mercredi 5 août 2020

Qui manipule les sentiments religieux ?

mercredi 5 août 2020 par Francis Arzalier (ANC)
Ne nous trompons pas d’adversaires, camarades !
Durant quelques jours, tous les bien-pensants de service, députés En Marche et Experts télévisés, n’ont cessé de dénoncer le dirigeant turc Erdogan, qui avait, le salaud, décidé que Sainte Sophie, ce joyau architectural né du passé byzantin d’Ankarah, accueillerait à nouveau des prières musulmanes.
Sainte Sophie, cathédrale Orthodoxe de Constantinople, mosquée de l’Empire Ottoman après la conquête turque, était devenue un musée depuis la République laïque de Kemal Ataturk après la Première guerre mondiale. Certes, la décision d’Erdogan n’était pas innocente, elle est caractéristique de ce régime réactionnaire, autoritaire, nationaliste, qui n’hésite pas à utiliser la religion musulmane, majoritaire en Turquie, pour combattre les opposants, et se poser en leader au Moyen-Orient, où elle a pour concurrents d’autres puissances " musulmanes " comme l’Arabie Saoudite, le Qatar, et aussi l’État colonial " Juif " d’Israël.
Rappelons au passage que tous ces États sont des alliés fidèles de l’Impérialisme occidental, qu’ils ont tous contribué à la guerre organisée par les Occidentaux contre l’état national de Syrie, et celle économique contre l’État national d’Iran, deux nations tout aussi musulmanes que Turquie ou Arabie.
Tous ces vautours moyen-orientaux utilisent la religion à leur service, aussi bien à Tel Aviv qu’à la Mecque. Mais ne soyons pas naïfs : leurs motivations n’ont aucun rapport avec le Coran ou la Bible qui leur servent de prétextes, elles se disputent les zones d’influence, les ressources pétrolifères et gazières en Lybie et en Méditerranée orientale, dans un jeu complexe de concurrence inter-impérialiste. Il arrive même que la Turquie d’Erdogan, qui est pourtant un membre essentiel de l’Alliance occidentale de l’OTAN (les bases états-uniennes de Turquie sont équipées de fusées et bombes nucléaires US), négocie avec la Russie pour obtenir des zones d’influence en Syrie, où elle soutient des milices intégristes, ou s’oppose à la France de Macron en Libye !
Non, vraiment, ce nœud de vipères moyen- oriental et occidental n’a rien d’une guerre de religions, même si les diverses religions (musulmans sunnites, Wahabites ou chiites, juifs sionistes, chrétiens orthodoxes ou catholiques, etc…) servent souvent de prétextes ou de manipulation politicienne.
Mais notre France ou la pratique religieuse n’est plus que minoritaire ne connait-elle pas les mêmes manipulations du religieux par nos dirigeants politiques ?
Certes, la Constitution française est laïque depuis plus d’un siècle, et cette conquête politique est un acquis pratiquement unique en Europe. Et si elle est finalement peu mise en cause officiellement par nos gouvernants, c’est que la pratique chrétienne se limitant à moins de 10/100 des Français, Il n’y a plus guère de gains électoraux à chercher de ce côté-là de l’opinion.
Cela ne signifie en rien qu’ait disparu l’instrumentalisation du religieux dans notre société, ne serait-ce que de façon négative. Ainsi, notre histoire coloniale et la Guerre d’Algérie a légué à une bonne part de l’opinion française (tous les sondages le disent) une méfiance et parfois une hostilité à l’égard des Musulmans, souvent confondus avec " les Arabes ". Cela se traduit trop souvent par l’assimilation de l’Islam et de l’intégrisme, voire le terrorisme. Parfois par des sous-entendus, quand des ministres dénoncent le " communautarisme " des banlieues pauvres, et peuplées de fils ou petits fils d’immigrés maghrébins.
Et le Président Macron, " chef de guerre" au Sahel, justifie auprès des Français sa guerre au Mali et Burkina en réduisant les groupes dissidents locaux qu’il y combat à des fanatiques religieux
" djihadistes ", alors que tous les analystes de bonne foi savent bien que les motivations de ces insurgés sont diverses, et vont de la délinquance à la pauvreté, et relèvent souvent des défaillances des États locaux corrompus et soumis aux sponsors occidentaux.
Les médias complaisants à son égard ne sont pas en reste : ils ont quasi unanimement présenté le soulèvement populaire massif du peuple malien comme religieux, parce que l’imam Dicko en est un des porte-paroles, en occultant tous les autres et le profond ressentiment politique et social de tout un peuple.
Autre exemple de cette hypocrisie d’État d’un pouvoir Français libéral et laïque : notre gouvernement vient d’accorder une aide que nos télés ont trouvée généreuse au système éducatif du Liban, pays en crise sociale et politique, dont les dirigeants sont traditionnellement alliés de la France, leur ancienne puissance coloniale. Cette manne sera, nous dit-on, "attribuée aux écoles francophones".
Certes !
Mais ce que nos communicants ne disent pas, c’est que le Liban n’ayant pas une Constitution laïque, mais confessionnelle, les écoles et Universités "francophones" sont
Chrétiennes, à l’exclusion de toutes les autres.
Ne serait-ce pas là du communautarisme, que dénonce notre Président ?

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