lundi 1 juin 2020

Merci , Herr Professor Nolte ! 

ou la vérité sur l'essence du nazisme (et sur son assimilation au communisme par l'UE)

Publié une première fois en août 2016
L’historien allemand Ernst Nolte vient de mourir. C’était un ennemi déclaré du socialisme, qui s’était rendu célèbre vers 1986 en tentant de réhabiliter le nazisme, en le présentant comme une réaction inévitable, voire nécessaire, à la menace communiste. Pour lui le « Goulag » avait précédé les camps nazis, le « génocide de classe » bolchevique le génocide racial. On ne pourrait pas, on dirait bien, se ranger plus radicalement parmi nos ennemis.
Ce qu’il énonce, clairement, est un message qui était implicitement évident dans la culture occidentale de ces années-là, les dernières années d’existence de l’URSS : le communisme est moralement équivalent au fascisme, mais surtout, bien plus dangereux. C’était d’ailleurs déjà le message de George Orwell et de Hannah Arendt, les dénonciateurs du pseudo "totalitarisme".
Mais Nolte nous intéresse tout de même, par la polémique qu’il a suscitée et qui a levé un tabou de la pensée politique : le fascisme et le nazisme, ces phénomènes si mystérieux à en croire les politologues bourgeois et leurs manuels scolaires, n’ont pas d’autre essence que l’anticommunisme. Son interprétation du nazisme comme réaction au bolchevisme (exagérée sans doute, mais fondamentalement justifiée) n’est autre que l’interprétation marxiste du phénomène ! Elle signifie avec une certaine candeur qu’Auschwitz n’est rien d’autre que le point culminant de la réaction anticommuniste à Octobre 1917.
Cette idée, pour la pensée dominante contemporaine, est inacceptable. La pensée dominante en effet consiste non pas à reconnaitre le réel des années 1920 à 1940 et à opposer fascisme et communisme pour éventuellement faire son choix malheureux entre ces deux fléaux (ce que faisait en pratique la bourgeoisie mondiale avant 1945 en choisissant très majoritairement le premier) mais au contraire à les assimiler l’un à l’autre dans la théorie du totalitarisme, cette théorie qui dans la pratique n’a jamais servi à la critique du fascisme et toujours à celle du communisme. La candeur réactionnaire de Nolte ruine ce dispositif insistant de la propagande ordinaire dont la seule force vient de la répétition.
Jürgen Habermas, philosophe ex-marxiste de l’école de Francfort, expression de la gauche new-look des années 1950, réfugiée en Allemagne fédérale, autoproclamé porte-parole de l’européisme au moment du TCE en 2005, s’est opposé à la théorie de Nolte pour cette raison : faire des droits de l’homme et de la théorie politique de la bourgeoisie un horizon indépassable nécessite d’en interdire la critique en diabolisant leurs adversaires, car les fondements rationnels de la foi bourgeoise sont aussi faibles que ceux d'une religion révélée.
La théorie des droits de l’homme est en effet bien fragile, elle qui est entrée en contradiction avec elle-même dès l’origine, dès les Massacres de Septembre en 1792 : le peuple révolutionnaire qui les avait portés extermina alors sommairement les aristocrates enfermés dans le prisons parisiennes, pour leur faire passer l’envie de festoyer en attente de la victoire espérée en l’invasion étrangère. Et ce massacre se produisit dans des conditions qui valent bien celles de la Saint Barthélémy.
Or s’il apparait que confronté au risque de la révolution prolétarienne l’ensemble des valeurs de liberté de la bourgeoisie a volé en éclat, s’il apparait que Hitler, Mussolini, Pinochet, etc. ne sont que de banals politiciens bourgeois à la recherche d’efficacité contre-révolutionnaire face à un mal métaphysique présenté comme absolu et exprimé par les signifiants « communisme », «bolchevisme », « Staline », « URSS », etc. bref si l’on laisse transparaitre la vérité que la seule alternance qui existe dans le monde capitaliste est entre démocratie libérale et fascisme, la légitimité de la pseudo démocratie du capitalisme s’effondre.
Nolte n’était pas un ami de la vérité. Il avait construit ses arguments sur le mensonge de la diabolisation de l’expérience bolchevique, sur les mensonges de sa presse, les médias internationaux dont le rôle pervers ne date pas d'hier. Mais il était logique : si l’on admettait ses hypothèses de départ, comme le fait aujourd'hui quasiment tout le monde, le fascisme, notamment le fascisme italien, réaction immédiate à la situation révolutionnaire italienne des deux années rouges, 1919 et 1920, était du point de vue contre-révolutionnaire, légitime (et tout le monde ou presque était alors contre-révolutionnaire dans la gens cultivée).
