Cornaton dénonce le «négationnisme érigé en système» par la France
janvier 12, 2018 - 6:00
Par M. Aït Amara –
Michel Cornaton, qui nous avait appris en premier le décès de
l’historien et ami de l’Algérie Gilbert Meynier, nous fait l’amitié de
nous informer de la prochaine parution de son livre portant sur le
non-dit de la tragédie coloniale. Michel Cornaton a été parmi les
premiers à dénoncer les camps de regroupement, mais le seul à avoir
écrit plusieurs ouvrages sur ce sujet dont notre société continue à
porter les stigmates.
Dans La Guerre d’Algérie n’a pas lieu, du déni à l’oubli, chronique d’une tragédie,
Michel Cornaton écrit : «Si les camps nazis appartiennent à
l’innommable, que dire de la Guerre d’Algérie ? Dès le 22 mars et le 14
avril 1962, avec une indécence totale, des décrets sont pris dans la
précipitation pour amnistier, sans les juger, les coupables
d’infractions commises dans le cadre de la répression contre
l’insurrection algérienne. Le 17 décembre 1964 est votée la première loi
d’amnistie liée aux événements d’Algérie. Le flou
terminologique continue, il symbolise le voile pudique dont on recouvre
un événement anecdotique qui n’aurait rien à voir avec la tragédie du
peuple algérien, et qu’il faut s’empresser de dissimuler, d’oublier.
Dans la foulée, le 24 juillet 1968, l’Assemblée nationale efface toute
peine pénale en lien avec la guerre. Quand le négationnisme est érigé en
système pendant autant d’années, comment éviter que, pour des
générations entières, il ne s’étende pas à d’autres domaines de
l’histoire, niée, bafouée par la politique et ceux qui la font.»
Le livre de Michel
Cornaton, dont on espère qu’il sera édité en Algérie, revient, en effet,
sur «cette guerre sans nom, qualifiée de simple événement» et qui «n’a laissé que peu de place dans l’espace de vie des Français. Au point de se demander si elle a vraiment existé».
L’auteur souligne que la
«principale leçon» qu’il tire de cette «sinistre période» est que «le
plus souvent, ce ne sont pas les acteurs de l’histoire qui renoncent à
l’écrire mais les décideurs politiques qui la refusent parce qu’elle les
dérange. Ils écrivent l’histoire avec une gomme», ironise Michel
Cornaton. «Il faut avoir en tête qu’à la différence des deux guerres
mondiales, la guerre d’Algérie, durant des décennies, n’a laissé que peu
de trace dans l’espace et la vie de tous les jours des Français. Sans
nom, ce ne fut pas une guerre mais une espèce d’événement qui s’est
déroulé dans un halo lointain», avait affirmé l’historien dans une
interview exclusive à Algeriepatriotique.
Michel Cornaton explique ce
déni de la réalité par la France officielle, aggravé par le «mensonge
de l’Etat», par une espèce de scotomisation : «L’Algérie était la
France, celle-ci ne pouvait donc entrer en guerre contre elle-même.
Reconnaître l’état de guerre signifiait la reconnaissance d’ennemis que
les Français d’Algérie considéraient depuis toujours comme une autre
espèce, les indigènes, pour ne pas les nommer des sous-hommes, ainsi qu’ils étaient pourtant traités», écrit-il.
Le souci de cacher les
crimes commis par l’ancienne puissance coloniale dans notre pays y est
pour beaucoup aussi : «Dans le même temps où l’Algérie se transforme en
vaste camp de concentration, la circulaire Papon interdit l’utilisation
du terme de camp, qui disparaît du vocabulaire. Cette dénaturation du
langage s’est révélée si efficace qu’à leur retour au pays la plupart
des deux millions de jeunes hommes enrôlés n’ont rien pu dire sur
l’enfer vécu en Algérie.»
M. A.-A.
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