Frustré par la souveraineté du Mali, le ministère des affaires étrangères s’en prend aux populations, par Franck Marsal
Le gouvernement français ne supporte pas que les anciens pays colonisés (Mali, Burkina, Niger) accèdent à la réelle souveraineté et rejettent les injonctions méprisantes de Paris. Incapable de prolonger sa domination sur l’Afrique, la France choisit de se venger en s’en prenant aux populations. Menaces, sanctions et gesticulations qui ont des effets terribles mais qui ne font que renforcer la détermination des nouvelles générations à tracer une voie indépendante de l’occident.
Dernière décision en date, celle prise la semaine passée par le Ministère français des Affaires étrangères de placer le Mali en zone rouge, fortement déconseillée aux ressortissants français. Cyril Adohoun, journaliste malien relate, dans un article que nous publions ci-dessous, les conséquences concrètes de cette décision, dont les autorités maliennes n’ont été informées que par voie de presse.
Dans la même période, le Mali vient de publier les résultats de son 5ème recensement général de la population, qui sont tout à fait fascinants :
La population malienne est estimée à 22 395 485 habitants pour l’année 2022. Parmi ces chiffres, 47,2% sont des jeunes de moins de 15 ans. Le taux de croissance démographique du Mali est de 3,3 % par an. Une croissance de 3,3% par an signifie que la population du Mali aura doublé en 20 ans. Ces résultats montrent l’ampleur des défis auxquels le peuple malien est aujourd’hui confronté pour nourrir, éduquer, construire, protéger sa patrie. Ils montrent également l’incurie profonde des classes dominantes françaises, enfermées dans leur passé colonial et incapable de se projeter dans le monde de demain qu’elle ne gouverneront plus. Ils montrent enfin que la souveraineté n’est pas seulement un enjeu de dignité pour ces pays mais une urgence vitale, afin de pouvoir mobiliser toutes les ressources et énergies nécessaires en vue de ces défis.
Les trois pays “fer de lance” de l’actuel mouvement pour la souveraineté de l’Afrique sont dans cette même situation de croissance démographique. Réunis, ces trois pays comptent environ 65 millions d’habitants et auront doublé leur population d’ici 20 ans, moins d’une génération. Ces pays que le gouvernement français méprise auront alors une population double de celle de la France. Il n’y a aucune raison de douter que ces jeunes pays relèveront le défi de la souveraineté et celui du développement. De nombreux signes montrent que les problèmes sont en train d’être pris à bras le corps, non par le gouvernement, mais par le pays tout entier.
Le mouvement de solidarité avec le peuple nigérien, frappé par les sanctions criminelles de la CEDEAO se poursuit pour sa part dans plusieurs pays africains, sous forme de manifestations populaires et de prises de position. Par exemple, la conférence des évêques du Togo viennent d’appeler à trois journées de prière en solidarité au peuple nigérien et pour la levée des sanctions. Il est temps que les organisations populaires françaises entrent à leur tour dans des actions concrètes de solidarité.
LA BOURDE DIPLOMATIQUE AUX PROPORTIONS INATTENDUES SAPE DAVANTAGE LES RELATIONS ENTRE BAMAKO ET PARIS. LA MESURE FRANÇAISE DE METTRE LE PAYS EN ZONE ROUGE A FÂCHÉ LES MALIENS QUI ONT EUX AUSSI RÉAGI EN RÉCIPROCITÉ, par Cyril Adohoun
Le Ministère des Affaires étrangères et de la Coopération internationale a récemment été pris de court en apprenant que le Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères français avait catégorisé le Mali en zone rouge, invoquant des « fortes tensions régionales » comme justification. Cette décision a déclenché une série de mesures qui risquent de compromettre les liens entre les deux nations.
Il est préoccupant de constater que cette dé-classification du Mali en zone rouge a été communiquée aux autorités maliennes par le biais des médias plutôt que par des canaux diplomatiques appropriés. « Le Ministère des Affaires étrangères et de la Coopération internationale a appris, avec surprise, par voie de presse que le Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères français a classé le Mali en zone rouge au motif de supposées « fortes tensions régionales », a tweeté le ministre Abdoulaye Diop.
Cette approche négligente a non seulement froissé la sensibilité de Bamako, mais a également miné la confiance qui est fondamentale pour maintenir des relations internationales solides. Une telle omission dans la communication ne fait qu’accroître les tensions déjà existantes entre les autorités de la transition malienne et celles françaises.
Dans la même foulée, a fait savoir le Chef de la diplomatie malienne, les Services de l’Ambassade de France à Bamako ont suspendu la délivrance des visas et fermé le centre de visas et le centre d’appels « Capago ». Ce qui a ajouté une couche supplémentaire d’obstacles aux relations entre les deux pays.
La suspension de la délivrance des visas a des conséquences bien plus vastes que ce qui pourrait apparaître à première vue. Elle a le potentiel de perturber les échanges culturels, économiques et éducatifs entre le Mali et la France, mettant ainsi en péril les opportunités de collaboration et de rapprochement entre les deux nations.
« Le Ministère suspend, jusqu’à nouvel ordre, la délivrance de visas aux ressortissants français par les services diplomatiques et consulaires du Mali en France », a répliqué le ministre Abdoulaye Diop. L’utilisation de la réciprocité par le Mali pour suspendre la délivrance de visas aux ressortissants français est compréhensible d’un point de vue diplomatique.
Cependant, ces mesures réciproques risquent de créer un cercle vicieux de représailles mutuelles qui ne fera que détériorer davantage les relations déjà fragiles entre les deux pays. La diplomatie devrait viser à apaiser les tensions et à favoriser le dialogue plutôt qu’à intensifier les conflits.
La situation actuelle appelle à une réflexion approfondie sur la manière dont les décisions diplomatiques sont prises et communiquées. Une meilleure coordination et une communication directe entre les parties concernées sont nécessaires pour éviter de telles bourdes à l’avenir. Les relations entre pays ne sont pas seulement basées sur les intérêts nationaux, mais aussi sur le respect mutuel et la compréhension.
Somme toute, la bourde diplomatique entre Bamako et Paris ne peut être minimisée. Les répercussions potentielles de ces actions hâtives sont profondes et pourraient avoir des conséquences durables sur les relations entre le Mali et la France. Il est impératif que les deux parties travaillent ensemble pour rétablir la confiance et relancer un dialogue constructif afin de surmonter les différences et de renforcer leur collaboration pour le bien de leurs peuples respectifs et de la stabilité régionale.
Cyril Adohou Source: L’Observatoire
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