Shock therapy
La thérapie de choc, administrée aux pays de l’ancien bloc communiste par le bon docteur Sachs (1), Jeffrey de son prénom, a laissé ses traces, jusque dans l’ex république soviétique d’Ukraine. Ainsi, depuis l’introduction du salaire minimum légal en 2015, tout de même, convergence des salaires en Europe oblige, le salaire horaire minimum y a carrément quadruplé, de 34 centimes à 1,21 euro. On n’arrête pas le progrès. (2)
C’est sans doute la conséquence du soutien financier généreux des pays occidentaux pour le maintien de la démocratie et si on prend comme référence les vingt ans d’engagement américain et de ses alliés en Afghanistan, on a bon espoir pour l’amélioration du sort des Ukrainiens.
Si on croit les calculs du magazine économique « Forbes » (3) les Etats-Unis ont dépensé la somme de 2'000 milliards USD dans la lutte contre les talibans et la « démocratisation » de l’Afghanistan, 300 millions USD chaque jour pendant vingt ans ou 50'000 USD pour chaque citoyen afghan.
800 milliards USD ont été déboursé pour les interventions militaires et 85 milliards USD pour l’entraiment des soldats afghans, dont 750 millions USD chaque année en guise de salaires. A ce stade, les frais médicaux pour soigner les 20'000 soldats américains blessés a coûté le contribuable américain la somme de 300 milliards USD. Il faudra ajouter à cette somme un demi billion USD pour les soins continus.
Et puisqu’on ne fait pas d’omelette sans casser des œufs, la démocratie a son prix, on se résout à déplorer également la mort de 47'000 civils afghans, 69'000 membres des forces de sécurité afghans, 3'500 soldats des troupes coalisées dont 2'500 militaires américains, 4'000 membres d’entreprises militaires US privées et 51'000 combattants ennemis.
Il y a tout de même un petit bémol. Cette guerre, comme celle de l’Ukraine d’ailleurs avec ses 40 milliards USD d’aides supplémentaires, votés tout récemment par le Congrès américain, est financée avec de l’argent, emprunté auprès des pays occidentaux et la Chine, du moins ceux qui utilisent (encore) le USD comme monnaie de réserve (4). Ainsi, la somme de 500 milliards USD a déjà été déboursée en guise de paiements d’intérêts et, d’ici 2050, selon une étude de l’Université Brown dans l’état de Rhode Island, le seul coût de financement de la « dette afghane » pourrait atteindre la somme de 6'500 milliards USD, 20'000 USD supplémentaires pour chaque américain.
On pourrait mettre cette mésaventure sur le compte de l’incompétence de trois administrations américaines successives, à moins qu’il s’agisse, tel que le pense le plus célèbre prisonnier politique de tous les temps, Julian Assange, d’un gigantesque stratagème de blanchiment d’argent. On hésite.
En tout cas, le soudain déplacement du théâtre des opérations en Ukraine par l’entourage du président Joe Biden, ne présage rien de bon.
Toujours est-il, on sait que depuis février 2014, date de ce qu’on appelle « Révolution de Maidan », le renversement du gouvernement du président élu Viktor Ianoukovytch, jugé trop favorable à la Russie, les fonds étrangers commencèrent à affluer vers l’ancienne république soviétique.
En effet, le Fonds monétaire international FMI, à la tête duquel se trouvait à l’époque, l’actuelle présidente de la Banque centrale européenne, Christine Lagarde, ancienne ministre française de l’économie, qui s’y connaît en matière de générosité envers les bons clients, pour avoir été jugée coupable de négligence par la justice française dans l’attribution de l’argent public, 405 millions d’euros, au défunt homme d’affaires Bernard Tapie (responsable, mais non coupable), ouvre des lignes de crédit généreuses en faveur de la NBU, National Bank of Ukraine, impatiente de remplacer la dépendance financière de l’Ukraine envers la Russie par une, plus convenable, envers les pays de l’OTAN.
Ainsi, plus d’un tiers de ces nouveaux prêts du FMI furent octroyés à une des plus importantes banques commerciales d’Ukraine, la Privat Bank, propriété du milliardaire ukrainien Ihor Kolomoisky, mécène de l’ancien humoriste et acteur, Volodymyr Zelensky, fortune personnelle entre 20 et 30 millions USD selon Forbes, devenu président d’Ukraine, et son partenaire Gennadiy Bogolyubov, ce qui, à première vue paraît raisonnable, compte tenu de l’importance de l’institut dans l’économie ukrainienne. (5)
Seulement, les propriétaires avaient prévu un autre usage, plus personnel, pour ces fonds. Plutôt que de les prêter aux agents économiques, ils décidèrent de mettre en place ce qu’on appelle communément une « Pyramide de Ponzi », en établissant une multitude de sociétés écran, domiciliées dans des paradis fiscaux, Chypre et Delaware, qui se prêtaient de l’argent entre elles pour rembourser les prêts arrivés à échéance, créant un trou dans le bilan de la banque de 5,5 milliards USD.
