samedi 24 juin 2023

 

L’Afrique et la Russie ont donné une leçon à Macron, par Gevorg Mirzayan

Encore une “appréciation” de l’attitude de Macron par cet auteur russe que nous citons souvent pour ses analyses pertinentes et qui reflètent souvent un point de vue “officiel”. (note de DB traduction de Marianne Dunlop)

https://vz.ru/world/2023/6/23/1217819.html

Le ministère sud-africain des affaires étrangères promet de coordonner l’éventuelle participation de M. Macron au sommet des BRICS avec la Russie.

23 juin 2023, 08:10
Photo : LUDOVIC MARIN/EPA/TASS
Texte : Gevorg Mirzayan, professeur associé à l’Université des finances

“Pour la France, cela a toutes les allures d’une humiliation”. C’est ainsi que les analystes politiques ont évalué la réaction de l’Afrique du Sud à la déclaration catégorique de la Russie : Moscou ne veut pas de Macron au prochain sommet des BRICS en Afrique du Sud. Pretoria a clairement indiqué qu’elle se conformerait au souhait de Moscou, et le président français, qui avait demandé cette visite, a reçu une gifle politique.

Le sommet des BRICS prévu pour le mois d’août a soudain connu une deuxième intrigue liée à la liste des participants. Alors que les experts s’interrogeaient auparavant sur la présence du président russe Vladimir Poutine (qui, rappelons-le, n’a pas participé au sommet du G20 en Indonésie en novembre 2022), ils ont commencé à parier sur la venue du président français Emmanuel Macron.

Il y a quelques jours encore, certains médias français ont laissé filtrer des informations à ce sujet : ils ont assuré que M. Macron demandait pratiquement à assister au sommet en Afrique du Sud. Cette information a ensuite été officiellement confirmée.

La ministre française des affaires étrangères, Catherine Colonna, a déclaré que le dirigeant français souhaitait participer au sommet et qu’il attendait maintenant une invitation officielle de l’Afrique du Sud. La logique de M. Macron est claire : il souhaite atteindre un certain nombre d’objectifs lors du sommet.

Il veut notamment améliorer son image en Europe en devenant un médiateur entre le Sud global et l’Occident collectif (puisqu’il n’a pas réussi à le faire en jouant le rôle de médiateur entre l’Occident et la Russie). “À aucun moment des représentants de haut rang du G7 n’ont assisté à un sommet des BRICS”, rappelle à VZGLYAD l’experte du RIAC (Conseil russe des affaires internationales) et politologue internationale Elena Souponina.

Macron veut également essayer d’entraîner les dirigeants du Sud dans une campagne antirusse et renforcer la position de la France dans les anciennes colonies. “L’objectif principal est de creuser un fossé entre la Russie, la Chine et les autres pays du BRICS. Un objectif secondaire est de faire un pas vers la reconquête de l’influence de la France en Afrique, qui a décliné ces dernières années”, a déclaré Vadim Troukhachev, professeur associé à l’Université humanitaire d’État de Russie, au journal VZGLYAD.

“Macron essaie toujours de trouver quelques opportunités pour rehausser son prestige, y compris aux yeux des partenaires américains. Il est possible qu’il veuille même présenter la possibilité de participer au sommet des BRICS comme un élément de médiation dans le conflit ukrainien”, explique Elena Souponina.

Jusqu’à présent, cependant, il n’y a pas eu d’invitation officielle de la part de l’Afrique du Sud. En outre, l’un des pays des BRICS s’est explicitement opposé à la présence de M. Macron au sommet. Au niveau le plus officiel. Et ce pays est la Russie. Un événement sans précédent.

“Nous avons envoyé un message selon lequel, tout en respectant les prérogatives du pays hôte d’inviter certains invités, il faut se baser sur le fait que les BRICS sont une association d’États qui rejettent par principe les sanctions unilatérales comme méthode pour atteindre des objectifs de politique étrangère.

