L'insolente réussite du Vietnam face au Covid-19
Le
Vietnam affiche un bilan impressionnant pour un pays de 93 millions
d'habitants : 268 cas et zéro décès. Une stratégie gagnante qui repose
sur une prise de conscience précoce de la menace et d'un isolement des personnes infectées.
Le
port du masque est de rigueur au Vietnam ainsi que les mesures de
distanciation sociale dans, notamment, les files d'attente. (Manan
Vatsyayana/AFP)
Publié le 20 avr. 2020 à 16h51Mis à jour le 20 avr. 2020 à 18h07
Difficile
de faire mieux. Avec zéro mort officiellement et 268 cas, dont 202
guéris, le Vietnam affiche un des meilleurs bilans au monde face au
Covid-19, avec Taïwan
(6 morts, 420 cas). Un bilan peut être un peu sous évalué, mais jugé
globalement crédible par l'Université John Hopkins, une référence sur la
question. Hanoï affirme aussi n'avoir pas enregistré de nouveau cas
depuis six jours.
Identification et suivi des cas
La
performance est d'autant plus remarquable que ce pays de 94 millions
d'habitants, sur une surface équivalente à seulement la moitié de la
France, partage avec la Chine, d'où est partie l'épidémie, une frontière
terrestre de mille kilomètres et dispose d'un faible revenu par
habitant.
Une faiblesse dont les
pouvoirs publics vietnamiens ont essayé de faire une force en optant
pour une stratégie « low cost ». Pas de coûteux tests de dépistage à
grande échelle, mais l'identification rapide et l'isolement impérieux
des personnes infectées, ainsi que le suivi de leurs contacts. Près de
75.000 Vietnamiens ont ainsi été soumis à « quatorzaine » dans des camps
militaires et des hôtels d'Etat. Six communes et quartiers ont aussi
été coupés du monde.
Une surveillance étroite
Un suivi rendu possible par « le strict quadrillage de la société et la surveillance de la population pratiqué par la police et les cellules du parti », souligne Benoît de Tréglodé, de l'Institut de recherche stratégique de l'école militaire et spécialiste du Vietnam. Une « forte intrusion dans la sphère individuelle qui ne constitue pas un enjeu politique dans ce pays à régime autoritaire », ajoute le chercheur, précisant que ce traçage « s'accompagne d'une politique de dénonciation publique des individus fautifs et, le cas échéant, d'un emprisonnement immédiat ».
Une application mobile, NCOVI, a été lancée le 10 mars, pour inciter
chacun à signaler sa condition sanitaire et être suivi en cas de contact
avec une personne infectée.
Une surveillance qui peut choquer, certes, un Occidental dont la désinvolture, en revanche, sidère les Vietnamiens
. Alors qu'en Europe, les premières mesures prophylactiques sérieuses
n'ont été prises que fin février, le ministère vietnamien de la Santé
alertait les agences publiques de santé dès le 16 janvier. Instruit par
l'épidémie de SARS de 2003, Hanoï a installé quelques jours plus tard un
comité de gestion de crise réunissant scientifiques et
ministères, réquisitionné personnels de soins retraités et étudiants en
médecine, supervisé une montée en puissance de la production de masques
et interdit la réouverture des écoles le 13 février après les vacances
du Têt.
La frontière avec Pékin fermée
Surtout,
Hanoï a suspendu le trafic aérien en provenance de Chine peu après
l'enregistrement, le 23 janvier, du premier cas sur son territoire et a
été, le 1er février, un des premiers pays, après la Russie, à fermer sa frontière terrestre
avec la Chine, malgré les récriminations de Pékin et à rebours aussi
des instructions de l'Organisation mondiale de la Santé. Et ce alors que
« l'économie vietnamienne est très dépendante de la Chine, son premier partenaire commercial et son premier investisseur », souligne Benoît de Tréglodé. En outre, tout voyageur venant de l'étranger est soumis à une « quatorzaine ».
Des mesures jugées toutefois insuffisantes le 1er
avril, quand le gouvernement a instauré un plan de confinement pour
quinze jours : port du masque obligatoire en public, recommandation de
ne pas sortir de chez soi - sauf motif essentiel - et interdiction de
tout rassemblement. Le gouvernement a assoupli le plan vendredi dernier,
tout en le prolongeant d'une semaine dans certaines régions jugées à
risques. Un allègement prudent : si certains commerces rouvrent, ce
n'est pas le cas des bars et restaurants et le port du masque demeure
obligatoire. Hanoï se targue d'en avoir offert des centaines de milliers
à la Russie et à son ancien ennemi devenu partenaire stratégique, les Etats-Unis …
Yves Bourdillon
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