mercredi 21 novembre 2018

HIER SOIR, JE NE T'AI PAS TOUT DIT.

Enfin! Il est presque 9 H, tu viens de m'annoncer que ton transit intestinal avait ENFIN fonctionné. Quel soulagement de savoir que cette souffrance-là t'épargnera au moins pour quelques temps. Tu déjeunais, tu m'as annoncé fièrement que tu mangeais ton SECOND morceau de pain! Quel exploit, pour toi, et quel bonheur pour moi!

Hier soir, je te disais que je voudrais prendre ta souffrance, l'arracher  de ton corps meurtri par la saloperie de cancer de merde et par ce qui est sensé le combattre, comme j'essaie de le faire à ton insu, en promenant mes mains autour de toi, sans te toucher, et en les rejetant au loin, -comme on rejetterait une saleté- lorsque, tes yeux à peine fermés, tu sommeilles, et que je suis seul avec toi: on m'a toujours dit que, puisque mon père avait un certain pouvoir de guérison, je pouvais l'avoir aussi. J'avais essayé avec Mme X, de Séméac, lorsque j'y étais receveur, la pauvre avait été brûlée avec de l'huile bouillante, et çà avait pas mal réussi, souviens-toi, elle me disait sentir le feu quitter ses jambes.  Pour toi, cher amour, je crois que c'est un échec. Il semble bien que je ne peux rien. Je m'en veux. Que faire, pour que nous retrouvions l'espoir?  Je voulais conclure hier soir par ceci: prendre ton mal , te l'arracher, l'extirper de ton ventre, pour partir avant toi. Que je serais heureux! Mais il me faut tenir, tenir, envers et contre tout. Pour te chérir, pas faire semblant.
Ces jours-ci, j'ai appris la mort de Francis Fadel, un morceau de mon enfance s'en est allé. Je t'ai très souvent parlé de Francis, parents pharmaciens, Francis au cœur d'or, sans qui je n'aurais jamais connu les joies de la fête foraine, s'il montait 30 fois sur les manèges, c'était trente fois avec moi! Il était bon,, généreux, il faisait le père Noël, en distribuant le soir des buvards derrière les portes des maisons, des crayons, des double décimètres, toutes les réclames que recevaient les pharmacies, je lui dois des milliers de moments de bonheur de mon enfance de pauvre. .Je n'avais pas un sou: Francis m'offrait tout ce qu'il s'offrait. Je ne t'en ai pas parlé, bien sûr, je m'interdis de te parler de ces choses tristes qui ne pourraient que te faire mal, plus encore  ....Tu  as assez comme çà avec ta propre souffrance! Mais sa mort me chagrine....J'ai écrit quelques mots à sa sœur, mais aujourd'hui, on n'attend plus de réponse. De personne. Tout se perd....Quel dommage!
Allez, je vais aller te rejoindre, 9H et demie approchent. Ce soir, je reprendrai mon clavier pour ajouter ce qui s'est effacé hier soir. Ce fichu ordi doit être remplacé, il fait des siennes, efface un long texte qui s'est couvert de bleu sans que j'y prenne garde, saute la plupart des "e".....Mais il va finir sa vie d'ordi comme çà, pas la peine de le changer...Sinon, il faudrait qu'on m'assure que tu vas bientôt rentrer à la maison, TA maison qui te pleure. Ce que j'aurais peine à croire. A tout à l'heure, ma bichette chérie. Attends moi, ne pars pas sans moi.....
Ce soir, quelques mots à ajouter. D'abord, le drain, ce sera pour vendredi. Peut-être. Puisque  ton poumon est beaucoup moins encombré. Attendons. A midi, tu t'es régalée, mon trésor, avec le petit festin que t'avait concocté Alain, le mari de ma sœur Yvette, de St Pé. Des noix de St Jacques.! Tu n'as pratiquement rien laissé. Quel bonheur de te voir dévorer, en répétant : "C'est bon!". Quel bonheur!!  Et ce ne sont que tes beau-frère et belle-sœur par alliance, qui accomplissent pour la quatrième fois en quatre semaines 70 hm à chaque voyage pour te gâter. 
Et  çà m'a changé du coup de fil reçu ce matin de ta sœur, qui prenait des nouvelles, puis m'a dit tout d'un coup: " Tu ne peux pas interdire à Marcel - son mari - de venir la voir. " Il est venu hier aprèm avec elle pour te voir, j'ai évité de le regarder. Il faudrait aussi que je lui souris, après qu'il se soit autorisé de m'injurier comme une sous merde, il y a deux ans, dans les bois, parce qu je m'étais égaré pendant une heure, et qui depuis s'est toujours refusé de me dire un mot d'excuses? Toi même sait bien ce que représentait d'ignoble cette attitude, ce mépris.  C'est ce qui leur fait dire que j'interdirais, moi, qu'il vienne à ton chevet? J'ai d'autres valeurs humaines que ce  désir d'écraser  autrui puis ensuite de faire des salamalecs pour se donner bonne conscience. Ils oublient l'un et l'autre que nous souffrons depuis plus de deux ans de cet orgueil, en plus de ton martyre qui te détruit, à toi, sans pitié. Certains se permettent tout, mais n'ont aucun devoir, ni politesse, ni humilité.  Et moi qui lutte et souffre auprès de toi, comme si çà n'était pas suffisant, il faut en plus que tes proches, ta sœur dont je veille avec toutes mes forces la propre sœur, m'enfoncent un peu plus! Ils ont tout compris! La confesse sans doute effacera tout. C'est du moins ce que l'on croit, chez les donneurs de leçon trop sûrs d'eux.
Je n'ai rien laissé paraître devant toi, ma Gisèle chérie, j'ai passé une journée atroce. Tu ne dois rien savoir de ces mesquineries, tu en as déjà entendu de "sa" part des vertes et des pas mûres. Au moins que je t'épargne une nouvelle déconvenue. Et je pèse mes mots.
Je t'aime tant, ma Gisèle chérie, que je partirai vite, comme promis, au moins ne plus entendre des vilaines choses dans la bouche de ceux que j'espérais pour toi du moins, proches.

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