François Mitterrand, un guillotineur en Algérie
Cet article est encore en-de ça de la vérité sur Mitterrand. Dans mes mémoires, vous verrez à quel point le personnage est pire encore que la manière dont le décrit cet article, c’est tout sauf un humaniste. Je raconte comment Aragon a refusé de voter pour lui tant il méprisait le personnage et ce mépris était partagé par toute la direction du parti. Pourquoi et comment avons-nous accepté de participer à cette escroquerie historique, c’est ce que je tente de comprendre. Je décris également la manière dont nous avons du assister impuissants à ses colloques singuliers avec Gattaz… Dans le fond tous les opportunismes d’aujord’hui sont déjà là… (note de danielle Bleitrach pour histoire et societe)
Par Emmanuel BerrettaPublié le 04/11/2010 à 12:40 | Le Point.f
France 2 diffuse jeudi à 22 h 50 le documentaire, François Mitterrand et la guerre d’Algérie* cosigné par l’historien Benjamin Stora et François Malye, collaborateur du Point. Ce dernier répond à nos questions.
Le Point.fr : Face au problème algérien, François Mitterrand est-il un humaniste, un pragmatique ou un arriviste ?
François Malye : Les trois. Quand l’insurrection algérienne éclate à partir du 1er novembre 1954, il est plutôt pragmatique. En tant que ministre de l’Intérieur, il tente d’écraser la rébellion et de rétablir l’ordre. Mais il se montre également un humaniste. La torture le heurte. En 1955, il a l’intention de réformer la police en Algérie afin de la rendre plus respectueuse des populations musulmanes. Son projet consiste à muter en métropole les éléments les plus durs de la police locale et à nommer en Algérie des policiers de la métropole, plus vertueux. Un projet qui n’aboutira pas, car le gouvernement Mendès-France, dont il est membre, tombe le 5 février 1955 après huit mois d’exercice du pouvoir.
Comment va-t-il en arriver à faire couper des têtes ?
Le virage est pris lorsqu’il devient ministre de la Justice du gouvernement de Guy Mollet, le 2 janvier 1956. Le président du Conseil revient d’Alger où il a été conspué. Cette fois, il est bien décidé à écraser le FLN. La politique va se durcir. Garde des Sceaux, Mitterrand est alors le numéro trois du gouvernement. Au rythme où ceux-ci tombent, c’est bientôt son tour de diriger les affaires du pays, se dit-il. Mais pour rester dans la course, il ne faut pas faire partie des “mous”. Il va alors se déclarer favorable, dans la grande majorité des cas, à l’exécution des condamnés à mort qui attendent dans les geôles d’Algérie, contrairement à ses compagnons Pierre Mendès France, Alain Savary ou Gaston Defferre. Le seul autre à approuver les exécutions est Maurice Bourgès-Maunoury, ministre des Armées, en compétition avec Mitterrand pour le poste de président du Conseil.
Au bout du compte, combien de demandes de grâce a-t-il refusées ?
On compte 45 guillotinés tandis qu’il occupe les fonctions de garde des Sceaux. Il refusera trente-deux demandes de grâce, en acceptera huit. Cinq avis ne sont pas connus. Retenons que dans 80 % des cas connus, François Mitterrand a refusé la grâce. Contrairement à ce qu’on a pu croire, ces premiers condamnés à mort exécutés de la guerre d’Algérie ne sont pas des poseurs de bombe. Ils ont participé à l’insurrection, mais souvent sans commettre de meurtre. L’un des deux premiers auxquels on a coupé la tête, Abdelkader Ferradj, était un musulman qui avait tenté de mettre le feu à une meule de foin ! Ce n’est qu’après Mitterrand que les poseurs de bombe du FLN d’Alger seront capturés. Avant, les prisonniers sont juste de pauvres types qui n’ont pas fait grand-chose…
Sur le fond, il désapprouve la situation en Algérie. Mendès France et Alain Savary démissionnent, pas lui. Pourquoi ?
