ENTRETIEN. Sophie Binet, à la tête de la CGT: « On peut perdre des batailles sans perdre la guerre »
La première femme à la tête de la CGT entend poursuivre la mobilisation pour obtenir le retrait de la réforme des retraites. En interne, elle doit jouer la carte du rassemblement dans un syndicat qui s’est déchiré lors du dernier congrès. « On n’est pas dans la logique du grand soir », dit-elle.
Élue au terme d’un congrès houleux dans un contexte marqué par la lutte contre la réforme des retraites, Sophie Binet est la première femme à diriger la CGT. Elle aura la rude tâche de diriger un syndicat où réformistes et partisans d’une ligne dure s’affrontent à intervalles réguliers. « Faire du syndicalisme, c’est être très concret. En partant de la mobilisation et de la volonté de gagner, on arrive à trouver des points de convergence en s’appuyant sur la diversité des regards et des analyses », explique-t-elle dans le premier entretien qu’elle accorde à Ouest-France.
La réforme des retraites a été promulguée. Pourquoi continuer ce combat ?
Sophie Binet : Quand on ne gagne pas par la porte, il faut se battre pour passer par la fenêtre. On peut perdre des batailles sans perdre la guerre. La CGT va continuer à se battre pour que la réforme ne s’applique pas.
Qu’allez-vous faire ?
Le Président peut décider de suspendre l’application de cette loi comme Jacques Chirac l’avait fait avec le CPE (Contrat première embauche). On ne peut pas gouverner contre le peuple. Aujourd’hui, il ne peut plus faire un déplacement sans être rattrapé par des manifestations. Il y a par ailleurs une proposition de loi d’abrogation qui sera examinée le 8 juin. Le hold-up du gouvernement a empêché les députés de voter. Ils peuvent jouer leur rôle et offrir une sortie de crise.
Est-ce que vous avez été déçue par la conduite des débats à l’Assemblée nationale ?
J’ai surtout été déçue par le comportement du gouvernement. Il y a eu un scandaleux verrouillage institutionnel qui n’a pas permis de débat démocratique.
Et la dimension chaotique des échanges ?
Nous sommes dans des institutions républicaines. L’Assemblée nationale n’est pas une assemblée générale. Mais je n’ai pas à juger des stratégies déployées dans l’hémicycle.
Quel est le rôle des syndicats et des partis dans ce débat sur les retraites ?
Le travail avec les organisations politiques progressistes nécessite aussi le maintien de contre-pouvoirs forts. On voit la nécessité de conserver un syndicalisme indépendant. Les rôles sont complémentaires. C’est aux organisations syndicales d’animer la mobilisation et de la rythmer et aux partis de conduire cette bataille au Parlement. C’est aussi à ces derniers d’élargir l’horizon politique et d’offrir des alternatives.
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