DÉMOCRATIE
par Bruno Guigue
LE DOUX PARFUM DE LA DÉMOCRATIE
A l’instar de Bernard-Henri Lévy se précipitant dans son
jet privé pour aller désigner les cibles à vitrifier, les fauteurs de
guerre civile mandatés par les officines de l’ingérence sont toujours à
l’affût, chez les autres, de la moindre secousse qu’ils transforment
alors, grâce à leurs sponsors planétaires, en juteuse opportunité de
déstabilisation pour le compte de l’impérialisme.
Ces dernières semaines, on a ainsi pu voir comment,
ciblant la Biélorussie à l’occasion d’une grave crise politique, les
vautours du droit-de-l’hommisme se sont jetés comme la vérole sur ce
pays dont ils ignoraient tout la veille. Manifestement, ils rêvent d’en
faire un nouveau bantoustan au profit de l’oligarchie mondialiste en y
ouvrant les vannes, de gré ou de force, de la grande braderie
néolibérale.
On ne fera croire à personne, pourtant, que c’est
l’autoritarisme du président Loukachenko, au pouvoir depuis 18 ans, qui
arrache des larmes de crocodile à ces belles âmes occidentales. Car le
fait est qu’elles sont beaucoup moins regardantes sur le respect des
droits de l’homme lorsqu’elles observent un silence complice à propos de
certains régimes tyranniques et obscurantistes appréciés de l’Occident.
En réalité, s’il est pris pour cible, c’est surtout
parce que le pouvoir biélorusse, dont nul ne prétend qu’il est sans
reproches, entend néanmoins préserver les acquis sociaux et le
patrimoine national hérités de la période soviétique en les soustrayant
aux convoitises d’une finance prédatrice et prompte à démolir tout ce
qu’elle touche pour accroître ses profits. Et de mémoire d’homme, on n’a
jamais vu une politique d’ingérence se faire au profit de qui que ce
soit d’autre que de celui qui la pratique.
Au IVe siècle avant notre ère, Aristote ironisait déjà
en faisant observer que "nous n’allons tout de même pas, nous les Grecs,
nous mettre à délibérer sur les affaires qui concernent les Scythes".
Il est ahurissant de voir que l’admission d’une règle aussi simple, dans
le cerveau d’homo occidentalis, échoue encore à passer la rampe de la
perception la plus élémentaire.
On se demande bien à quel titre les régimes politiques
occidentaux, d’ailleurs, sont fondés à donner des leçons de morale à la
planète entière. Et il faut vraiment que le monde ait été
frauduleusement mis à l’envers pour qu’on finisse par prendre leur
propension historique au crime de masse pour un certificat de vertu et
d’exemplarité.
A croire que l’idéologie dans laquelle nous barbotons
comme des canards a de surprenantes vertus alchimiques : elle transforme
la fange en parfum. La politique occidentale a beau empiler les
cadavres, cette compulsion n’est jamais imputée à son essence même. Sa
brutalité n’est qu’accident de l’histoire, égarement passager, vagues
péripéties rapidement plongées dans l’oubli par les mécanismes de la
mémoire sélective.
On peut vitrifier les Libyens à sa guise, transformer
l’Afghanistan en champ de ruines, livrer les Syriens à Al-Qaida, tenter
de mettre l’Iran à genoux, faire mourir les enfants vénézuéliens en les
privant de médicaments, après tout ce n’est jamais que du menu fretin.
De la volaille au teint basané vouée à l’immolation sacrificielle par
les grands prêtres de la démocratie et des droits de l’homme.
Sur l’échelle de Richter du massacre à la tronçonneuse,
il y a longtemps que la démocratie occidentale a dépassé toutes les
prévisions. Chapelets de bombes sur les Coréens, les Vietnamiens, les
Cambodgiens, les Irakiens, les Palestiniens, les Syriens, les Libyens,
les Afghans, les Yéménites. Guerre par procuration, blocus, guerre
économique, action clandestine, coup d’État, manipulation de la
terreur : la panoplie est inépuisable, le résultat édifiant. Soyons
fiers et exportons notre savoir-faire !
Bruno Guigue
24 août 2020
24 août 2020
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