Jean Daniel le dit très bien dans le documentaire. Très vite, la tutelle morale de Mendès France lui a paru insupportable. Ce Mendès à la conscience pure n’est plus un exemple pour Mitterrand. Mendès France démissionnera en 1956 quand il comprendra que Guy Mollet n’utilise les pouvoirs spéciaux que contre les musulmans et pas contre les Européens d’Algérie. Mitterrand en est soulagé. Mendès France ne reviendra plus jamais au premier plan de la politique. Au fond, Mitterrand s’est arrimé à lui le temps qu’il fallait… S’il approuve la politique de répression, c’est qu’il croit que la guerre peut être gagnée très vite. C’est loin d’être un visionnaire.
Pourquoi cette partie de sa biographie a-t-elle été si longtemps enfouie ?
Franz-Olivier Giesbert, Jean Lacouture ou Catherine Nay ont évoqué ce passé dans leurs écrits. S’il a été occulté dans les années 1970, c’est que tout le monde au PS et au PC avait un intérêt à l’oublier. Les communistes, eux aussi, avaient voté les pouvoirs spéciaux. Mitterrand est le champion dont on espère qu’il fera revenir la gauche au pouvoir. En outre, il a passé un deal avec les pieds-noirs dans un discours célèbre prononcé à Avignon pendant la campagne de 1981. Ne l’oublions pas, c’est lui qui, une fois élu, réintégrera, en 1982, le général Salan dans tous ses droits. Cela déchirera la gauche, et c’est d’ailleurs à cette occasion que l’article 49-3 sera utilisé pour la première fois. Quant à la droite, elle ne juge pas si mal l’action de Mitterrand en Algérie. Donc, finalement, tout le monde s’est tu, et tout le monde est tombé d’accord pour oublier. L’Algérie, c’était sale. À l’époque, il n’y avait guère que la presse d’extrême droite pour remuer ce passé, mais sans le crédit de la presse traditionnelle.
Pourquoi ce souvenir remonte-t-il à la surface aujourd’hui ?
Les confessions du général Paul Aussaresses en 2001 sur la torture en Algérie ont brusquement fait resurgir ce passé. Le premier article sur les guillotinés de Mitterrand est publié dans Le Point, en 2001 . Ensuite, avec Benjamin Stora, nous avons fait le constat, en 2008, que très peu de choses avaient été écrites sur les guillotinés de l’époque. Il fallait remonter aux sources, les archives. Elles sont très difficiles d’accès concernant cette période. Nous avons d’ailleurs trouvé très peu de choses sur le fonctionnement même du ministère de la Justice de 1956 à 1957.
Y aurait-il eu des destructions volontaires ?
C’est difficile à dire… En tout cas, l’Algérie demeure un passé non digéré. Cette histoire demeure l’otage de différents lobbys. On n’a pas fini le travail d’apaisement. C’est pourquoi il faut la raconter en évitant de juger, mais en tentant de serrer la vérité au plus près.
François Malye : Les trois. Quand l’insurrection algérienne éclate à partir du 1er novembre 1954, il est plutôt pragmatique. En tant que ministre de l’Intérieur, il tente d’écraser la rébellion et de rétablir l’ordre. Mais il se montre également un humaniste. La torture le heurte. En 1955, il a l’intention de réformer la police en Algérie afin de la rendre plus respectueuse des populations musulmanes. Son projet consiste à muter en métropole les éléments les plus durs de la police locale et à nommer en Algérie des policiers de la métropole, plus vertueux. Un projet qui n’aboutira pas, car le gouvernement Mendès-France, dont il est membre, tombe le 5 février 1955 après huit mois d’exercice du pouvoir.
Comment va-t-il en arriver à faire couper des têtes ?
Le virage est pris lorsqu’il devient ministre de la Justice du gouvernement de Guy Mollet, le 2 janvier 1956. Le président du Conseil revient d’Alger où il a été conspué. Cette fois, il est bien décidé à écraser le FLN. La politique va se durcir. Garde des Sceaux, Mitterrand est alors le numéro trois du gouvernement. Au rythme où ceux-ci tombent, c’est bientôt son tour de diriger les affaires du pays, se dit-il. Mais pour rester dans la course, il ne faut pas faire partie des “mous”. Il va alors se déclarer favorable, dans la grande majorité des cas, à l’exécution des condamnés à mort qui attendent dans les geôles d’Algérie, contrairement à ses compagnons Pierre Mendès France, Alain Savary ou Gaston Defferre. Le seul autre à approuver les exécutions est Maurice Bourgès-Maunoury, ministre des Armées, en compétition avec Mitterrand pour le poste de président du Conseil.
