M. Macron, je suis infirmière et je ne me sacrifie pas, c'est vous qui me sacrifiez!
Arrêtez de parler des soignants comme de bons petits soldats. Les soldats ont des armes. Nous, on a des sacs-poubelle.
Ce billet, que vous pouvez retrouver sur la page Facebook
de Mélany Le Barz-Ceretta, a été publié alors qu’elle exerçait encore
en libéral, depuis 8 ans, en disponibilité de l’hôpital qu’elle
réintègre le 1er avril. Ce changement est indépendant de la crise liée
au coronavirus et la décision a été prise par Mélany 3 mois auparavant.
Mr le Président,
Nous sommes le 28 mars 2020, je vous écris depuis l’appartement de Mme T. qui devrait fêter, si le coronavirus ne la fauche pas avant, ses 104 printemps le mois prochain.
Elle vit dans une résidence pour personnes âgées, dans laquelle moi et mes collègues infirmières libérales, intervenons depuis plusieurs années.
Un masque, une charlotte et un sac poubelle
Permettez-moi
de vous montrer à quoi nous en sommes réduites en ce beau jour de mars.
Regardez bien la photo s’il vous plaît. J’ai 2 patients potentiellement
atteints par ce virus et je viens de faire la toilette d’une dame de
104 ans, équipée d’une charlotte, d’un simple masque
chirurgical (dont vous connaissez parfaitement l’inutilité puisque lors
de votre dernier discours à Mulhouse vous aviez la chance de porter un
masque FFP2 depuis longtemps introuvable en pharmacie y compris pour les
professionnels de santé, alors que je doute fort que vous ayez été en
contact direct avec les malades), de surchaussures et d’un SAC POUBELLE
gracieusement fourni par l’établissement parce que les stocks de blouses
sont en rupture.
Alors
moi, aujourd’hui, j’ai envie de pleurer, parce que comme beaucoup de
mes collègues j’ai dû me résigner à laisser mes enfants à mon ex-mari
pour ne pas les contaminer, je ne les ai pas vus depuis 15 jours
maintenant. Parce que j’ai transformé ma buanderie en sas de
décontamination et que malgré ça, je vis dans l’angoisse de contaminer
mon conjoint. Parce que chaque jour, je vais voir mes patients avec la
crainte de contaminer les plus fragiles d’entre eux.
Ni des héros, ni des soldats
Monsieur
le Président, arrêtez vos discours de remerciements, c’est indécent.
Quelle haute estime devez-vous avoir de vous-même pour imaginer une
seule seconde qu’un simple merci de votre part suffira à nous faire
oublier vos carences, ainsi que les gaz lacrymogènes dont vous nous
aspergiez il n’y a pas si longtemps encore.
Arrêtez de nous promettre du matériel qu’on ne voit pas arriver.
Arrêtez
de nous qualifier de héros. Un héros se sacrifie pour une cause. Je ne
veux pas me sacrifier: en tout état de cause, c’est VOUS qui me
sacrifiez.
Arrêtez de parler des soignants comme de bons petits soldats.
Les soldats ont des armes. Nous, on a des sacs-poubelle.
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