Fonction publique : Rapport CAP22, ce que ne doit
pas cacher l'affaire Benalla-Macron
Le
rapport
« Comité d’action publique 2022 » a finalement été rendu
public, contre la volonté de Matignon. Ses propositions sont censées
servir de guide pour la rénovation de l’action publique souhaitée par le
gouvernement. Mais sa rédaction a très largement échappé à certains
membres du comité, qui aujourd'hui évoquent un « jeu de dupes ».
Le
rapport « Comité d’action publique 2022 » (« CAP 2022 ») a finalement
été rendu public samedi 21 juillet par le syndicat Solidaires finances
publiques, après sa mise en ligne sur différents médias, dont Mediapart.
L’épilogue
d’une histoire assez rocambolesque, où ce qui avait été présenté comme
une initiative de rénovation en profondeur de l’action publique s’est
mué en un dossier embarrassant de plus pour le gouvernement.
Initialement
prévue pour le mois d’avril, la publication du rapport a été
régulièrement reportée. Puis finalement, en juillet, Matignon fait
savoir qu’il n’y aura pas de publication du texte. Le gouvernement ne
souhaiterait plus que celui-ci serve de base de discussion dans la
mesure où il ne veut pas reprendre l’ensemble de ses propositions. Il
préfère reprendre « au fil de l’eau », et dans le cadre d’annonces
ciblées, certaines propositions.
Mais la publication des principales propositions de CAP 2022 dans Le Figaro du
16 juillet relance la polémique quant à cette méthode. Jeudi
18 juillet, le président de la commission des finances du Sénat Vincent
Éblé exige la publication du texte.
Finalement, samedi 21 juillet, le syndicat Solidaires finances publiques met en ligne l’intégralité du rapport.
Pourquoi
le gouvernement a-t-il voulu éviter la publication de ce rapport ?
Certains estiment que les propositions de CAP 2022 sont trop radicales
et auraient conduit à déclencher des polémiques que l’exécutif
chercherait à éviter. Il est vrai que le texte affiche des propositions
inquiétantes, comme la fin du statut des fonctionnaires et la priorité
donnée à l’embauche de contractuels de droit privé, la création d’un
nouveau corps enseignant, des économies de 5 milliards d’euros dans
l’hôpital, la mise sous conditions de ressources des allocations
familiales ou une nouvelle simplification du mille-feuille territorial
français.
Mais
cet argument sonne étrangement. D’abord parce que, lors de son
lancement le 13 octobre, ce comité avait comme ambition de réduire la
dépense publique de 30 milliards d’euros. Le premier ministre Édouard
Philippe avait alors explicitement demandé au comité de réfléchir sans
tabous. De plus, l’essentiel du rapport est largement inspiré par les
travaux de la commission Attali, qui remontent à 2008, et reprend nombre
des propositions du gouvernement. C’est le cas notamment du calcul des
revenus en temps réel pour l’attribution des aides personnalisées au
logement, qui sera sans doute inscrit dans le budget 2019, ou de la
réforme de Pôle emploi que le premier ministre a présentée la semaine
dernière et qu’il a directement reliée aux travaux de CAP 2022.
La
clé de cette affaire est peut-être à chercher ailleurs, dans les
coulisses du comité. Car la rédaction de ce rapport a été réalisée de
façon étrange. Le maire de Sceaux Philippe Laurent (UDI), membre du
comité, a publié jeudi 18 juillet un communiqué pour se désolidariser de
ce qu’il appelle un « jeu de dupes ». D’autres de ses collègues de CAP 2022 confient un certain « malaise ».
Selon
les informations collectées par Mediapart, les membres du comité,
répartis en groupes de travail, ont jusqu’en février réalisé leurs
auditions et « rédigé des fiches ». Ces dernières ont été remises
fin mars. La publication du rapport était alors prévue à la mi-avril.
Cette publication n’est cependant pas intervenue.
Le
25 avril à midi, les membres du comité sont convoqués dans un immeuble
gouvernemental de l’avenue de Ségur, pour prendre connaissance d’un
préprojet de rapport. Nul ne sait qui a rédigé ce texte à partir des
fiches des membres du comité. Sont-ce les trois coprésidents ? Est-ce la
délégation interministérielle à la transformation publique dirigée par
Thomas Cazenave ? Sont-ce les deux ? Pourquoi la publication a-t-elle
été reportée ? Les membres du comité n’en ont pas été informés.
Ce jour-là, le rapport est soumis à la lecture des membres du comité pendant « une heure, une heure et demie »,
se souvient Philippe Laurent. Puis un plateau-repas est servi et on
demande aux membres leurs remarques sur le texte. Vers 15 heures, les
textes sont récupérés et on s’assure que les membres du comité n’ont
pris aucune photo ni conservé aucun document. Tout le monde sort donc.
Aucun membre ordinaire de CAP 2022 ne verra de version définitive et
globale de ce rapport avant sa publication samedi, contre la volonté du
gouvernement.
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