Au bout du compte, combien de demandes de grâce a-t-il refusées ?
On compte 45 guillotinés tandis qu’il occupe les fonctions de garde des Sceaux. Il refusera trente-deux demandes de grâce, en acceptera huit. Cinq avis ne sont pas connus. Retenons que dans 80 % des cas connus, François Mitterrand a refusé la grâce. Contrairement à ce qu’on a pu croire, ces premiers condamnés à mort exécutés de la guerre d’Algérie ne sont pas des poseurs de bombe. Ils ont participé à l’insurrection, mais souvent sans commettre de meurtre. L’un des deux premiers auxquels on a coupé la tête, Abdelkader Ferradj, était un musulman qui avait tenté de mettre le feu à une meule de foin ! Ce n’est qu’après Mitterrand que les poseurs de bombe du FLN d’Alger seront capturés. Avant, les prisonniers sont juste de pauvres types qui n’ont pas fait grand-chose…
Sur le fond, il désapprouve la situation en Algérie. Mendès France et Alain Savary démissionnent, pas lui. Pourquoi ?
Jean Daniel le dit très bien dans le documentaire. Très vite, la tutelle morale de Mendès France lui a paru insupportable. Ce Mendès à la conscience pure n’est plus un exemple pour Mitterrand. Mendès France démissionnera en 1956 quand il comprendra que Guy Mollet n’utilise les pouvoirs spéciaux que contre les musulmans et pas contre les Européens d’Algérie. Mitterrand en est soulagé. Mendès France ne reviendra plus jamais au premier plan de la politique. Au fond, Mitterrand s’est arrimé à lui le temps qu’il fallait… S’il approuve la politique de répression, c’est qu’il croit que la guerre peut être gagnée très vite. C’est loin d’être un visionnaire.
Pourquoi cette partie de sa biographie a-t-elle été si longtemps enfouie ?
Franz-Olivier Giesbert, Jean Lacouture ou Catherine Nay ont évoqué ce passé dans leurs écrits. S’il a été occulté dans les années 1970, c’est que tout le monde au PS et au PC avait un intérêt à l’oublier. Les communistes, eux aussi, avaient voté les pouvoirs spéciaux. Mitterrand est le champion dont on espère qu’il fera revenir la gauche au pouvoir. En outre, il a passé un deal avec les pieds-noirs dans un discours célèbre prononcé à Avignon pendant la campagne de 1981. Ne l’oublions pas, c’est lui qui, une fois élu, réintégrera, en 1982, le général Salan dans tous ses droits. Cela déchirera la gauche, et c’est d’ailleurs à cette occasion que l’article 49-3 sera utilisé pour la première fois. Quant à la droite, elle ne juge pas si mal l’action de Mitterrand en Algérie. Donc, finalement, tout le monde s’est tu, et tout le monde est tombé d’accord pour oublier. L’Algérie, c’était sale. À l’époque, il n’y avait guère que la presse d’extrême droite pour remuer ce passé, mais sans le crédit de la presse traditionnelle.
Pourquoi ce souvenir remonte-t-il à la surface aujourd’hui ?
Les confessions du général Paul Aussaresses en 2001 sur la torture en Algérie ont brusquement fait resurgir ce passé. Le premier article sur les guillotinés de Mitterrand est publié dans Le Point, en 2001 . Ensuite, avec Benjamin Stora, nous avons fait le constat, en 2008, que très peu de choses avaient été écrites sur les guillotinés de l’époque. Il fallait remonter aux sources, les archives. Elles sont très difficiles d’accès concernant cette période. Nous avons d’ailleurs trouvé très peu de choses sur le fonctionnement même du ministère de la Justice de 1956 à 1957.
Y aurait-il eu des destructions volontaires ?
C’est difficile à dire… En tout cas, l’Algérie demeure un passé non digéré. Cette histoire demeure l’otage de différents lobbys. On n’a pas fini le travail d’apaisement. C’est pourquoi il faut la raconter en évitant de juger, mais en tentant de serrer la vérité au plus près.
*François Mitterrand et la guerre d’Algérie cosigné par Benjamin Stora et François Malye, avec Frédéric Brunnquell à la réalisation.
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