Les « Optima Schemes », c’est ainsi que s’appellent ces transactions frauduleuses dans un document de l’acte d’accusation, déposée par la partie lésée, la Privat Bank, nationalisée entre temps, dans l’état du Delaware, également domicile de nombreuses sociétés écran. Les montants siphonnés de la banque ukrainienne servaient, en grande partie à des acquisitions immobilières aux Etats-Unis, faisant de l’oligarque Kolomoisky un des plus importants propriétaires immobiliers du Midwest américain. (6)
Les mauvaises langues disent que le soudain intérêt que la justice américaine porte à l’oligarque ukrainien s’expliquerait par son changement d’attitude envers la Russie, comme en témoignent ses récentes déclarations selon lesquels il serait temps que « l’Ukraine trouve un nouvel accord avec la Russie » et que « l’OTAN qui n’arrête pas de se mouiller le pantalon aurait besoin de nouveaux « Pampers » ». Déchu de sa nationalité par son ancien protégé, le président Zelensky, on murmure que l’homme d’affaires aurait trouvé refuge à Moscou. Qui sait (?)
Toujours est-il, Ihor Kolomoisky n’est de loin pas le seul à avoir dépouillé l’ancienne république soviétique de ses richesses. Depuis son indépendance en 1991, c’est toute une caste, indigène et étrangère, d’oligarques et autres capital-risqueurs, américains et européens, qui continue à vider de sa substance l’ancien centre industriel et agricole de la défunte Union soviétique.
Lorsque les 7‘000 paysans ukrainiens ayant travaillé dans les kolkhozes sous le régime communiste (fermes collectives), furent congédiés, l’état attribuait à chacun d’entre eux en moyenne 4 hectares de terre à cultiver, trop peu pour survivre. Raison pour laquelle ceux-ci préféraient affermer leurs terres à des investisseurs, indigènes et étrangers, pour un prix dérisoire, 150 USD par année en moyenne.
Ainsi l’oligarque ukrainien Andrij Verevskyi a pu s’emparer à vil prix de 570‘000 hectares de terres agricoles avec son conglomérat « Kernel Holding SA ». Oleg Bachmatyuk contrôle 500‘000 hectares à travers sa firme « UkrLandFarming » et le capital risqueur américain « NCH Capital », un des premiers parmi les investisseurs occidentaux à avoir profité de la chute de l’Union soviétique, selon son site web, actif en Europe de l’est et la Russie (agribusiness, private equity, real estate, public securities) contrôle 400‘000 hectares, Yuriy Kosiuk avec sa société « Myronivsky Hliboproduct » arrive à 370‘000 hectares, Rinat Akhmetov à 220‘000 hectares, « Continental Farmers Group » à 195‘000 hectares. Des caisses de pension néerlandaises et suédoises participent autant que des exploitants moyens de Bavière et de Saxe comme Dietrich Treis, qui chez lui occupe à peine 60 hectares, mais contrôle 4‘500 hectares ukrainiennes au prix de 60 euros par hectare et par année ou Alexander Wolters, tous utilisant des domiciliations fiscales avantageuses comme le Luxembourg, Chypre ou la Suisse. (2)
Ayant eu vent, tout récemment, du degré de corruption dans son pays, le président Volodymyr Zelensky fait, à nouveau, le ménage dans son entourage. Ainsi, il vient de se séparer de sa Procureure générale Iryna Venediktova, en fonction depuis mars 2020, ainsi que du Chef du Service de sécurité d’Ukraine SBU, Ivan Bakanov, un ami d’enfance, en fonction depuis 2019. 650 responsables locaux sont en outre mis sous enquête, « soupçonnés de collaboration avec la Russie ».
Affaire à suivre
- En science économique « thérapie de choc » est le nom donné à une
réforme économique rapide, sans transition, en libéralisant prix,
salaires, commerce extérieur, en supprimant toute régulation étatique,
ainsi qu’une privatisation accélérée des entreprises du service public,
recette préconisée par l’économiste américain Jeffrey Sachs de
l’université de Columbia New York à la défunte Union des républiques
socialistes soviétiques sur invitation des gouvernements
post-communistes de Mikhail Gorbatchev et Boris Eltsine, ainsi qu’aux
gouvernements polonais et boliviens. Depuis quelque temps Jeffrey Sachs
met de l’eau dans son vin, ce qui est tout à son honneur.
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