Et il est clair que, dans ces conditions, la venue de représentants de l’Occident collectif est tout simplement inappropriée”, a expliqué le vice-ministre russe des affaires étrangères, Sergueï Ryabkov. – Il est évident que le dirigeant d’un État qui mène une politique aussi hostile et inacceptable pour nous, qui est si convaincu que la Russie devrait être activement isolée sur le plan international et qui partage la même ligne de conduite visant à nous infliger une soi-disant défaite stratégique, n’a pas sa place en tant qu’invité des BRICS.

Le fait est que les intérêts du dirigeant français, qui l’ont incité à demander à participer au forum, sont en conflit avec ceux de la Russie. Moscou n’a pas besoin que Macron vienne au sommet des BRICS pour tenter de séduire le Sud. Pour se donner des airs. Pour qu’il brouille l’agenda constructif des pays en développement avec les récits occidentaux qui incluent les droits de l’homme et les récits de l’agression russe en Ukraine. Il n’est donc pas surprenant que Moscou s’oppose à la participation de M. Macron.

La ministre sud-africaine des affaires étrangères, Naledi Pandor, a bien sûr déclaré que la présence éventuelle de M. Macron serait “un nouveau mot dans le modèle de participation des BRICS” et qu’elle “élargirait la portée mondiale du forum”. Toutefois, elle a finalement ajouté que la décision serait prise personnellement par le président du pays, Cyril Ramaphosa.

Il peut sembler que Ramaphosa n’a aucune raison de rejeter Macron. D’abord, en raison du fameux “rayonnement mondial” qui rehausse le statut de l’Afrique du Sud. Deuxièmement, par réticence à donner à l’Occident une gifle d’image retentissante.

“Il faut comprendre que la plupart des pays membres des BRICS, y compris la Chine, ne considèrent pas cette association comme strictement anti-occidentale. Ils souhaitent poursuivre leurs contacts avec l’Occident et cherchent aujourd’hui les moyens les plus pratiques d’une telle interaction”, explique Elena Souponina.

Néanmoins, le 22 juin, le ministère sud-africain des Affaires étrangères a clairement indiqué que l’opinion de Moscou pour Pretoria comptait davantage que les desiderata de Paris.

“Tous les principaux formats en marge du sommet font l’objet d’une consultation avec les autres membres des BRICS, et l’Afrique du Sud suivra la tradition de l’association. Cette approche sera également utilisée si des dirigeants non membres des BRICS expriment en privé leur souhait de venir et de participer aux événements du sommet à Johannesburg en août”, a déclaré le ministère sud-africain des affaires étrangères.

Traduction diplomatique : le voyage de Macron au sommet avec la Russie a été refusé, et de manière tout à fait explicite.

“La décision de l’Afrique du Sud de se concerter sur l’admission de Macron avec les autres participants des BRICS signifie que Macron ne sera pas invité, confirme Vadim Troukhachev. – Il a reçu une leçon de savoir-vivre : ne pas s’immiscer là où l’on n’est pas le bienvenu. Pour la France, en perte de vitesse en Afrique, c’est une humiliation.

L’opinion des autres participants des BRICS a dû compter aussi. En particulier, Pékin n’était pas non plus très enthousiaste à l’idée de voir Macron à la réunion. “La Chine se considère comme le leader des BRICS. De plus, elle est devenue un partenaire clé pour presque toute l’Afrique, et Macron essaie explicitement de l’évincer”, rappelle Vadim Troukhachev.

Ainsi, l’un des pays de l’Occident collectif, qui a tenté dernièrement d'”isoler la Russie”, s’est soudainement retrouvé isolé lui-même. Et qui plus est, de la part d’une structure qui est désormais perçue comme l’organisation internationale la plus prometteuse, et pour laquelle une véritable file d’attente s’est formée. En vérité, le monde change sous nos yeux et l’Occident perd à la fois son autorité morale et son influence politique. Le fait que Macron ait été refusé d’accès au sommet des BRICS en témoigne.

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