir plus que le recours à la guerre et au fascisme.

La seule politique qu’un parti communiste devrait avoir à coeur de développer est d’organiser la classe ouvrière, les travailleurs au lieu de les laisser en proie à des mouvements utilisés pour assurer la répression, comme on le voit au Sri Lanka ou avec les gilets jaunes. Une de leur tâche devrait être la lutte contre la guerre et les campagnes de xénophobie. Chacun constatera que nous n’avons pas en France les forces politiques aptes à mener une telle politique et capables d’éclairer les travailleurs et les couches populaires sur leur nécessaire intervention.

Danielle Bleitrach

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