mercredi 20 décembre 2023


Loi immigration : Le texte adopté avec le soutien de la droite et de l'extrême droite

épilogue La loi, qui s'est fortement droitisée après le rejet de la semaine dernière, est finalement passée à l'Assemblée par 349 voix contre 186, malgré une fronde d'environ un quart des députés de la majorité


Marine Le Pen, Gérald Darmanin et Eric Ciotti lors des débats à l'Assemblée nationale sur le projet de loi sur l'immigration le 19 décembre 2023 (photomontage).
Marine Le Pen, Gérald Darmanin et Eric Ciotti lors des débats à l'Assemblée nationale sur le projet de loi sur l'immigration le 19 décembre 2023 (photomontage). — Sipa/AFP

Pour Emmanuel Macron, l'avenir dira s'il s'agit d'une victoire à la Pyrrhus. Après une semaine de négociations, de cajoleries et de menaces, le Parlement a approuvé définitivement la loi sur l'immigration après un vote à l'Assemblée, un peu après 23 heures, mardi soir. Et si Gérald Darmanin avait le sourire, la majorité présidentielle s'est fracturée face à la droitisation d'un texte au final soutenu par la droite, mais aussi l'extrême droite.

Au final, l'Assemblée l'a voté avec 349 voix pour et 186 voix contre, sur 573 votants, LR et RN joignant leurs voix à celle de la majorité. Cette dernière s'est divisée: 59 voix lui ont manqué, sur 251 députés, entre votes contre (27) et abstentions (32).

« Un nouvel axe politique », dénonce Mélenchon

Sur X, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin s'est félicité de l'adoption d'un texte « fort et ferme », « sans les voix des (88) députés RN ». « La majorité a fait bloc, la manoeuvre du RN a échoué », a estimé de son côté la Première ministre Elisabeth Borne, semblant passer outre la défection de près du quart de ses députés.

Le chef de file de la France Insoumise (gauche radicale), Jean-Luc Mélenchon, a de son côté dénoncé une « écoeurante victoire » acquise au contraire grâce aux voix de l'extrême droite. « Un nouvel axe politique s'est mis en place », a-t-il réagi sur X. 

Qui a raison? Ça dépend. Si les 88 députés RN avaient voté contre, le texte aurait été rejeté par 274 voix contre 261. Mais s'ils s'étaient abstenus, il aurait fallu effectuer le calcul non plus sur 535 voix exprimées mais sur 447 (535-88), soit une majorité à 224. Avec 261 voix pour, le texte aurait donc été adopté.

Le ministre de la Santé remet sa démission

Marine Le Pen ne s'y est pas trompée, se réjouissant de la « victoire idéologique » du RN. Le président des LR, Eric Ciotti, se félicitant d'une « victoire historique pour la droite », a appelé la majorité « en crise », à « tenir compte » du fait que les Républicains avaient permis « sur le fond et la forme l'adoption de ce texte ». « Qu'elle comprenne enfin que le en même temps est une impuissance ».

Signe du malaise dans la majorité, le président de la commission des Lois, Sacha Houlié, a voté contre le projet de loi. Et le président du groupe MoDem, Jean-Paul Mattei, s'est abstenu.

Le marasme touche aussi le gouvernement: le ministre de la Santé Aurélien Rousseau a présenté mardi sa démission à la Première ministre, sans que l'on sache dans la nuit si elle avait été acceptée. Plusieurs ministres défavorables au texte, comme Clément Beaune (Transports), Patrice Vergriete (Logement) ou Sylvie Retailleau (Enseignement supérieur), ont été reçus dans la soirée à Matignon.

« Ca va laisser des traces. Et pas qu'au Parlement. Je pense qu'on ne se rend pas encore compte des répercussions. Des collègues ont craqué physiquement (...) Ne pas tirer les leçons de l'épisode qu'on vient de vivre ce serait difficile », glissait après le vote une cadre de la majorité. « On est dans la main du RN, on a perdu sur tous les tableaux » et Marine Le Pen « a tout gagné », s'exaspérait une députée Renaissance.

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