"Interrogations ukrainiennes" par Bernard Chambazby histoireetsociete |
Le
grain de sel de l'écrivain Bernard Chambaz dans Cactus. "C’est à mon
reportage pour
l’Humanité en Ukraine en 2012 (voir ci-dessous) que je
dois d’écrire ce billet. J’avais vu un pays très attachant, paisible
malgré les tensions, structuré par la langue russe, adossé à une riche
histoire. C’est précisément ce tableau qui vient de se fissurer à une
vitesse foudroyante."
Billet,
tant mieux, le dictionnaire confirme qu’il s’agit d’une brève
« chronique ». Le temps me semble bien le cœur du sujet, les couches
comprimées du passé et aussi d’un présent par définition ouvert et,
somme toute, j’en suis plutôt à me poser des questions – qui portent à
la fois sur la réalité ukrainienne, sur la lecture qui en est faite dans
le monde occidental et sur le sens décidément complexe des mots
« révolution » et « démocratie ».
On
ne peut pas ne pas s’interroger sur le rôle de l’extrême droite qui
s’est manifestée place Maïdan ni sur le recours à l’épouvantail du
fascisme pour disqualifier l’ensemble du mouvement. On ne peut pas ne
pas être frappé par le fait que ce sont les mêmes députés qui ont
destitué le président Ianoukovitch après l’avoir soutenu et on ne peut
pas ne pas se rappeler la Convention devenue « thermidorienne », du jour
au lendemain, en envoyant Robespierre et ses amis à l’échafaud. On ne
peut pas ne pas être étonné par l’auréole offerte à Ioulia Timochenko,
dans un premier temps, avant de se rendre compte qu’elle était sans
doute un atout de Poutine, ainsi qualifiée de « pasionaria », un comble,
elle qui est d’abord une affairiste redoutable, qui a édifié sa fortune
sur les décombres de l’URSS. On ne peut pas ne pas être surpris par la
sévérité du regard porté sur la Russie, comme si l’hostilité à son égard
s’était substituée quasi naturellement à l’hostilité à l’égard de
l’URSS dans le cadre de visées économiques tellement évidentes et, en
quelque sorte, logiques. À ceux qui méconnaissent l’âme russe, je
recommande la lecture de la Fin de l’homme rouge, de Svetlana
Alexievitch.
Cela
dit, s’il fallait dans toute cette histoire dégager un mot-clé, ce
serait « corruption ». C’est elle qui condamne Ianoukovitch et son
régime, c’est contre elle que se soulève le peuple ukrainien – et si la
corruption est, depuis le XIIe siècle, « l’altération de ce qui est
honnête dans l’âme », on pourrait aussi la définir comme une forme
essentielle d’aliénation. Le surnom de Robespierre, l’Incorruptible,
résonne alors comme une ultime ruse de l’histoire. Enfin, on ne peut pas
ne pas redouter la partition du pays ni la violence qui en serait le
vecteur. Billet, donc, billet d’humeur comme on dit, ce qui autorise une
pointe de mélancolie. Surtout quand on a eu la chance de rouler
joyeusement de Kiev à Odessa et des rives de la Crimée aux mines de
Donetsk.
Lire ou relire :
Le carnet de voyage d'une semaine en Ukraine par Bernard Chambaz en 2012
note
de danielle Bleitrach: Bernard Chambaz parle de Donetsk, la nouvelle
vient de tomber: • Plus de 10 000 manifestants pro-russes à Donetsk. La
ville, située dans l'est de l'Ukraine, est le fief du président déchu
Viktor Ianoukovitch.Elle comptait près d'un million habitants et son
agglomération 1 840 000. Donetsk est la « capitale » du Donbass minier
et industriel. Elle est russophone. "Russie, Russie!", ont scandé les
manifestants en brandissant des drapeaux russes alors que sur un podium
improvisé, des intervenants déclaraient qu'ils soutenaient "l"aspiration
de la Crimée de rejoindre la Russie".
cette dernière information est importante, pour le moment vu le statut
spécifique de la Crimée, son caractère de région autonome autant que
l'existence de la base russe et donc une trés grande proportion de
russe, on peut penser que nous avons à faire à un situation comparable à
celle de la guerre entre la Georgie, l'Ossetie et la Russie en 2008,
toujours à propos de l'adhésion de la géorgie à l'OTAn à laquelle avait
répondu une volonté séparatiste de deux républiques autonomes de
Georgie. Mais si c'est tout l'est industriel qui s'embrase, cela devient
différent.
Note de Pedrito
Qui a mis une nouvelle fois le feu aux poudres fascistes? Et que faisait notre premier diplomate Fabius, quand les boute-feu pro nazis creusaient les galeries Ukrainiennes?
1 commentaire:
Un ministre belge des Affaires étrangères qui a du bon sens…
by histoireetsociete
safe_imageInquiet. Préoccupé. Devant l’escalade en cours en Ukraine, suite à l’approbation du parlement russe d’autoriser le recours aux forces armées en Ukraine si nécessaire, le ministre des affaires étrangères Didier Reynders a demandé, à l’instar des quelques autres collègues européens avec lesquels il a été en contact en ce début de journée, de convoquer une réunion extraordinaire des 28 ministres des Affaires étrangères européens ce lundi à 13 heures.
Je partage totalement son analyse des raisons de la dite escalade:
« Il faut cesser cette escalade », nous confie Didier Reynders. « Je peux comprendre la volonté d’une partie de la population d’accélérer le processus en Ukraine, suite à l’accord que nous avions poussé la semaine dernière, mais c’était prendre un risque important de voir la situation dégénérer. La réaction russe ne me surprend pas outre-mesure mais aujourd’hui, il me semble urgent de rétablir le dialogue. Il faut que toutes les parties en Ukraine puissent se mettre autour de la table, à notre instigation, et qu’on arrête l’escalade. Je craignais, et je l’avais dit au Conseil il y a quelques jours, l’après-Sotchi. Il était clair que Vladimir Poutine souhaitait sauvegarder l’image des jeux, mais que la situation pouvait se corser ensuite. Cela se confirme, malheureusement – et ce n’est pas un hasard –, suite à la destitution du président et à l’empressement qui s’est fait jour d’accélérer les réformes en Ukraine. Je répète que je comprends cet empressement mais ce n’est sans doute pas la bonne manière d’arriver à une solution durable. Il faut remettre en place un pouvoir ukrainien qui ait le soutien de la population dans son ensemble », poursuit Didier Reynders. « Le Caucase, par le passé, a été une poudrière, il faut se le rappeler. C’est pourquoi l’Europe doit parler d’une même voix pour mettre fin à ces dérapages. »
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