Comme beaucoup de penseurs d’extrême droite, depuis Nietzsche, il remet en cause la raison qui présente l’inconvénient majeur de conduire à la dialectique de Hegel et de là à la pensée révolutionnaire ; mais cela ne signifie pas (pas plus que dans le cas de Carl Schmidt ou de Heidegger) qu’ils soient incapables de former des concepts utilisables, détournables dans un sens révolutionnaire.
Au contraire la pensée apologétique des Tartuffe des droits de l’homme dont Habermas est un représentant illustre ne produit qu'une soupe fade de concepts inconsistants, tout justes bons pour la propagande et la morale de l'enseignement secondaire.
Quant à la place du racisme dans le fascisme, il faut se souvenir que le racisme à divers titres est un élément constituant fondamental de l’ensemble de la pensée occidentale, marxisme-léninisme excepté, mais qu'il ne joue aucun rôle particulier dans le mouvement fasciste italien tant qu’il reste indépendant de son allié allemand, et qu’il est prégnant au contraire dans le courant démocrate-libertarien américain qui hébergeait le Ku Klux Klan (aux antipodes du fascisme par sa conception de l’État minimal et du politique décentralisé). Le fascisme charrie avec lui les préjugés populaires et la culture politique de bric et de broc qu’il trouve-là, quand il en a besoin pour la mobiliser contre le prolétariat, que cette culture soit raciste ou non.
Le judaïsme a payé un lourd tribut au nazisme, à cause de l’engagement de nombreux juifs dans les rangs de la révolution, mais aussi parce que le nazisme dans le fil de la pensée colonialiste dominante vers 1900, veut remplacer lutte des classes par lutte des races, parce que le racisme est depuis 1789 au moins utilisé pour dénoncer les révolutions, et parce qu’il n’y avait pas d’autre bouc émissaire possible en Europe à l’époque.
La bourgeoise a flotté entre racisme et antiracisme avec une forte tendance au premier pour finalement se convertir à l’antiracisme après la bataille, en1945, et les autorités sionistes prétendant représenter le peuple juif ont donné depuis des gages à l’ordre capitaliste.
Aujourd’hui il importe donc pour la pensée apologétique de mettre à l’écart du rationnel le phénomène politique nazi-fasciste, de le placer en quarantaine critique, et les gros sabots de Nolte sont gênants. Ils rappellent également l’existence d’un peuple révolutionnaire exterminé dans les camps et les ghettos et dont les héritiers actuels ont falsifié la mémoire.
Nolte n’était pas très malin, mais les innocents disent le plus souvent la vérité. L’ironie de l’histoire est amère pour ces contre-révolutionnaires teutons. Le triomphe du communisme en 1919, loin d’être une menace existentielle pour l’Allemagne, était la seule chance historique pour elle d’accéder à cette hégémonie culturelle que ses élites désiraient tant, dans les années du pangermanisme d’avant 1914 ! la langue allemande non seulement était celle des ghettos qu’ils allaient exterminer, et dont les survivants allaient tant contribuer à la culture du XXème siècle, mais c’était aussi la langue officielle de l’Internationale Communiste !
En somme Nolte nous a rendu un grand service en dévoilant bêtement le pot au rose. Fascisme et nazisme à tout prendre ne sont que la forme provisoire que prend la politique bourgeoise, face au danger révolutionnaire prolétarien réel (et l’évolution politique du seul fascisme historique non vaincu militairement, l’espagnol, montre aussi son caractère contre-révolutionnaire provisoire à l'échelle d'une ou deux générations). Mais si cela signifie que ce ne sont pas des essences indépendantes, des fantômes agissant dans l’ordre des idées pures, cela signifie aussi qu’ils reviendront quand de besoin (et peut être sous le masque de leur contraire, sous l'espèce du maccarthysme « antifa », qui sait).
Lutter contre le fascisme (et actuellement, contre le terrorisme) n'est effectif que si on lutte contre le capital.
GQ, 19

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