jeudi 30 avril 2020


 MACRON N'EST PLUS RÉPUBLICAIN

 Emmanuel Todd - "Le  Vent se lève " - ( Extraits)


Voici ce que je lis avant d’écrire un pamphlet. La poésie de Blake est religieuse et nationale, très humaine avec un Dieu en chacun de nous (je ne suis pas croyant). Je rêve d’une chute qui serait sur la France, genre In France’s many coloured land.
LVSL : Quel rapport Macron entretien-il avec la République ?
E.T. : Macron n’est plus républicain. Il veut abolir le système de retraite sans prendre le temps d’une étude sérieuse de l’INSEE sur l’impact démographique et économique du système futur pour avoir un système complet et pensé. Le saut dans l’inconnu d’un système de retraite indéfini, de non-retraite (universelle à point) produit un régime post-républicain. Dans une démocratie normale les choses ne pourraient pas se passer comme ça. Des constitutionnalistes réfléchiront peut-être en exil en Angleterre sur ce qu’il s’est passé dans la République française.
Quand les enquêtes de Fourquet nous montrent les gendarmes comme un groupe largement pénétré par les idées du Front National, nous devons envisager une aggravation de la situation. La situation au sein de la police doit être pire car dans la gendarmerie, il y a quand même une certaine forme d’éthique propre à l’armée. À titre d’exemple, les gendarmes ne sont responsables que de 10 % des tirs de LBD.
Je reviens à votre question précédente : vous admettiez qu’au niveau politique, une collaboration pouvait être envisagée. Si cela existe déjà par l’État autonomisé que décrit Marx, au niveau électoral, on ne voit en effet pas très bien comment tout ça peut fonctionner.
Logiquement, les bases électorales restent incompatibles. Le vote Front National est encastré dans un monde ouvrier qui refuse la caste supérieure, aliénée, en opposition frontale avec l’aristocratie stato-financière. Une alliance électorale est-elle possible avec le macronisme recentré à droite ? En ce moment le macronisme est rejeté par sa base venue de la gauche, pour des raisons économiques (les retraites), mais aussi morales : les yeux éborgnés et les mains arrachées créent un clivage moral aussi important que le clivage économique. Les gens qui ont voté pour les Verts aux européennes n’ont pu accepter cette violence. On ne voit pas vraiment comment l’électorat macroniste actuel, toujours au-dessus de 20 %, mais plutôt centré sur des gens très riches, assez vieux, de droite classique, ferait jonction avec le monde ouvrier en décomposition du nord-est. Une fois que l’on a dit ça, on a la réponse : il faut abolir les élections, entretenir le désordre dans la partie centrale de la société, empêcher l’émergence d’une force centrale organisée, ce léninisme libéral que j’appelle de mes vœux. Enfin créer une situation de confusion suffisante pour que les élections soient abolies.

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